• Aucun résultat trouvé

ENTRETIENS MAISON DE RETRAITE RESIDENTS

2. La vie institutionnelle

2.1. Entrée dans l’institution

2.1.1 Multitude de chocs simultanés

La majorité des résidents évoquent la solitude et leur état de santé comme raison de leur entrée dans l’établissement. Ils se trouvent souvent avec la lourde charge de gérer

dans un temps presque simultané le déménagement, la dégradation de l’état de santé et parfois le deuil d’un proche. : Mme C : « Je suis venue ici parce que je pouvais plus rien faire, je tombais par terre et puis je… j’étais incapable de rester toute seule » Mme R : « Faudra que je... je me supprime un jour ou l’autre parce que n’ayant ni famille ni... très peu d’amis et en plus les amis qui m’ont fait mettre ici c’est parce que j’ai eu un accident, grave accident de santé, j’ai été pendant deux ans par intervalle plus ou moins dans le coma. En principe j’aurais... j’aurais dû mourir, je suis pas morte, malheureusement. » Depuis son arrivée, elle

explique : « j’ai récupéré mes facultés mentales et... et... et mobiles mais alors je me rends compte où je suis et ce qui m’attend. » Mme I, elle, est entrée encore attristée par la mort récente de son époux. « Une fois rentrée je me suis dit il faut que... que je m’y habitue parce

2.1.2. Les deuils : Quitter ses amis, son animal de compagnie, son logement, ses meubles

L’entrée en maison de retraite est liée à plusieurs pertes, générée par la vie institutionnelle, par les raisons de l’entrée ou par la vieillesse. Beaucoup de personnes âgées doivent renoncer à des projets, à un avenir qu’elles l'avaient imaginé. M. L : « Ben j’ai pris

ça pour une injustice, j’avais encore... des tas de choses à faire, à m’intéresser puis je pourrais plus à cause de... de l’AVC. C’est une injustice. Ce serait peut être arrivé graduellement oui mais là c’est un accident. » Il se produit aussi une rupture avec le passé.

M. L: « C’est le regret de... quitter... parce que quitter... quitter son... son passé quoi d’une

certaine manière. Pas de jardin, plus de maison, plus... plus de voisins il y en aurait qui m... rendu visite. (Pause)... Voilà, je suis venu... » Les liens avec les voisins et les amis diminuent.

Mme K « ce qui m’a... ce qui m’a fait beaucoup de peine c’est (…) j’avais beaucoup d’amis et

on les perd progressivement. » Le lien affectif avec l’animal de compagnie est rompu. Mme

G : « au début parce ce qui m’a manqué, parce que j’avais un chien, d’avoir à abandonner

mon chien si vous voulez. » La vente du logement et des objets est aussi un moment compliqué. Mme D se sent dépossédée des objets qui symbolisent son existence passée :

« tout le monde s’est servi mais on ne m’a pas... pas dit merci. » Mme P : « j’aurais dû être là

le jour où ils sont venus emmener les meubles. D’un autre coté ça m’aurait crevé le cœur. »

Le plus dur, « c’était de me retrouver sans logement, sans... sans domicile enfin voilà. » La maison de retraite ne semble pas identifiée comme un vrai domicile par la majorité des résidents.

A l’inverse, Mme K dit se sentir chez elle car ses objets les plus précieux ont été

conservés dans sa chambre : « j’ai toutes mes sculptures chez moi là dans ma chambre. Il m’a tout apporté. Il m’a apporté toute la décoration, tous les tableaux, tout... donc je me sens moi... » Et Mme G, qui apprécie la vie institutionnelle, retourne parfois dans son ancienne maison : « ma petite fille (…) m’a dit « Ma mère je vais t’emmener pour faire voir à David ta maison tout ça » » Cette possibilité l’aide peut-être à accepter une nouvelle vie qui

2.1.3. Rapidité du déménagement

Même lorsque la personne âgée a accepté son entrée, le déménagement peut être

un choc car il suit parfois de très peu l’annonce d’une place libre, qui ne peut pas

forcément être programmée à l’avance. Ainsi, Mme P a accepté que son neveu cherche une structure pour elle après une phlébite suite à laquelle « je n’ai jamais retrouvé mon

équilibre. » Il la rappelle peu de temps après : « « il y a une place de libre, qui va être libre dans 15 jours ». J’étais suffoquée hein je m’y attendais pas du tout, mais vraiment pas du tout. » Pour d’autres résidents, le délai est encore plus court, de 24h à 48h, à la suite d’un

décès. Une situation qui a marqué Mme F : « c’est malheureux à dire qu’il faut attendre la mort des gens pour avoir une place pour rentrer c’est terrible hein. » D’autant plus que c’est dans le lit de la personne décédée que le nouveau résident prend place.

2.1.4. Le rôle de la famille

Pour beaucoup de résidents, la famille joue un rôle lors de l’entrée dans l’établissement. Pour certains, le choix de venir en maison de retraite est aussi motivé par

le fait de ne pas importuner ses enfants. Mme S a décidé d’entrer en maison de retraite

après deux AVC et un malaise durant lequel elle est restée 3h allongée par terre chez elle. Elle en a conclue : « Je peux pas rentrer chez moi, je peux plus rentrer chez moi » « puis

j’aurais pas voulu embêter mes enfants », et elle a trouvé cette structure avec leur aide. Pour

d’autres, ce sont les enfants et non la maladie qui est tenu pour responsable de l’entrée en

maison de retraite. Mme E : « C’est ma nièce qui m’a posée là parce que j’avais plus personne, j’avais qu’elle. » » Le risque est alors que les difficultés institutionnelles leur soient

imputées avec colère, comme c’est le cas de M. B avec sa fille. C’est souvent la crainte de cette colère qui amène certaines familles à refuser que leur proche sache qu’il intègre la structure définitivement. Une décision bien trop souvent respectée par les soignants, malgré les conséquences psychiques désastreuses pour le résident. Nous devons annoncer la vérité

aux personnes âgées et les accompagner ainsi que leurs familles dans cette annonce. C’est absolument impératif !

2.1.5. Expériences de vie en communauté

Les expériences de vie hospitalière semblent aider les résidents à s’adapter à la vie de la structure. Pour certains, l’expérience négative de l’hôpital aide à voir les aspects positifs

de la maison de retraite. Mme K : « la nourriture c’était une nourriture que les chats n’auraient pas mangé. » « il y avait une personne de de l’hôpital qui est venue qui m’a dit « vous êtes bien là ? la la la » ben j’ai dis « on est en prison »» Pour d’autres, les habitudes prises à l’hôpital aident à s’adapter à l’EHPAD, qui est plus perçu comme un lieu de soin

qu’un lieu de vie. M. L: « oh je m’y suis fait, du fait d’avoir vécu dans les hôpitaux hein alors

ici... Non... Pas de problème. »

En revanche, ceux qui ont connu des expériences communautaires

extra-hospitalières les préfèrent généralement à la vie en maison de retraite. M. L a connu

l’armée : « C’était une... une belle communauté (…) On avait chacun son boulot à faire, on

avait... Là c’est plutôt une fonction d’assisté. » M. H a un avis plus mitigé et déclare que

l’établissement gériatrique, « c’est quand même mieux que le service militaire (rires). » Le quand même donne réfléchir. Mme D a vécu chez les sœurs, et regrette de ne pas y être restée. Mme T quant à elle a vécu en internat pendant sa scolarité mais elle ne dit pas grand-chose de cette expérience.