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1. L’engagement sociopolitique de l’Église depuis Vatican II

1.2. Vatican II et l’engagement sociopolitique de l’Église

Des seize documents conciliaires publiés par Vatican II, l’identité et la mission de l’Église dans le monde sont clairement définies par Lumen Gentium et Gaudium et Spes. Promul- guée le 21 novembre 1964, la constitution dogmatique Lumen Gentium (LG) pose que Jé- sus-Christ « est la Lumière des nations » et définit l’Église à la fois comme « Peuple de Dieu » et comme « Corps mystique du Christ » (LG 1.7.9). C’est dans l’explicitation de la mission de l’Église que Lumen Gentium parle du Royaume de Dieu, où règnent la justice et la paix, et de l’action missionnaire des fidèles laïcs. Le lien entre la venue du Royaume et la situation du peuple auquel il est annoncé apparaît lorsque sont explicitées la parole et les œuvres du Christ. Il est alors clairement dit que « les miracles de Jésus sont une preuve que le Royaume est véritablement venu sur terre […]. Mais, avant tout, le Royaume se mani- feste dans la Personne même du Christ, Fils de Dieu et Fils de l’homme, qui est venu “pour servir et donner sa vie comme rançon d’un grand nombre” (Mc 10,45). » (LG 5). Si cette mission du Christ, continuée par l’Église, est essentiellement spirituelle, elle concerne aussi tous les aspects de la vie terrestre de l’homme. Et c’est essentiellement aux fidèles laïcs que revient, au nom de leur foi, la tâche d’imprégner les réalités temporelles des valeurs chré- tiennes tirées de l’Évangile du Christ. Ils sont priés « d’assainir les institutions humaines et les conditions de vie, si les mœurs qu’elles comportent entraînent tant soit peu au péché ; ainsi tout cela sera-t-il rendu conforme aux normes de la justice et favorable, plutôt que nuisible, à la pratique des vertus chrétiennes. » (LG 36). Il s’agit là d’un appel clair à l’engagement sociopolitique, avec pour objectif affiché de rechercher « le royaume de Dieu en administrant les choses temporelles et en les ordonnant selon Dieu. » (LG 31)

Plus que Lumen Gentium, c’est la constitution pastorale Gaudium et Spes (GS), promulguée le 7 décembre 1965, qui marque un tournant dans l’enseignement du magistère sur l’enga- gement sociopolitique de l’Église. En affirmant dès sa première phrase que les « joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur

cœur » (GS 1), elle fonde dans la doctrine même du Christianisme l’engagement sociopoli- tique de l’Église. L’Église reconnaît que la mission qu’elle a reçue du Christ « n’est ni d’ordre politique, ni d’ordre économique ou social : le but qu’Il lui a assigné est d’ordre religieux. Mais, précisément, de cette mission religieuse découlent une fonction, des lu- mières et des forces qui peuvent servir à constituer et à affermir la communauté des hommes selon la loi divine. » (GS 42§2). Soulignant la valeur intrinsèque et inaliénable de la dignité humaine, l’Église défend la primauté de celle-ci sur les intérêts économiques ou politiques. Dans une telle vision, plus rien ne peut justifier une dichotomie entre la vie de la foi et la vie de citoyens. En conséquence, que « l’on ne crée donc pas d’opposition artifi- cielle entre les activités professionnelles et sociales d’une part, la vie religieuse d’autre part. En manquant à ses obligations terrestres, le chrétien manque à ses obligations envers le prochain, bien plus, envers Dieu lui-même, et il met en danger son salut éter- nel. » (GS 43§1). Parmi les secteurs les plus importants de la vie en société, en plus de l’économie et du social, Gaudium et Spes cite nommément le domaine politique, auquel s’intéresse ma recherche. Pour bien accomplir leur mission dans ce domaine, les fidèles ont besoin d’une bonne préparation. Pour ce faire, « on doit avoir un grand souci de l’éducation civique et politique ; elle est particulièrement nécessaire aujourd’hui, soit pour l’ensemble des peuples, soit, et surtout, pour les jeunes. » (GS 75§6)

Je trouve important de relever, dans l’enseignement de Gaudium et Spes, la double réalité que constitue le Royaume de Dieu annoncé par le Christ. D’une part « le Royaume est déjà présent sur terre » ; d’autre part, ce Royaume n’atteindra pleinement sa perfection que « quand le Seigneur reviendra. » (GS 39§3). Cette dialectique du « déjà-là » et du « pas- encore » est fondamentale dans le cadre d’une étude sur l’Église et l’éducation civique des populations engagées dans la construction d’une société congolaise plus juste, plus paisible et plus prospère, parce qu’elle donne à l’engagement sociopolitique des fidèles une dimen- sion à la fois sotériologique et trinitaire. C’est au nom du Christ et avec la force de son Es- prit que l’Église travaille à promouvoir l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Dans ce travail de promotion de la dignité humaine, le rapport au temps qu’implique le « déjà-là/pas-encore » n’est pas anodin, parce qu’il inscrit l’engagement sociopolitique de l’Église dans une perspective eschatologique. L’Église a conscience que son indispen- sable engagement sociopolitique, aussi significatif et réussi soit-il, ne peut être qu’une pré-

paration déficiente en regard de la plénitude du Royaume de Dieu, qui se manifestera à la fin des temps (GS 40§2).

L’enseignement du Concile Vatican II a inspiré les orientations du magistère ordinaire sur l’engagement sociopolitique de l’Église.

1.3. L’engagement sociopolitique de l’Église dans quelques encycliques et exhortations