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Mécanismes de reconnaissance spécifique du visage humain

il. Reconnaissance et Perception des Visages

2.1.5 Mécanismes de reconnaissance spécifique du visage humain

De

nombreux travaux

ont

été publiés ces dernières années sur

les

processus

de

traitement de

I'information

dans la perception et la reconnaissance des visages. Des modèles de traitement de

I'information

(Hay et Young, 1982; Bruce, et a1.,1986;

Ellis,

1986b; Burton, et

aI., I99l; Ellis

et Shepherd, 1992); des modèles de reconnaissance par ordinateur (Kohonen, Oja et

Lehtio,

1981;

Benson et Perrett, 1993); des modèles neurophysiologiques (Baron, 1981;

Ellis,

1989); des modè-les neuropsychologiques (Damasio, Damasio et Van Hoesen, 1982;

Ellis,

1983; Rhodes, 1985;

Damasio, 1989b; Perrett, et a1.,1992). Parmi ces travaux, une des questions centrales est de savoir

si

la perception et la reconnaissance des visages dispose de processus de traitement spécifiques, ou si, au contraire, les visages sont reconnus de la même manière que les autres classes d'objets.

La

spécificité dont

il

est question

fait

référence à la manière dont les

stimuli

'visage' sont traités par rapport à d'autres

stimuli

(non-verbaux) aussi complexes. C'est une question importante, car

il s'agit

de considérer

I'objet

étudié:

s'agit-il d'un

système important, mais idiosyncratique, de reconnaissance

? Ou, s'agit-il d'une

opération

d'un

système

de

reconnaissance

plus

global ?

L

hypothèse selon laquelle les visages disposeraient

d'un

système de reconnaissance spécifique

était

initialement plausible. Après tout,

il

semblerait que les nouveaux-nés expriment

un

intérêt particulier pour les visages (pour une revue, voir Johnson et

Morton,

1991b), et plusieurs aires du cerveau ont été identifiées comme

jouant

un rôle important dans

la

perception des visages. Des lésions de ces aires entrainent une incapacité à reconnaitre les visages, comme la prosopagnosie (pour une revue, voir de Renzi, 1986; Damasio, Tranel et Damasio, 1990; Farah, 1990). La grande homogénéité structurale des visages pourrait requérir

un

système de reconnaissance spécifique.

Le

consensus actuel est que

le

mécanisme de reconnaissance des visages

n'est

pas spécifique (Diamond et Carey, 1986;

Ellis

et Young, 1989; Morton et Johnson, 1989; Farah, 1992; Rhodes, 1995b).

Il

n'existe pas d'observations démontrant l'existence

d'un

système

qui

ne

traiterait

que les visages.

Les

visages seraient reconnus par

un

système spécialisé dans

la

représentation des

IL Recorunissance et Perception des Visages

variations

individuelles qui

distinguent les

individus d'une

classe

d'objets

homogènes (Rhodes, 1995a).

Pour démontrer

la

spécificité d'opérations

d'un type

de

stimuli, il faut

mettre en évidence une double dissociation de traitement entre ce stimulus et

un

ou plusieurs auxquels

il

est comparé.

Autrement

dit, il

faut mettre au point un protocole d'expérience

qui

permet, à la fois, de démon-trer qu'une lésion cérébrale donnée entraîne bien I'incapacité à reconnaître les visages, mais per-met toujours de reconnaître d'autres catégories

d'objets

(les pièces de monnaie

ou

les voitures, par exemple); et, inversement, qu'une autre lésion permet la reconnaissance des visages, mais pas des autres objets. Pour mettre en évidence ces dissociations, les psychologues disposent de l'étude du développement ontogénétique de

la

perception des visages3, ainsi que de

l'étude

des aspects neurophysiologiques et neuropsychologiques (lésions cérébrales et latéralisation).

2.1.5.1 Etude du

développement de Ia

perception

des visages

Est-ce que

le

mode

d'acquisition

des processus de traitement des visages

diffère

de

celui

des autres classes d'objets ? Les nouveaux nés possèdent-ils la capacité de percevoir et de reconnaître les visages au moment où

ils

viennent au monde ? Les travaux de Goren et

aI.

ont montré que des nouveaux nés de moins de 10 minutes, suivaient préférentiellement des yeux des

stimuli

de visa-ges schématiques, que des visavisa-ges sans traits, ou des visages dont les traits n'occupent pas leur

position

normale (Goren, Sarty et

Wu,

1975). Des exemples de schémas sont

illustrés

dans la Figure

2-2.

Ces résultats furent ensuite reproduits par plusieurs équipes de recherches (Maurer et Young, 1983; Dziurawiec et

Ellis,

1986; Johnson, et

al.,I99Ia).Il

est

difficile

de savoir à quoi les nouveau-nés réagissent réellement dans ces expériences.

S'agit-il,

comme

le

prétendent leurs auteurs, du visage humain et de sa configuration spécifique, d'un comportement inné qui leur per-mettrait de

s'orienter

vers des 'objets biologiquement importants'4

(Morton

et Johnson, I99La;

Morton et

Johnson,

I99Ib; Morton,

1993),

ou

au contraire,

d'un

ensemble de caractéristiques lumineuses particulières

qui

n'auraient rien à

voir

avec

le

visage humain en soit

(Kleiner,

1987;

Kleiner et Banks, L987) ?

Ces travaux indiquent une attirance particulière pour les visages humains, témoignant de la recon-naissance de cette classe d'objets par le nouveau-né, mais

ils

ne signifient pas

qu'il

soit capable

3.

Pour une revue plus complète du sujet voir Flin (1989).

4.

Les auteurs présentent une théorie selon laquelle deux mécanismes subcorticaux contrôleraient le com-portement de I'enfant par rapport aux stimuli de visages. Le premier, appelé CONSPEC, serait actif dès la naissance et permettrait au nouveau né de s'orienter vers des visages de son espèce; le second, appelé CONLERN, permetterait l'apprentissage de la reconnaissance de visages familiers. CONSPEC ne serait actif que durant les deux premiers mois, période durant laquelle CONLERN aurait pu stocker de I'infor-mation concernant les visages. Autour de dix mois, ce dernier mécanisme serait en mesure de contrôler I'attention et la reconnaissance maternelle.

Page 3I

2.1 Contributions de la psychologie

d'identifier (individualiser) le visage

présenté.

La

reconnaissance précoce

des

visages peut s'expliquer par un apprentissage très rapide de la part du nourrisson, et

n'implique

pas de méca-nismes innés. D'autres expériences ont montré qu'un adulte peut mémoriser un visage après une

exposition

extrêmement

brève, et que les

nourrissons

de

quelques semaines

sont

capables d'apprendre à percevoir des distinctions fines entre stimuli

(Ellis,

1981;

Flin,

et a1.,1989).

Figure 2-2 : Illustration des schémas de visage présentés aux nouveaux-nés dans les expériences de Johnson et al. (l99la). L enfant est sur le dos, couché sur les genoux de I'expérimentateur qui lui présente les schémas en formant des arcs de cercle au dessus de sa tête. Uexpérimentateur détermine quel est le schéma que I'enfant suivra le plus spontanément des yeux.

Les

travaux sur les nouveaux-nés montrent que

le

stimulus 'visage' est

particulier

(spécifique), mais ne suggèrent pas

qu'il

soit unique dans son mode de traitement. Le

fait

que les nouveau-nés apprennent très rapidement à distinguer un visage

d'un

autre pourrait être

la

conséquence de la

position

importante qu'occupe

le

visage dans leur expérience visuelle.

De

même,

I'inhabituelle

vitesse à laquelle cet apprentissage

cognitif

prend place

pourrait

suggérer une

unicité

de traite-ment, mais

il

n'existe pas de preuves directe pour ou contre cette hypothèse.

Il

est probable que les enfants de cet âge

utilisent

d'autres indices pour parvenir à

identifier

un

individu,

tels que la

voix

par exemple

(Mills

et

Melhuish,1974;

de Casper et

Fifer,

1930). Goldstein et Chance

(1964;

1965) publièrent la première étude systématique sur le développement de la perception des visa-ges durant les années scolaires.

Ils

présentèrent des visages de

5,

8

et

13 ans à des enfants des mêmes classes d'âges. Les enfants devaient reconnaître ces visages (-cibles) parmi une nouvelle série de visages (-distracteurs) inconnus. Ils observèrent une amélioration significative des perfor-mances avec l'âge, mais pas de relation entre l'âge du sujet et l'âge du stimulus. D'autres auteurs ont observés des résultats similaires (Feinman et

Entwistle,I976;

Diamond et Carey,

1977;BIa-ney

et

Winograd,

1978; Carey, Diamond et V/oods, 1980; Carey, 1981).

Les

performances de reconnaissance vont en s'améliorant jusqu'à l'âge adulte, mais entre les âges de 10 et 14 ans, elles baissent sensiblement.

L

ampleur du déclin observé n'est pas toujours statistiquement

significatif,

mais

la

tendance est présente (Carey, et a1.,1980;

Flin,

1980; Carey, 1981; Diamond, Carey et

rirl T

{r} V s

IL Recotmaissance et Perception des Visages

Back,

1983;

Flin,

1985a). Ce déclin est observé lors de tâches d'encodage de grands nombre de visages inconnus pour une reconnaissance ultérieure.

Le

phénomène n'est pas observé pour des visages

familiers (Diamond, et al.,

1977; Carey, 1981). Carey proposa comme

explication

un changement de stratégie de perception des visages: avant

l'âge de

10 ans,

I'enfant

coderait les visages sur Ia base des éléments qui le composent, et non sur sa configuration (comme les adultes) (Diamond, et

aI., I97l;

Carey, et a1.,1980). Sa démonstration était basée sur I'expérience de per-ception des visages inversés: les jeunes enfants de moins de 10 ans reconnaissaient aussi mal les visages inversés que les visages bien orientés, tandis que ceux

de

10 ans et plus reconnaissaient

mieux

les visages correctements orientés que les visages inversés, comme

on

observe chez les adultes

(Yin,

1969). Spéculant sur

le fait

que

I'information

sur

la

configuration

d'un

visage est plus

difficile

à extraire

d'un

visage inversé, les enfants plus âgés changeraient de stratégie lors de I'inversion, et encoderaient les visages sur la base de leurs éléments constitutifs (plus facile, mais moins efficace). Comme les enfants de moins de 10 ans encodent les éléments (et non la configu-ration) du visage

qu'il

soit

droit

ou inversé, les baisses de performances (phénomène d'inversion) ne sont observées que pour les enfants plus âgés.

L

explication proposée des différences de per-formances observées

pour les

visages correctements orientés est

un

encodage

différentiel

de

I'information

portant sur la configuration

d'un

visage selon l'âge des enfants.

Il

semble donc plus

judicieux

de conclure que les deux types

d'information

sont utilisés et codés quel que soit l'âge.

L utilisation d'un

mode

plutôt

que

I'autre

se

ferait en fonction

des demandes cognitives, de

I'information

disponible, des conditions de perception,

etc.

(Pedelty,

Levine et Shevell,

1985;

Baenninger,Igg4).

D'autres explications, de nature biologique (physiologiques et neurophysiolo-giques) ou cognitive, ont été proposées pour expliquer ce phénomène, mais elles restent toujours spéculatives et peu fondées (Diamond, et a1.,1983). En outre, des problèmes d'ordre méthodolo-gique subsistent également. Cette baisse de performance de reconnaissance n'est pas

limitée

au seul visage; en effet la reconnaissance des

voix

(Mann, Diamond et Carey, 1979; Carey, 1981) ou

la

reconnaissance d'autres objets

(Flin,

1985b) sont également atteintes dans

la

même tranche

d'âge. Il

semblerait

donc

que ce phénomène

soit de

nature

plus

globale. Peut-être est-ce une caractéristique du développement de

la

mémoire ? En conclusion, les travaux sur

le

développe-ment de la perception et de la reconnaissance des visages ne permettent pas de décider si la per-ception des visages relève de mécanismes qui

lui

sont propres ou pas.

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