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ENTRETIENS MAISONS DE RETRAITE - PROFESSIONNELS

2.1.2. Les premiers pas

Pour beaucoup de professionnels, les premiers pas en EHPAD peuvent être assimilés à un choc. Seuls deux professionnels disent ne pas en avoir ressenti.

 L’état de santé

Mme Da : « en arrivant j’ai pas spécifiquement pris conscience que c’était une maison

de retraite enfin même en le sachant mais j’ai plutôt pris ça comme un service... un service

de médecine. » « il y a pas assez de différence entre finalement la structure hospitalière et la

structure EHPAD. (…) les formations qui sont... qui nous sont données à nous sont pas très différentes de celles qu’on trouve à l’hôpital (…) donc ça devrait être accès sur quelque chose de plus positif je trouve, enfin de plus vivant. » Mme Gi : « On assurait la toilette, l’alimentation et puis... et puis voilà on palliait mais j’avais cette sensation qu’il y avait pas de vie à côté. » Pris dans leur mission soignante, la résistance aux soins peut alors être compliquée à gérer. Mme Ca : « le fait qu’ils ne veulent pas se laver quoi ça c’est un truc qui me... c’était, ça a toujours été enfin difficile. » Le lieu de vie est un peu oublié. Mme Du

rappelle pourtant que « quand ils rentrent ici il faut qu’ils se sentent comme chez eux parce qu’ils sont chez eux de toute façon. »

L’état de santé peut faire peur. M. Ga : « C’est un autre monde dans le monde. Rires. Dans... il faut y aller pour... pour voir ce que c’est hein c’est... c’est quand même assez triste. (…) On est face à des personnes humaines qui perdent la... la tête. » Pour M. Bu : « on a plus envie de vieillir après. » Mme Co : « Ca peut faire peur. » Mme Du : « Ben je suis arrivée

ouais je m’en rappelle j’ai pleuré. » « C’était rude. C’était rude. » « Je m’attendais pas à voir

ce que j’ai vu, au début » par rapport « à l’incontinence, à la démence, je ne pensais pas. »

« J’avais 18 ans donc j’étais choquée. J’ai bien mis 15 jours à m’adapter. » Certains évoquent les odeurs. Mme Go : « Les odeurs. Ça c’était la... les...les odeurs c’était le matin on arrivait

au rez-de-chaussée... c’était... les odeurs... d’excréments, d’urine, et en même temps de

café au lait qui... tout était mélangé. (…) C’est surtout ça qui... qui m’avait choquée. » Et certains manquent de formation pour accompagner les résidents. Mme Be : « je me suis

trouvée perdue parce que je ne savais pas comment aborder les choses. C’est... je me suis retrouvée démunie. » M. Fu : « Une peur qui commençait à s’installer et puis au fur et à mesure, en ayant les connaissances adéquates, j’ai plus compris en fait la pathologie et j’ai plus cerné mon langage. »

 Le manque d’humanité

Pour Mme Ba, sa première expérience date « ça doit faire 25 ans » « les gens qui

étaient... entre guillemets catégorisés comme déments on les enfermait dans leur chambre, ils avaient pas le droit de sortir dans le couloir... » « Ca m’avait choquée de voir qu’on mettait beaucoup d’intérêt, beaucoup de moyens sur le secteur actif et que le secteur personnes âgées était toujours la dernière roue du carrosse quoi. » Mme Go : « j’avais l’impression qu’on faisait tout le travail à la chaine. On faisait une toilette, on faisait une toilette, on faisait une toilette, on faisait une toilette. On faisait manger, on faisait manger, on faisait manger, on faisait manger. » M. De rappelle à plusieurs reprises « c’est des êtres humains

avant tout » et pour lui la structure manque de vie : « donc ils sont là et ils sont là ils

attendent, ils attendent quoi ? Ben ils attendent... ils attendent la mort. » Le relationnel

avec les résidents a surpris Mme Di lors de ses premiers pas : « en fait il y en a qui infantilisaient plus les résidents, c’était pas évident... » Quant à M. Fi, c’est l’existence même de ce genre de structure qui l’a étonnée, lui qui vient d’un autre pays où les personnes âgées restent dans leur famille : « Le principe même de la maison de retraite je

pense que c’est pas, enfin moi c’est seulement c’est pas une bonne idée. (…) il y a les gens qui travaillent dans la maison de retraite qui doivent s’occuper de ces vieux et de ces vieilles mamies et papys et voilà donc on dirait que c’est une décharge. »

2.2. Vécu actuel de l’institution

2.2.1. Les valeurs de l’établissement

Plusieurs ne savent pas quelles valeurs évoquer. Celles qui sont mises en avant sont avant tout des valeurs d’humanité. Mme Ce : « le respect de la personne et pas uniquement

de la personne âgée hein respect aussi entre collègues. » Et elles sont portées par les

supérieurs. Mme Fa: « faut toujours respecter sa hiérarchie mais... mais voilà là là ce

week-end il y a personne en hiérarchie et enfin vous avez vu que ça, ça se déroule très bien. » Mme

Ba : « Il y a... il y a le respect de la personne, il y a... tout ce qui est... tout ce qui est pudeur,

tout ce qui est accueil, relationnel, à mettre un point d’ordre à éviter qu’il y ait des escarres. »

L’autonomie est aussi évoquée. Pour M. Bu, ces valeurs sont liées à la structure en elle-même : « C’est quand elle-même assez familial ici, ce n’est pas une grosse structure. Les plus

grosses structures ben c’est des numéros qu’ils veuillent qu’ils ne veuillent pas c’est comme ça. Ici (…) On respecte le résident au maximum, ses désirs, ses souhaits, on va faire tout dans ce sens là. » Les formations sont aussi mises en avant, notamment celle sur l’humanitude,

même si elle questionne Mme Gi : « peut-être que par méconnaissance, par manque de

formation, on est arrivé à peut-être aussi parfois un peu de dérives et on voit que des personnes s’épuisent hein. (…) et ça peut vite aller dans... dans la maltraitance (…) il y a des

choses, des valeurs qui nous semblaient évidentes, aujourd’hui on... voilà on les enseigne enfin c’est... voilà. »

Toutefois, la majorité des soignants estime qu’il n’est pas possible d’appliquer les

valeurs de l’établissement. Mme Be : « on a des fois des objectifs mais on a pas, on nous donne pas les moyens de les atteindre. » M. Fi : « il y en a des valeurs qui sont portées par les soignants mais par contre... je vois qu’il y a... il y a... il y a l’écart énorme, énorme, entre les soignants et les dirigeants. Ouais. C’est deux mondes complètement différents. Et ça je... ça je... je trouve que c’est encore grave parce que... je pense que... peut-être vous me contredirez, mais j’ai l’impression... que les maisons de retraite c’est un business. » « Est-ce que le départ, parce que moi ça fait 10 ans que je suis en France que je maîtrise pas tout,

été conçue pour justement aider ces personnes âgées qui étaient en difficultés sans être chez eux ? Je cherche la réponse, je l’ai pas encore trouvée. »