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3. Mise en œuvre de l’enquête

3.5. Deuxième phase de la cueillette des données

Durant cette deuxième phase de mon enquête sur le terrain, j’ai d’abord rencontré mon équipe de recherche, afin de présenter à mes collègues co-chercheurs les résultats de mon analyse des données de la première phase. Après une bonne discussion entre nous, nous avons décidé de travailler individuellement sur la centaine des codes que j’avais dégagés,

344 Pierre Paillé et Alex Mucchielli, L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales, Paris, Armand

Colin, 2012, p. 231-313 ; Matthew B. Miles et A. Michael Huberman, Analyse des données qualitatives, Pa- ris-Bruxelles, De Boeck université s.a., 2003.

345 Vincent E. Faherty, Wordcraft. Applied Qualitative Data Analysis (QDA).Tools for Public and Voluntary

dans le but de les réduire en faisant ressortir ceux qui paraissaient être réellement les plus pertinents par rapport à ma recherche. Après deux jours de travail individuel, l’équipe a organisé une séance de mise en commun et de validation des codes. Le procédé respectait toujours les quatre blocs du questionnaire-guide, en retenant pour chaque question les thèmes les plus pertinents dans les réponses des participants. Ensuite, au lieu de soumettre les mêmes questions aux responsables paroissiaux du programme d’éducation civique et électorale de l’Église, nous avons résolu de leur soumettre plutôt ce premier résultat de l’analyse thématique des réponses des communautés ecclésiales de base, afin de savoir ce qu’ils en pensaient.

La rencontre de l’équipe de recherche avec le groupe de discussion des responsables pa- roissiaux a eu lieu le lendemain de la séance de mise en commun de l’équipe. Cette ren- contre a été un moment de confrontation entre ce que pensaient ces responsables parois- siaux du programme et ce que percevaient les bénéficiaires du programme dans les com- munautés ecclésiales de base ; entre ce qui était censé être fait par la Commission parois- siale Justice et Paix et ce qui était réellement réalisé sur le terrain. Un membre de l’équipe de recherche lisait la question posée aux membres des communautés ecclésiales de base dans les groupes de discussion et ce que nous avions retenu de leurs réponses et moi, comme animateur de la rencontre, je demandais aux responsables de réagir. Des échanges s’engageaient entre les co-chercheurs et les responsables paroissiaux, avec des questions d’éclaircissement et des moments de validation de l’essentiel des échanges, pour être sûr que nous avions tous compris la même chose. Si, sur plusieurs points, les responsables paroissiaux corroboraient les constats des bénéficiaires du programme, ils étaient visible- ment surpris de découvrir qu’il existait un grand écart entre leur perception du déroulement du programme sur le terrain et celle des membres des communautés ecclésiales de base (Annexe seize).

Ayant écouté séparément les membres des communautés ecclésiales de base et les respon- sables paroissiaux du programme, l’équipe de recherche n’a pas jugé nécessaire d’organiser une deuxième rencontre dans les sept groupes de discussion des communautés ecclésiales de base, comme initialement prévu. À l’issue de la rencontre avec les respon- sables paroissiaux, les membres de l’équipe de recherche avaient conclu qu’une deuxième

rencontre n’apporterait pas d’éléments nouveaux à l’enquête, les participants aux groupes de discussion ayant dit l’essentiel de ce qu’ils pensaient du programme et des améliora- tions qu’ils trouvaient nécessaires. C’est pourquoi l’équipe de recherche a décidé d’organiser plutôt une grande rencontre réunissant deux délégués de chaque communauté ecclésiale de base, un homme et une femme ayant participé au groupe de discussion dans la communauté, et les huit responsables paroissiaux du programme. Les deux délégués de chaque communauté ont été choisis de manière consensuelle par les membres de l’équipe de recherche lors d’une séance de travail, en fonction de l’apport de ces hommes et ces femmes aux échanges dans leurs groupes de discussion respectifs.

La rencontre entre les délégués des communautés et les responsables paroissiaux a été une première dans la paroisse de Shabunda. Jamais, depuis le démarrage du programme d’éducation civique et électorale dans cette paroisse, en 2005, les responsables paroissiaux et les délégués de toutes les communautés ecclésiales de base ne s’étaient réunis pour dis- cuter de ce que pensaient les bénéficiaires, du contenu et de la forme du programme. Pour la première fois, les délégués des communautés ont révélé aux responsables paroissiaux les acquis du programme, ses forces et pourquoi ce programme était très important pour leurs communautés ecclésiales de base. Ils ont aussi épinglé les faiblesses et les limites de ce programme par rapport aux besoins réels de des communautés ecclésiales et de toute la population de Shabunda. Enfin, ils ont soumis des propositions concrètes pour améliorer le programme, dans son contenu et dans sa forme.

Cette séance de travail a permis aux membres de l’équipe de recherche d’avancer sur trois fronts. L’équipe a d’abord pu valider avec les deux groupes les premières conclusions de l’enquête. La rencontre avec les responsables paroissiaux avait déjà permis de conforter l’équipe de recherche dans ce qu’elle avait retenu comme essentiel dans les réponses des participants aux groupes de discussion dans les communautés ecclésiales de base. L’équipe de recherche a cependant voulu faire valider ces conclusions par les délégués des commu- nautés ecclésiales et les responsables paroissiaux au cours d’une même rencontre. L’apport des délégués des communautés à ce travail de validation a été remarquable, parce qu’ils ont explicité certaines conclusions de l’équipe de recherche. Cette séance commune a éga- lement favorisé l’établissement des révélations de la recherche, c’est-à-dire, des éléments

inconnus jusque-là par les bénéficiaires et les responsables paroissiaux du programme. À travers des échanges parfois houleux, les responsables paroissiaux et les délégués des communautés ont en effet indiqué que la recherche-action leur avait permis de prendre conscience de beaucoup de choses auxquelles ils ne faisaient pas attention dans le dé- ploiement du programme. La rencontre a enfin servi à valider des propositions d’amélioration du programme. À partir des forces, des faiblesses et des limites avérées du programme actuel, aussi bien dans sa forme que dans son contenu, les responsables parois- siaux et les délégués des communautés ont fait des propositions concrètes pour une pra- tique ecclésiale améliorée de l’éducation civique et électorale (Annexe dix-sept).

Revenu au Québec, j’ai travaillé à la retranscription sur verbatim de tous les enregistre- ments sonores de la deuxième phase de l’enquête. J’ai ensuite commencé l’analyse théma- tique de ces nouvelles données, en me servant toujours du logiciel QDA Miner, mais j’ai buté sur deux difficultés majeures. D’une part, le nombre de codes restait très élevé, ren- dant quasi impossible une quelconque interprétation raisonnable des résultats. Malgré les efforts déployés, je n’arrivais pas à trouver le moyen d’effectuer une réduction des thèmes pouvant me permettre de construire un arbre thématique de dimension acceptable. D’autre part, peut-être à cause de cette difficulté, la manipulation du logiciel QDA me paraissait de plus en plus difficile. À la suggestion d’un ami, je suis passé au logiciel NVIVO 10346 dont il avait une certaine maîtrise. J’ai alors recommencé l’analyse, que le logiciel a rendue plus facile et plus pratique que QDA Miner. J’ai pu ainsi achever l’analyse thématique des don- nées recueillies durant la deuxième phase de ma recherche-action.