Regard social sur les personnes âgées

La question sur la façon dont les personnes âgées sont considérées surprend M. H :

« Oh ben je me suis jamais posé la question. Puis je ne l’ai jamais posée non plus. » De même, Mme T ne sait pas : « je n’entends personne en parler. » Pour certains, le regard

social est celui porté par l’institution : « Ici on est bien considérés parce que il y en... il y en a qui sont pas drôles dans les... dans les patients hein. » Mme F, évoquant la cadre de santé :

« madame P elle vient me voir. Elle est marrante hein P, elle est bien gentille c’te dame là. » (Mme F parlant de la cadre de santé), « quand je regarde ici elles sont bien traitées les

personne âgées » (Mme G).

Rares sont ceux, qui comme M.L, pensent que la société a un regard « bienveillant » sur les personnes âgées. Mme K trouve que les conditions de vie des personnes âgées

devraient être repensées dans notre société : « les personnes âgées on y pense pas beaucoup. On pense beaucoup aux gens qui sont au chômage ou... et c’est nor... et c’est tout à fait normal mais moi je dis que moi j’ai eu la chance de vivre dans des années heureuses, agréables et maintenant les personnes âgées il faudrait quand même faire un effort parce

que... parce que voyez vous ici on a la chance parce qu’on est dans une maison médicalisée et qui coûte quand même très cher à la famille et qui vous coûte très cher mais les personnes qui n’ont pas les moyens... comment elles... Moi à l’hôpital j’ai vu, j’ai vu des personnes, j’ai vu... j’ai vu beaucoup de gens grabataires. Et ça j’ai, ça m’a fait beaucoup... très mal. Dans gens à qui le le soir à 7h les volets étaient fermés, ils étaient couchés et on les... ils restaient couchés toute la journée d’ailleurs hein puisque c’était un hôpital pour... pour personnes âgées. Mais moi ça m’a fait mal de les voir comme ça et pas mal... pas maltraités personne, c’était pas le personnel c’était... la loi dans l’hôpital, c’était les habitudes dans l’hôpital, c’était le... le sens du je sais pas c’était comme ça et il y avait de beaucoup beaucoup

beaucoup de personnes âgées qui terminaient leur vie dans... dans ces conditions là. Mais c’est... c’est catastrophique pour ces gens qui ont travaillé toutes leur vie. Et à qui (…) Et à

qui on reconnait pas les droits de ce travail. Enfin elles restaient, elles restaient allongées, on s’occupait... on s’occupait pas d’elles, on leur donnait à manger, on leur faisait leur toilette je suppose puis c’était tout. Et ça c’est c’est dur pour la société. Il faudrait que la société fasse quand même un effort. A mon avis. »

5. Parcours individuels

5.1. Projets

5.1.1. Profiter

Pour certains résidents, telle que Mme C, les projets ne se pensent pas au futur mais au quotidien : « je vis au jour le jour ». La façon d’envisager les projets par rapport à l’avenir semble pour elle une affaire de jeunesse. En effet, spontanément, elle nous répond : « Oh oh

si jeune, si jeune, si jeune. » Sa temporalité n’est pas celle-là. Plusieurs insistent sur

l’importance de conserver son autonomie. Mme M explique : « mes projets à venir et ben

c’est que... je garde ma tête, je vous ai dit. » Les projets de Mme K sont également de

profiter du quotidien en espérant conserver son autonomie : « continuer à vivre comme ça.

Le plus longtemps possible et pouvoir faire ce que je veux. » Quant à Mme E, elle « prie tous les soirs pour ma guérison.(…) Pour pouvoir marcher un peu. » D’autres comme M. H

attendent un événement heureux : « j’attends cet été pour aller passer une semaine au L., chez ma sœur, qu’est plus vieille que moi d’ailleurs.. »

5.1.2. Les projets personnels impossibles

Pour certains, les projets sont impossibles ou impensables. Mme I se sent « trop vieille maintenant pour faire des projets. » Mme T « Pas à mon âge. » Mme F : « Ben qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? On peut pas aller quelque part, on peut pas aller à rien du tout alors où c’est que je vais aller me faire des projets moi ? » Mme R peine aussi à

envisager des projets : « C’est impossible parce que ce que je projette c’est que, vu le prix que

ça coûte, je... je sais pas comment la tutrice fait pour payer. » A la fin de l’entretien, elle dit :

« Tout ce que je voudrais c’est sortir d’ici mais pour aller où ? Chez... chez moi rien a été fait. (…) Je me vois toute nue et désemparée sur le trottoir. » Quelques résidents ne semblent d’ailleurs pas envisager d’autre issue que la mort. Mme D : « Si je pars, je pars, ça

fera une personne de moins sur la terre. » Mme O aussi nous confie que son projet est de

« partir au plus vite. » Elle n’a pas pour autant d’idées suicidaires mais elle trouve difficile « D’être là à attendre la mort. »

Pour certains, les projets ne peuvent concerner que la descendance désormais. Mme G : « les projets on... on en fait toujours, ce que je veux... je veux ben c’est voir mes

petits-enfants grandir et puis qu’ils soient bien quoi. » Mme P : « j’avais acheté des... des assurances vie (…) Et ben j’ai tout de suite partagé entre mes petits neveux et mes neveux. »

5.1.3. S’échapper

Pour d’autres, les projets sont de trouver une échappatoire à la structure. M. L : « avec ma fille on a mis ça au point si je retrouve de l’autonomie hein, parce que je manque

d’autonomie, je serais dans un appartement à... enfin dans le coin mais... beaucoup autono... autonome. » Du coup, il met de l’énergie dans sa guérison : « En ce moment je fais soigner mes... mes dents, je fais soigner mes yeux, je vais avoir en juillet deux op... deux opérations... je... je maigris hein je... en motricité je me déplace mieux. C’est ça. » A la fin

artiste qui se sent enfermé dans l’institution, ses poèmes et spectacles passés et à venir sont son échappatoire, ce qui donne sens à sa vie passée et à ses projets à venir : « je voudrais

essayer d’être édité (…) ce qui m’ennuie le plus c’est de… de mourir inconnu »