de lésions cérébrales bilatérales des moitiés postérieures des hémisphères cérébraux (Damasio et Damasio, 1986a; Damasio, et a1.,1986b), et qui peut être décrit comme I'incapacité (acquise) de reconnaître visuellement des individus qui étaient facilement identifiés avant les lésions (Bruyer, 1989).
Il
existe différentes formes de prosopagnosie, selonla
sévérité et le type de visages non-reconnu;s'il
s'agitd'un
visagefamilier
ou d'une personnalité connue, par exemple (Bruyer, Rec-tem etDupuis,
1986). Les sujets prosopagnosiques sont en mesured'identifier
un individu par des indices comme lavoix,
I'habillement, la démarche ou d'autres indices contextuels, confirmant la distinction entreI'identité d'un individu
et son visage (la non-reconnaissance deI'un n'implique
pas obligatoirement la non-reconnaissance de I'autre). Ce dernier point
vient
étayer les théories de I'existence de mécanismes cognitifs distincts pour le traitement des visages (perception et recon-naissance) et I'accès àI'identité
d'unindividu
(Hay, et a1.,1982; Bruce, 1983;Ellis,
1986b). Mal-gréI'incapacité
à reconnaitre les visagesfamiliers
(ou connus), les capacités de reconnaissance7.
Pour des revues plus détaillées du sujet, voir Bruyer (1986; 1989) , Sergent (1987; 1989; 1994) et Dama-sio (1989a).Pagc 39
2.1 Contributions de la psychologie
visuelle des autres classes d'objets, ainsi que des motS, restent intactes. Certains travaux décrivent une double dissociation entre I'agnosie des visages
et celle
des objets,où les
sujets souffrent d'agnosie d'objets sans prosopagnosie (Newcombe et Russel,1969: Hécaen, etal., !974: Albert,
Reches etSilverberg,IgT5;
Newcombe,Ratcliff
et Damasio, I}ST). L'existence même de patients prosopagnosiques semblait donc indiquerqu'il
existait bel et bien des mécanismes spécifiques àla
perceptionet à la
reconnaissance des visages. Cependant, dans une revue importantesur
le sujet,Ellis
(1975;Ellis,
eral.,
1989) fait remarquer que les patients prosopagnosiques décrits dans la littérature ne sont généralement pas complètement indemnes d'autres troubles de la perception visuelle (ils ont des problèmes de reconnaissance d'autres classes d'objets, de perception des cou-leurs, de mémoire topographique)8. Bruyer (19ss)fait
remarquer que si les problèmes de recon-naissanceconcernent
essentiellementles visages, cela pourrait être la
conséquence de I'importance des visages dans la vie quotidienne et de l'ampleur de la gêne occasionnée. D'autres auteurs vont plusloin
en suggérant que la prosopagnosie n'est pas propre aux visages (Damasio, etal., 1982).Il
nes'agirait
pasd'un
déficitcognitif
spécifique aux visages, maisd'un
problèmeplus
générallié à
unemalfonction
dela
mémoire. Les visages sont desstimuli 'ambigus'
par nature, c'est à direqu'ils
font partie d'une classe d'objets (nombreux) de structures très similaires, etil
n'existe pas d'autres classes d'objets qui soient aussi bien différenciés entre eux. Les auteurs formulent I'hypothèse selon laquelle un sujet prosopagnosique sera capabled'identifier
un objet comme un livre ou une chaise, mais rencontrerait des problèmes similaires à ceux des visagess'ils
devaient spécifier 'à
qui'
appartient celivre
ou cette chaise. La différence qui existe entre recon-naître une classe générique ('chaise', mémoire sémantique), du contexte historique deI'objet (.la
chaise à Paul', mémoire épisodique).Une nouvelle hypothèse sur
la
nature dela
prosopagnosie avu
lejour
ces dernières années: la déficience ne porterait pas sur la reconnaissance des visagesper
se, mais sur I'accès conscient à cette reconnaissance (Benton, 1990;Bruye\ I99l;
Sergent et Signoret, I99Z; Wallace et Farah,1992;
Young,
1992).Une
reconnaissance 'cachée'("covert recognition", en
anglais) prendrait place, mais le patient n'en aurait pas conscience. On a observé, chez certains patients prosopagno-siques une différence de potentiel électrodermale élevée lors de la présentation de photographies de visagesfamiliers,
suggérant que des processus automatiques et inconscients de traitement deI'information visuelle
sont préservés après des lésions cérébrales.L activité
électrodermale de sujets normaux augmente également lors dela
vision de photographies de visages(familiers
ounon), qui
leursont été
précédemment présentés durant des tempsd'exposition
supraliminaux, inférieurs au seuil nécessaire pour la reconnaissance (Ellis, Young et Koenken,
Igg3)9.I1 existe un parallèle entre ces observations et certains aspects delareconnaissance'normale':
nous nepou-8. Remarquons que de Renzi (de Renzi, 1986; de Renzi, et at., l99I) décrit les cas de patients prosopagno-siques qui ne souffrent apparemment d'aucun autre déficit de perception visuelle.
IL Reconnaissance et Perception des Visages
vons pas regarder un visage et décider consciemment de ne pas le reconnaître; certains mécanis-mes de reconnaissance visuelle ne sont pas sous le contrôle du conscient.
Il
semblerait donc que certains d'entre eux soient préservés chez des patients prosopagnosiques (Young, L992).L'observation
d'un
cas de prosopagnosie'pure',
où la seule déficience est celle pour la reconnais-sance des visages, est très peu probable dans la mesure où la prosopagnosie résulte de lésions ou de tumeursqui
touchent des surfaces relativement grandes de tissus cérébraux,et par conséquent concernent plusieurs champs gnosiques.Il
n'est pas surprenantqu'un déficit
en reconnaissance des visages s'accompagne d'autres déficits, et que ces derniers varient suivant les patients. Des résultats récents surla
localisation des aires du cerveau impliquées dans le niveau d'attention, la perception de I'espace, des objets et des visages montrent des recouvrements importants entre lesvoies
neurologiques impliquées dansla
perception des objetset celle
des visages (Cabeza et Nyberg, 1997).2,L,5.4
Etudes neurophysiologiquesUn dernier axe de recherche important dans le débat sur la spécifité de la reconnaissance des visa-ges concerne les travaux neurophysiologiques sur les réponses spécifiques de neurones du cortex à la présentation de visages. Gross et al. (1972) publièrent la découverte de cellules du cortex tem-poral de macaques activées spécifiquement par les visages. Elles furent décrites spécifiques aux visages, car elles n'étaient pas activées par d'autres type de
stimuli.
Des lésions temporales infé-rieures (abrégéesIT
en anglais) diminuent sévèrement la capacité des macaques à reconnaître, à apprendreet à
mémoriser desstimuli
visuels.Les fonctions
visuelles (sensorielles)de
base, comme I'acuité par exemple, restent cependant intactes (Gross, 1973). Ces lésions produisent desdéficits
dansle
traitementet le
stockaged'informations sur les
formeset les
couleurs. ChezI'homme,
un syndrome similaire est également associé àla
pathologie du cortex temporal (Mil-ner, 1968).Le
syndrome humain comprend souvent des déficits du traitement et de la reconnais-sance des visages identifrés comme prosopagnosie.Les
premiers travaux décrivent différents types de cellules du cortex temporal du macaque rhésus activées selon que le visage est orienté de face ou deprofil
(Desimone, etaL,1984;
Perrett, et a1.,1985; Perrett, etal.,
1986). Plus récem-ment, Perett etaI.
(1991) ont rapporté qu'une majorité de cellules du sulcus temporal supérieur (STS) seraient spécifiques à une orientation donnée. De plus, la même cellule répondrait à toutes les instancesd'une
vue donnée;c'est
àdire
quelque soitla
position dela
tête dansI'image,
sataille
relative, son orientation ou les conditionsd'illuminations
ambiantes (Perrett, etaI.,
1989;Bauer ( I 984) fut le premier à publier des résultats dans ce sens. Des photographies de visages connus des sujets étaient présentées à des patients prosopagnosiques, et une série de noms étaient lus à haute voix.
Une différencé significative de I'activité électrodermale était enregistrée lorsque le nom correspondant au visage présente etait prononcé. Toutefois, le sujet était incapable de reconnaitre le visage' ou de deviner le nom correct du visage Présenté.
9
Page 4
I
2.I Contributions de la psychologie
Perrett, et
al.,
1992). Cependant,il
n'est pas aisé d'établir le rôled'un
groupe particulier de neuro-nes àpartir
de leurs propriétés réceptrices. Ces rôles peuvent êtrela distinction
des visages, ouleur
reconnaissance,la
perception des expressions, des émotions,de I'orientation
du visage ou une combinaison du tout.L
interprétation en termes de comportement deI'activation
d'unecel-lule
à un signal donné est pour le moins délicate. De cefait, il
n'est pas surprenant quela
seule interprétation raisonnable des résultats obtenus à partir de sondes implantées dans les cellules du lobe temporal du macaque est que ces dernières sont spécialisées dansle
traitement desstimuli
visuels 'visage' (Desimone, 1991). Remarquons cependant que des auteurs ont décrit des cellules répondant sélectivementà I'identité faciale (Baylis, Rolls et Leonard,
1985),aux
expressions (Hasselmo,Rolls
etBaylis,
1989), à la position des yeux et de la tête (Perrett, et a1.,1985). Ces résultats électrophysiologiques ont relancéle
débat sur I'existence de systèmes indépendants de reconnaissancevisuelle,
chacun spécialisé dansle
traitementd'un type de stimuli
particulier.L
hypothèse proposée par ces auteurs est que la prosopagnosie observée chezl'homme résulterait de lésions de la région homologue à celle du STS du macaquelO.Ces arguments semblent être en faveur de la thèse de la spécificité des mécanismes de reconnais-sance, et concordent avec certains résultats obtenus sur I'homme. Cependant, quelques remarques s'imposent: les régions étudiées par
Perett
etal.
où sont situés la majorité des neurones spécifi-quesaux
visages(le
sulcus temporal supérieur) ne correspondent pas exactement à celles des lésions les plus souvent observées dans les cas de prosopagnosie (le fasciculuslongitudinal infé-rieur, ou lésion bilatérale-
ventromédiale occipito-temporale(Damasio,
1989a).De plus,
ces régions contiennent àla fois
des cellules répondant spécifiquement aux visages,et
des cellules répondantà
d'autres typesd'objets (la
prosopagnosie est généralement accompagnée d'autres troubles de la reconnaissance).Un
autre problème se pose concernant la fonction de ces cellules spécifiques aux visages: une lésion dans la région spécifique aux visages du STS ne semble pasprovoquer (ou provoque peu) de déficit de
reconnaissancedes
visageschez les
macaques (Heywood, etal.,1992;Eacott,
et a1.,1993). La recherche d'une région du cerveau qui soit entiè-rement dédiée à la perception et à la reconnaissance des visages, ainsi que de déficits spécifiques à ces derniers, semble doncillusoire.
Sans parler des difficultés de mise aupoint
de tests équiva-lents pour l'homme et pour le macaque rhésus.10. Une manière de tester cette hypothèse est d'évaluer les performances de macaques cérébrolésés (ablation du, ou d'une partie du STS) dans des tâches où des patients prosopagnosiques humain sont déficients.
L ablation bilatérale complète de Ia région néocorticale contenant des cellules spécifiques aux visages ne produit qu'un déficit mineur dans une séries de tâches impliquant la reconnaissance de visages. De plus, lorsqu'un déficit est observé il n'est pas spécifique aux visages (Heywood etCowey,1992).
IL Reconnaissance et Perceptiott des Visages
Nous manquons donc de données pour conclure que la prosopagnosie résulte de lésions cérébrales situées dans des régions de cellules spécifiques aux visages, de même que
pour
affirmer I'exis-tence de processus spécifiques à la perception et à la reconnaissance des visages.Pour bon nombre de chercheurs, un mécanisme spécifique est nécessairement inné, donc inscrit quelque
part
dans nos gènes. Or, nous ne disposons pas à I'heure actuelle de travauxqui
décri-raient des cellules à reconnaissance spéciflque des visages d'animaux n'ayant jamais I'occasion d'en voir. Ces arguments étaient déjà critiqués dans la première revue sur le sujet parEllis
(1975).La perception des visages est certainement 'spéciale', mais pas 'unique'.
2.1.6 La structure duvisage humain (taitement structurel)
Comment les visages sont-ils stockés, comparés et extraits ? Ou comment devons-nous décrire