il. Reconnaissance et Perception des Visages
2.1.3 Le visage en tant que stimulus naturel et expérimental
Le visage humain fait probablement partie des stimuli les plus complexes auxquels nous sommes régulièrement confrontés.
Notre
perception est rarement miseen
échecen ce qui
concerne la reconnaissance etI'identification
de visages, et de nombreux auteurs considèrent nos performan-ces classificatoires des visages comme supérieures à celles portant sur d'autres classes d'objetsconnusouinconnus(Yin, 1969;Yarmeyetscapinello,
1970;Ellis, 1981;BruceetYoung,
1986;Sergent, 1989). Les origines de ce savoir-faire ne sont pas claires.
L
expositionrépétée et prolon-gée à ce type destimuli,
ainsi que la nécessité de devoir reconnaître et interagir socialement avec ses semblables, sont deux caractéristiques que peu d'autres classes d'objets partagent.Mais,
en I'absence de mesure objective des facteurs influençant notre apparente efficacité perceptuelle (la'familiarité',
la complexité et la ressemblance intra-classe du stimulus),il
estdifficile
de préciserpourquoi la
catégoried'objets
visageest mieux
reconnueque les
autres classesd'objets. Il
n'existe pas de consensus à I'heure actuelle sur ce que sont les propriétés de base
d'un
visage, et sur la manière dontI'information
visuelle est traitée, comparée àI'information
disponible, et fina-lement reconnue. Des questions fondamentales sur la perception des visages restent sans répon-ses: quellessont les
capacités requisespour
une reconnaissance(identification)
efficaced'un
visage ? Quels éléments (traits faciaux, configuration globale, contexte de perception, etc.)jouent
II. Reconnaissance et Perception des Visages
un rôle significatif
dansla
reconnaissance ? Comment accède-t-onà I'information
sémantiqued'un
visage, comment est-elle stockéeet
extraite? Existe-il
des mécanismes spécifiquesà
la reconnaissance des visages ? Comme nous le veffons plus bas, plusieurs équipes, dans des domai-nes de recherche différents, ont tenté d'amener des éléments de réponses à ces question, en sui-vant des voies différentes, qui convergent parfois.L
épreuve type d'une étude sur la perception et la reconnaissance des visages, est de demander à un sujetd'étudier
attentivement une série de visages (visages-clbles); puis, de les mélanger à une série de visages inconnus (visages-dlstracteurs), et de demander au sujet de reconnaître les visa-gesqu'il
a préalablement étudiés.La
performance est ensuite évaluée enfonction
du nombre de ciblescorectement
identifiées, et du nombre de distracteurs identifiés par erreur (faux positifs).L'augmentation
du premier et la diminution du
second facteur améliorent les performances de reconnaissance(Bruce,
1988). Plusieurs des facteurs influençantla
reconnaissance des visages sont propres àla
mémoire en général, comme par exemplele
tempsd'exposition
aux visages-cibles (Laughery, Alexander et Lane, 1971;Ellis,
Davies et Shepherd, 1977:Light,
Kayra-Stuart etHollander,
1979; Bruce et Valentine, 1985), ou la similarité des visages-distracteurs (Laughery, etaL,I974;
Patterson et Baddeley,1977; Davies, Shepherd etEllis,
1979). La durée entreI'expo-sition initiale et
l'épreuve de reconnaissance semble affecter également les performances (She-pherd etEllis,
1973; Davies,Ellis
et Shepherd, 1978; Bruce, 1988), bien qu'un certain nombre de travaux concluent le contraire (Laughery, etal., I97I;
Chance, Goldstein etMcBride,
1975; Lau-ghery et Fowler,I976;Egan
Pittner et Goldstein,I9TT).Les
visages nous apparaissent sous unemultitude
de formats autres quecelui d'objet
en trois dimensions que nous percevons quotidiennement; les représentations photographiques en deux dimensions(ournaux,
etc.) ou les images télévisées sont similaires auxstimuli
utilisés enlabora-toire. Ce
dernierpoint
contribue, peut-être, à expliquer en partie les performances accrues de reconnaissance de visages mesurées en laboratoire. Peu de travaux, excepté ceux surI'identifica-tion de
suspectspar
des témoins oculaires, se sont préoccupésde la variabilité
des formats (Davies, 1933). Différents formats destimuli 'visage'ne
sont pas forcément équivalents, et leur variation n'est pas souvent prise en compte.Ils
peuvent différer par leurs caractéristiques physi-ques (photographie en couleur ou en noir et blanc, en négatif, sur papier, à l'écran, inversée, etc.), leur réalisme (photographie, dessin ou caricature, images manipulée) et leur contenu eninforma-tion
(seulement la tête ou avec le corps, avec ou sans contexte, images filtrées, éditées, etc.). Les travaux surla validité
de témoignages oculaires cherchent à maximiser les chances d'une recon-naissance exacte. Or les systèmes d'identification basés uniquement sur des représentationsstati-ques bi-dimensionnelles de
visagesnégligent une
grandepart d'information utile au
sujet (témoin) (Davies, 1989).A
première vue, le rôle joué par Ie format du stimulus 'visage' présentéPage 27
2.I Contributions de la psychologie
ne devrait pas être très important, dans
la
mesure où la diversité de formats ne refléterait que la diversité des types de visages auxquels nous sommes confrontés dansla vie
quotidienne (repré-sentation en deux dimensions, photographies dans les journaux, images télévisées, etc.). Cepen-dant, les performances de reconnaissanceou
de comparaison baissent lorsque les visages sont manipulés ou changés entre les périodes d'étude et detest
(Goldstein et Chance, 1981). Nous tou-chons au problème de la description deI'information
faciale disponible (de sa représentation par le système visuel), de I'extraction deI'information
pertinente à la tâche en cours. Quelle influence le formata-t-il
surI'efficacité
de perception des visages ? La connaissance àpriori
deI'efficacité
(relative) d'extraction deI'information
en fonction du format du stimulus'visage',
nous aiderait certainement à déterminer quelles sont les propriétés du visage qui jouent un rôle crucial dans le processus de reconnaissance (Sergent, 1989).Deux facteurs rarement pris en compte dans les travaux sur la reconnaissance des visages, sont la
facilité
(ou ladifficulté)
de se souvenird'un
visage donné, et la variabilité des facultés de mémo-risation des sujets testés. Le premier point a amené des auteurs à considérer I'influenc e deI'origi-nalité
("distinctiveness" en anglais) relatived'un
visage sur les performances de reconnaissance (mémoire). Un visage est considéré comme'original'
siil
présente une apparence distincte de cel-les des autres de l'ensemble dontil
fait partie. Un visagejugé 'original'
serait mieux retenuqu'un
visagejugé 'typique'(ou 'normal',
au sens statistique du terme) dans une épreuve sur la mémoire de reconnaissance(Going et
Read, 1974; Cohenet Can,
1975;Light, et al.,
1979; Winograd, 1981; Bartlett, Hurry et Thorley, 1984; Valentine et Bruce, 1986a; Valentine et Bruce, 1986b; Val-entine, 1991b).Uutilisation
de critères subjectifs tels que la'familiarité'ou 'l'originalité'est
déli-cate dans la mesure où le jugement estrelatif
à la tâche à exécuter et au contexte de I'expérience.De plus, nous n'avons aucune indication du degré de confiance de telles mesures.
La notion
de'familiarité'
n'est pas clairement définie dans de nombreux travaux.S'agit-il
d'unefamiliarité
de gens proches ?D'individus
publiquement connus ?D'une familiarité
épisodiqued'individus
qui nous sont inconnus ? Nous reviendrons plus tard sur ces aspects, notamment lors de la présenta-tion du concept 'd'espace devisage'
("face space") de valentine (1991b) à la page 36.L'origine
ethnique des visages présentés affecte les performances de reconnaissance.La
plupart des études publiées surle
sujet mettent en évidence une baisse significative des performances lorsqueles
visages présentés appartiennentà
une populationd'origine
différentede celle
des sujets (Shepherd, 1981; Brigham, 1986; Shepherd, 1989; Valentine, Chiroro etDixon,
1995).Il
ne semblerait pas que cela soit imputable à des différences de variabilité des visages dans différentes populations (Goldstein etChance,IglS;
Goldstein, 1979b; Goldstein et Chance, 1979), mais plu-tôt au manque defamiliarité
avec les caractéristiques distinctes (originales) des visages depopula-II. Recoruruissance et Perception des Visages
tions non
familières,lié
à I'expérience vécue de chacun (Malpass et Devine, 1981; Malpass, 1993;Valentine, et
al.,
1995).
Dans le document
Approche morphométrique dans l'étude de la perception et de la reconnaissance du visage humain
(Page 33-36)