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ENTRETIENS MAISONS DE RETRAITE - PROFESSIONNELS

4.3. Regard social sur les professionnels

5.1.3. Influence du professionnel sur le privé

 Carpe diem

M. De trouve que son travail lui apporte « des sacrées leçons de vie on se dit mais

mince des petits bobos et je m’écroule mais... mais eux qu’est-ce qu’ils ont vécu quoi. Et ils sont toujours là et ils en parlent et ils sont dignes. Et ils ont certaines valeurs que nous on n’a plus maintenant, il a le respect, il y a beaucoup de choses... oui. (…) la vie ben il faut en profiter la vie. » M. Fu essaie de « plus profiter au moment présent et me dire que... que que la vie vaut la peine d’être vécue chaque jour. » Pour lui, le travail permet aussi de « se forger notre propre caractère aussi... enfin ça c’est forcément ce qui influe professionnellement influe aussi sur la vie privée. »

La vie Charlie Chaplin (1889-1977)

J'ai pardonné des erreurs presque impardonnables, J'ai essayé de remplacer des personnes irremplaçables Et d’oublier des personnes inoubliables.

J'ai agi par impulsion,

J'ai été déçu par des gens que j'en croyais incapables, Mais j'ai déçu des gens aussi.

J'ai tenu quelqu'un dans mes bras pour le protéger.

J'ai ri quand il ne fallait pas. Je me suis fait des amis éternels. J'ai aimé et l'ai été en retour, mais j'ai aussi été repoussé. J'ai été aimé et je n'ai pas su aimer.

J'ai crié et sauté de tant de joies,

J'ai vécu d'amour et fait des promesses éternelles, Mais je me suis brisé le coeur, tant de fois !

J'ai pleuré en écoutant de la musique ou en regardant des photos.

J'ai téléphoné juste pour entendre une voix, je suis déjà tombé amoureux d'un sourire. J'ai déjà cru mourir par tant de nostalgie et j'ai eu peur de perdre quelqu'un de très spécial (que j'ai fini par perdre)...

Mais j'ai survécu !

Et je vis encore !

Et la vie, je ne m'en passe pas...

Et toi non plus tu ne devrais pas t'en passer. Vis !!!

Ce qui est vraiment bon, c'est de se battre avec persuasion, Embrasser la vie et vivre avec passion,

Perdre avec classe et vaincre en osant,

Parce que le monde appartient à celui qui ose

Et que la vie c’est beaucoup trop pour être insignifiant !

 Regarder les personnes âgées

Plusieurs professionnels expriment le fait d’être plus attentifs aux personnes âgées dans leur quotidien. M. De : « c’est-à-dire que tout bête vous allez faire vos courses à midi

vous vous dites « Ouah mais tous les vieux, les vieux, tous les vieux ils vont faire leurs

courses à midi ils sont chiants alors qu’ils ont toute la journée » mais ces personnes-là si ils viennent à midi, si ils viennent à ces heures c’est pourquoi ? C’est pour voir du monde. C’est

des gens parfois qui sont isolés, qu’ont envie de venir parce qu’il y a du monde, ils ont envie de voir du monde aussi, de rencontrer des gens, de discuter. Et en fait la personne âgée ben c’est... c’est des personnes comme nous quoi je veux dire nous aussi on va vieillir et l’attention on aura besoin de voir du monde, on aura besoin d’attention aussi. On a tendance à ignorer la personne âgée pourquoi ? Parce que... parce qu’elle a fait sa vie, parce qu’elle arrive au bout du chemin mais non mais le chemin est parfois encore long et c’est le même pour tout le monde quoi je veux dire c’est très important. »

 Comprendre des situations

Si certains n’arrivent pas du tout à accepter la vieillesse ou la mort d’un proche malgré leur travail en EHPAD, parfois le métier permet de saisir plus rapidement certaines situations. M. De : « Oui ça a des conséquences. Parce que j’ai perdu mon papa il y a 6 mois

et c’est vrai que je m’en suis beaucoup occupé, énormément parce que bon je lui apportais des soins chez lui que... parce que je connais, parce que c’était mon travail mais en même temps j’étais... je savais qu’il allait partir. Je savais il était très malade mais autour de moi personne s’en rendait compte et ça j’ai pas osé en parler parce que je me suis dis je veux pas que mon travail déteigne sur ma vie privée en fait et en fin de compte on s’en aperçoit pas. Et ça déteint parce que j’ai passé les deux dernières nuits avec lui, il était à l’hôpital, il a eu

des comportements, des réactions, qui me disaient bon ben c’est la fin. Donc ça je le savais

quand on m’a appelé pour annoncer son décès, je savais qu’il allait décéder mais je me suis pris une claque parce que je me suis dit je le savais mais je... je me suis... je me suis quand même voilé la face en fait. Je crois qu’on n’arrive pas vraiment, quand on part d’ici on n’arrive pas vraiment à... à faire la part des choses et à couper vraiment le professionnel et la vie privée. »

 Répondre à un besoin personnel

Les soignants ne choisissent pas ce métier par hasard. Mme Fe : « Ca me permet

d’avancer dans la vie. C’est... ça me permet... ouais de... ouais de découvrir la personnalité des gens, ça me permet c’est... je sais pas c’est un plus, c’est un besoin. C’est un besoin je sais pas. Moi je suis une fille fille de parents handicapés aussi donc peut être qu’il y a de ça

aussi je sais pas. Mais ils sont sourds tous les deux donc j’ai... j’ai pas eu tellement d’enfance,

je me suis occupée d’eux donc peut être que c’est voilà c’est comme ça. » Chez Mme Bo, c’est la lutte contre la solitude qui est son axe de motivation, comme si elle cherchait à combler chez le résident un manque qu’elle ressent. Dans ce service ou dans un service de

cancérologie où elle envisage de postuler, elle explique : « « il y a des personnes parfois qui

5.1.4. La vieillesse

 Ne pas vieillir en EHPAD

Travailler en EHPAD renvoie les professionnels à leur propre vieillesse et aux craintes qui y sont associées. Mme Ca : « je pense que, par moments hein, par moments, pas

toujours, mais ça m’arrive de penser quand même je me dis « Mais est-ce que on finira

comme ça quoi ? ».» Mme Di pense aussi à la vieillesse de ses proches : « mon grand-père il

commence à perdre un peu la mémoire et... c’est pas pareil qu’ici. Parce que c’est quelqu’un que je connaissais avant et... j’arrive pas à visuali... j’arrive pas à admettre qu’il perd la mémoire. Je... et que bon ben il perd la mémoire... voilà c’est... Mais moi je vois mon grand-père comme avant en fait et c’est dur à accepter la maladie. » Certains évitent de penser à leur vieillesse ou à celle de leurs proches. Mme Be : « je ne me projette pas forcément dans la vieillesse. Je sais que je vais vieillir, ça j’en suis consciente (rires) mais non c’est vrai que je ne me projette pas... »

Aucun soignant n’a envie de vieillir en EHPAD. M. Bu est rassuré par d’autres

représentations extérieures à l’EHPAD : « Mes grands-parents qui sont très âgés sont très

bien. » « J’ai pas honte de le dire parce que j’ai quand même pas envie de finir comme ça hein. » M. Fi : « cette question je me la pose tous les jours quand je suis devant... je suis en train de faire une toilette pour une personne âgée je me dis et si c’était moi aujourd’hui ? Ou si c’était moi demain ? » « Nan je peux pas, je peux pas nan. » « de vieillir comme ça, de cette façon là. Je trouve qu’on ne... on ne mérite pas. Enfin je sais pas moi je trouve qu’on ne mérite pas. » Mme Fe semble défensive : « si si je dois me retrouver en maison de retraite si je veux pas de cette personne là et ben j’en voudrais pas et puis c’est tout (rires). » Certains

ont un regard plus mesuré. Mme Co : « je dirais qu’on soulage aussi la fin de vie. » Mme Go

a veut croire qu’elle serait surprise positivement : « j’ai agréablement surprise quand même en tout ce que j’avais connu à 20 ans et ce que j’ai découvert à 40 ans. Et je pense qu’à aujourd’hui, j’y retournerai, je pense que je serais encore agréablement surprise. »

 Vieillir, c’est une chance de vivre

Un témoignage sort un peu du lot, celui de Mme Ge, qui est passée près de la mort :

« c’est quelque chose la mort pour moi qui était complètement abstrait... à mes dix-sept ans

j’ai fait un... j’ai fait un arrêt cardiaque... donc de là déjà j’ai vu différemment les choses (aspiration) et... maintenant je sais que plus tard... si c’est pour vieillir en institution comme j’ai vu, je me dis ben pourquoi pas ? Alors qu’avant pour moi c’était impossible de me voir vieillir, à la limite je voulais mourir avant de me voir dépérir alors que maintenant je me dis ben pourquoi pas ? Pourquoi pas finir comme ça avec mes copines en institution comme je peux voir, avec du personnel attentionné. A côté de ça je me dis... si je suis dans une institution où j’ai été où c’est maltraitance et autre... ben ça me fait peur. »

5.1.5. La mort

Les professionnels évoquent moins d’angoisses concernant la mort que la vieillesse. M. Fu : « la mort pour moi fait partie d’un processus naturel après la vie et... voilà on est

des êtres humains... dès le départ on sait que la mort existe. » M. Ga : « dans notre société on tend à la repousser, à l’éliminer, à... à la refuser. Alors que le fait de l’accepter ça permet d’être... d’être plus serein sur ce qu’on veut de sa propre vie. » Il est intéressant de noter que

si la mort est perçue comme un phénomène naturel, ce terme n’a pas été évoqué pour la vieillesse. La mort peut même être envisagée comme un soulagement. M. De explique : « La maladie fait peur mais la mort me fait pas peur. (…) Et bien souvent on voit des gens

souffrir avec des visages tristes, figés, et quand ils sont décédés on voit leur... on voit un sourire sur leur visage, ils sont détendus. » Certains évoquent leur tristesse à la mort d’un proche. Mme Di : « j’ai eu le décès de la grand-mère à mon copain et... ben non c’est pas pareil en fait. Parce qu’en fait c’est une être cher qu’on connait depuis qu’elle est on va dire plus ou moins jeune et c’est vrai que c’est pas pareil. »