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Le processus d’engagement sociopolitique des communautés ecclésiales

3. Analyse des processus perceptibles dans le corpus

3.4. Le processus d’engagement sociopolitique des communautés ecclésiales

Les échanges dans les groupes de discussion ont permis d’établir que les communautés ecclésiales de base de Shabunda ont chacune leur processus d’engagement sociopolitique. Alors que le fonctionnement des trois premiers processus est essentiellement vertical, avec des décisions qui viennent d’en haut pour être appliquées en bas par des communautés qui n’ont pas été associées à la démarche, le processus d’engagement des communautés ecclé- siales de base est horizontal et participatif. Dans chaque communauté il y a certes un comité qui prend des décisions, mais ce comité regroupe des délégués venant des avenues qui composent la communauté ecclésiale. Les initiatives peuvent être proposées par n’importe quel membre de la communauté. Elles sont discutées au conseil ou en pleine assemblée par tous les fidèles de la communauté, et la décision est prise de manière communautaire. Dans la résolution des conflits, le comité n’impose rien aux personnes concernées. Il s’assure toujours de leur collaboration et de leur volonté d’accepter les décisions qui seront prises. Dès qu’une partie refuse d’accepter ces décisions, le comité se dessaisie et transfère le dos- sier à la Commission paroissiale, sans chercher à imposer sa volonté à la personne ni la blâmer. Ces quelques extraits illustrent ce processus d’engagement des communautés :

Lorsque nous avons constaté que les responsables paroissiaux de la Commis- sion Justice et Paix ne venaient pas chez nous, nous avons commencé à faire que, chaque jour où nous nous réunissions pour le partage hebdomadaire de l’évangile, notre responsable de communauté fait sortir les autres et nous res- tons avec le Conseil de la communauté pour débattre de certains conflits entre les membres. Nous débattons et par la grâce de Dieu nous trouvons une solution et le problème s’arrête là. (Communauté Saint-François-Xavier)

Ce que nous faisons ici dans notre communauté Kizito, d’abord chaque avenue a un responsable. Lorsqu’il y a un problème sur l’avenue, c’est ce responsable qui alerte la responsable de la communauté qui avertit à son tour le Comité Jus- tice et Paix qui s’occupe de régler ce problème. Deuxièmement, concernant aussi le côté développement, s’il y a un travail communautaire qui doit être fait, chaque responsable d’avenue sensibilise les membres vivant sur son avenue et

les amène à la chapelle. Et les membres venant de toutes les avenues réalisent le travail de développement prévu. (Communauté Saint-Kizito)

Lorsqu’un problème surgit, nous nous rassemblons d’abord ici dans la chapelle de la communauté. Nous abordons le problème et nous trouvons la solution ici même en communauté. C’est seulement lorsque nous n’y arrivons pas que nous pouvons transférer le dossier au bureau de la Commission paroissiale Justice et Paix. (Communauté Saint-Joseph)

* * *

Pour conclure ce chapitre présentant les résultats de l’enquête menée à Shabunda sur la pratique ecclésiale d’éducation civique à travers le programme d’éducation civique de l’Église, il me paraît important de rappeler que l’analyse des données recueillies sur mon terrain d’intervention a été faite en plusieurs phases, comme l’autorise la dynamique de la recherche-action. Deux moments d’analyse ont eu lieu à Shabunda, à la fin de chacune des deux phases qu’a connues l’enquête. Lors de ces deux phases, les résultats ont été validés par mes collègues co-chercheurs. En plus, pour nous assurer que les conclusions de l’équipe de recherche correspondaient réellement à ce qui avait été dit dans les groupes de discussion, une séance commune de validation a réuni les membres de l’équipe de re- cherche, les responsables paroissiaux et deux délégués de chacune de sept communautés ecclésiales ayant participé à l’enquête. S’il est vrai que, à cause de diverses contraintes de temps, de logistique et de sécurité, la recherche-action menée à Shabunda n’a pas suivi toutes les étapes d’une recherche-action classique, cette faiblesse a été largement compen- sée par la participation active des responsables paroissiaux et des membres des communau- tés ecclésiales de base à l’ensemble de la démarche, depuis les échanges dans les groupes de discussion à la validation des résultats de la recherche en passant par l’analyse des don- nées récoltées durant l’enquête. Je peux donc affirmer que les résultats présentés dans ce chapitre reflètent effectivement les opinons exprimées par les participants à ma recherche- action, comme l’a bien perçu un des responsables paroissiaux : « Les chrétiens ont vu juste, ils ont raison dans leur analyse du travail d’éducation civique et électorale qui a été fait par l’Église. Comme responsable de la Commission paroissiale Justice et Paix, je pense qu’il faudrait prendre en compte les propositions faites par les communautés pour améliorer leur engagement sociopolitique. » (Commission paroissiale). Les paroles de ce responsable pa-

roissial ouvrent la voie à la discussion des résultats présentés. C’est à cette discussion que je vais consacrer le prochain chapitre, l’avant dernier de la présente étude.

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CHAPITRE SIX

DES RÉSULTATS PRÉSENTÉS À LA CONSTRUCTION DU SENS

« L’Église que nous croyons [sic] fait que nous ne pouvons jamais rester neutres devant l’organisation concrète des rapports humains. »

Rémi Parent, L’Église, c’est vous! (1982) Après avoir rendu compte au chapitre précédent des opinions des participants à la re- cherche, je me propose maintenant de les analyser pour en décrypter le message. Je le ferai en les mettant en relation entre elles, en relation avec le contexte sociopolitique de la RDC et en relation avec les objectifs du programme d’éducation civique et électorale de l’Église catholique. Le but de cet exercice est d’aller au-delà de ce qui apparaît et de ce qui est dit, en essayant de comprendre le pourquoi et le comment des mots et des pratiques mis en avant par les participants à la recherche. J’obéirai en cela au schéma que j’ai utilisé lors de la présentation des résultats, en faisant suivre l’analyse des catégories par une analyse des processus. J’y ajouterai un point sur l’efficacité et un autre sur la pertinence de l’engagement de l’Église dans l’éducation civique et électorale.