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5. Parcours individuels 225

1.3. Ce qui change en fonction de la capacité à quitter l’institution ou non 315

1.3.1. Rappel des hypothèses 315

1.3.2. Analyse 315

2. Les limites de la recherche 316

3. Prospectives de recherche 317

3.1. Autorité et pouvoir 317

3.2. Et si le temps était immuable ? 318

3.3. L’institution : béquille du moi ? 321

3.4. La gestion du manque 321

3.5. Vers une éducation à la paix 322

Conclusion 323

Bibliographie 328

Annexes Volumes 2 et 3

Introduction

Il y a 12 ans, je mettais les pieds pour la première fois dans un service de soins. Alors jeune étudiante infirmière, je découvrais les établissements pour personnes âgées avec stupeur : les odeurs, la cadence des soins, la maltraitance dont j’ignorais alors le nom, mais aussi les sourires et les moments de partage avec les personnes âgées. Trois ans plus tard, je faisais mes premiers pas en milieu carcéral lors de mon stage pré-professionnalisant en psychiatrie. Je me souviens de la brutalité des situations qui rejaillissaient entre les professionnels, de l’équilibre délicat à trouver pour ne pas juger les patients mais à mon grand étonnement, pour ne pas non plus oublier la raison de leur incarcération. A l’époque, je ne faisais pas de lien entre ces deux expériences.

Devenue psychologue par la suite, et ayant exercé dans ces deux types d’institution, j’ai commencé à constater des similarités qui m’ont interpelée. Que ce soit en EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) ou en prison, deux univers à priori très différents, les patients m’exprimaient les vécus suivants : choc à l’entrée, difficulté à s’approprier leur nouveau statut de personne âgée dépendante ou de criminel / délinquant, ainsi que dépression et agressivité en lien avec leur vie quotidienne institutionnelle. Les professionnels quant à eux évoquaient un sentiment de manquer de temps, de ne pas pouvoir remplir leurs missions entièrement (soins et/ou réinsertion), des relations insatisfaisantes avec les personnes accueillies, et un impact de leur vie professionnelle sur leur vie privée en raison des horaires décalées et du travail le weekend.

Ces similarités, qui me sont apparues sous un angle plutôt négatif, m’ont questionnée. En effet, pourquoi les retrouver dans des établissements dont les objectifs institutionnels et la population sont très différents ? Ce qui m’a amenée à la question de départ suivante : « Quels sont les points communs et les différences dans le vécu des personnes accueillies et des professionnels en EHPAD et en prison ? » Afin de transformer cet éprouvé subjectif en recherche scientifique, j’ai commencé cette thèse, accompagnée de mes tuteurs.

Nous avons constaté que si le sujet avait souvent été étudié d’un point de vue sociologique, ce n’était pas le cas avec un angle psychologique. En partant de ces études, nous avons identifié trois points communs aux EHPAD et aux centres de détention. D’une part, ils peuvent être définis comme des institutions totales (Goffman, 1968) dans lesquelles : « tous les aspects de l’existence s’ inscrivent dans le même cadre », que ce soit manger, dormir ou travailler. D’autre part, ces structures peuvent accueillir des personnes sur le long terme (plusieurs années). Et enfin, le mode d’entrée y est rarement libre. Il est majoritairement contraint en maison de retraite : une étude de la DRESS menée en 2007 stipule que « l’entrée en établissement semble être un choix relativement contraint » (Marquier, 2013), motivé dans 83% des cas par l’état de santé du résident. Et il est forcé en prison, puisque l’emprisonnement est une peine privative de liberté qui imposée à l’individu pour sanctionner une infraction de type crime ou délit (articles 131-1 à 131-9 du code pénal).

Face à ce constat, nous avons poursuivi notre questionnement en nous demandant ce qu’il en serait dans une institution totale qui accueille des personnes sur le long terme, mais dont l’entrée serait libre. Nous avons alors décidé d’introduire un troisième établissement dans cette recherche. Nous avons pensé à différentes structures, notamment des institutions professionnelles telles que l’armée. Ce sont finalement les monastères qui ont retenu notre attention car les moines décident d’y entrer pour passer volontairement le reste de leur vie coupés du reste du monde. Nous avons sélectionné les monastères les plus présents en France : les monastères chrétiens, et plus particulièrement les monastères bénédictins réputés pour leur suivi strict des règles de la retraite religieuse. Afin de ne pas concentrer cette étude sur un type de spiritualité en particulier, nous avons également inclus un monastère bouddhiste. Nous aurions pu ajouter d’autres types d’institution, mais nous avons préféré nous concentrer sur ces 3 structures, qui nous paraissaient représentatives chacune d’un mode d’entrée dans une institution totale : libre, contraint et forcé.

Au sein de ces établissements, nous avons distingué les individus qui peuvent quitter l’institution quand ils le souhaitent (professionnels et moines) et ceux qui ne le peuvent pas

(personnes âgées et personnes incarcérées). Les premiers peuvent en effet accepter ou refuser de rester travailler et/ou vivre dans l’institution, alors que les personnes incarcérées ne peuvent pas quitter le système pénitentiaire avant la fin de leur peine, et il est très difficile de quitter un EHPAD si ce n’est pour un autre EHPAD, notamment lorsque la dépendance physique ou psychique est importante.

Dans ces institutions, au-delà des vécus, nous allons essayer de comprendre les dynamiques psychiques des personnes accueillies et des professionnels, afin de mieux saisir leurs interactions. Et ce avec l’idée de répondre à la problématique suivante : « Quelles dynamiques psychiques interagissent dans une institution totale (Goffman, 1968) qui accueille des personnes sur le long terme, d’une part selon que le mode d’entrée principal y soit choisi, contraint ou forcé, et d’autre part selon que le sujet ait la capacité de quitter librement l’institution ou non ? » Tout au long de ce manuscrit, lorsque nous évoquerons l’institution, il s’agira par défaut d’une institution totale qui accueille des personnes sur le long terme.

Pour saisir les dynamiques psychiques des individus dans une institution, nous devons les interroger dans leurs rapports à leurs différents cadres, du plus proche au plus large : individuel, relationnel, institutionnel et social. En effet, la vie institutionnelle s’inscrit dans le parcours individuel du sujet, mais elle a aussi un rôle social et elle modifie le type de relation possible avec les autres. Ce travail sur les différents cadre a pour objectif de les mettre en perspective et de pouvoir ensuite construire nos hypothèses selon 3 axes : ce qu’il y a de commun entre les institutions, ce qui diffère en fonction du mode d’entrée et ce qui diffère en fonction de la capacité à quitter l’institution ou non.

Pour construire notre partie théorique, nous nous sommes appuyés sur les principaux ouvrages existants sur le sujet, mais étant donné la multitude d’institutions et de populations étudiées, il n’a pas été possible d’être exhaustifs. Dans ce manuscrit, vous trouverez des éléments de réflexion partagés avec mes tuteurs pour lequel le « nous » est employé, mais également des éléments d’expérience personnelle, notamment dans la rencontre avec les personnes interrogées et avec les institutions, pour lequel le « je » est employé. Certains passages ont été repris dans le chapitre que j’ai rédigé pour présenter ma

thèse à un colloque de jeunes chercheurs : Mennereau, C. (2014). Vivre en institution sur le long terme : étude comparative des établissements pénitentiaires et de ceux pour les personnes âgées. Chevandier, C. Larralde, J-M. Tournier, P-V. (dir). Enfermement, justice et