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L’engagement sociopolitique de l’Église dans quelques encycliques et exhortations

1. L’engagement sociopolitique de l’Église depuis Vatican II

1.3. L’engagement sociopolitique de l’Église dans quelques encycliques et exhortations

La première encyclique sociale de l’après Vatican II est Populorum Progressio, publiée le 26 mars 1967 par le pape Paul VI. Consacrée au développement des peuples, Populorum

Progressio (PP) souligne la prise de conscience des exigences évangéliques qui oblige

l’Église à être au service de l’homme. Formée à la lecture des signes des temps par le con- cile Vatican II, l’Église constate en effet que les « conflits sociaux se sont élargis aux di- mensions du monde. […] les paysans prennent conscience, eux aussi, de leur misère immé- ritée. S’ajoute à cela le scandale de disparités criantes, non seulement dans la jouissance des biens, mais plus encore dans l’exercice du pouvoir. » (PP 9). Face à ce constat amer, l’encyclique rappelle la vocation de toute personne à une vie digne. Et cette vocation hu- maine à la dignité exige que le développement soit intégral, c’est-à-dire qu’il ne se limite pas seulement à la dimension économique, mais qu’il concerne tout l’homme et s’étende à tous les hommes (PP 14). Par ailleurs, si le monde veut vraiment la paix, ses instances diri- geantes doivent opérer des réformes sans tarder, notamment en rendant plus justes les règles du commerce international et la gouvernance mondiale car : « le développement est le nouveau nom de la paix. » (PP 87). En 1971, le pape Paul VI reprendra ce thème de la dignité humaine en précisant, dans Octogesima adveniens (OA), que l’Église chemine avec l’humanité et, étant sensible aux besoins du monde, a l’obligation d’éclairer l’activité hu- maine de la lumière de l’Évangile :

Le 80e anniversaire de la publication de l’encyclique Rerum Novarum, dont le message continue à inspirer l’action pour la justice sociale, nous incite à re- prendre et à prolonger l’enseignement de nos prédécesseurs, en réponse aux be- soins nouveaux d’un monde en changement. L’Église, en effet, chemine avec l’humanité et partage son sort au sein de l’histoire. Tout en annonçant aux hommes la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu et du salut dans le Christ, elle éclaire leur activité à la lumière de l’Évangile et les aide par-là à correspondre

au dessein d’amour de Dieu et à réaliser la plénitude de leurs aspirations. (OA 1)

En insistant sur le partage des responsabilités, Octogesima Adveniens a rappelé l’enseignement de Jean XXIII dans Magister et Magistra qui « soulignait combien l’accès aux responsabilités est une exigence fondamentale de la nature de l’homme, un exercice concret de sa liberté, une voie pour son développement, et il indiquait comment, dans la vie économique et en particulier dans l’entreprise, cette participation aux responsabilités devait être assurée » (AO 47). Dans ce partage de responsabilités, le rôle des fidèles laïcs sera for- tement souligné par l’encyclique Populorum Progressio, qui affirme que c’est à eux qu’il revient d’assumer, « comme leur tâche propre le renouvellement de l’ordre tempo- rel ». (PP 81). L’encyclique ne précise pas comment et par qui les fidèles seront formés à cette mission, mais elle montre une prise de conscience par l’Église de la nécessité d’une évangélisation en profondeur, thème qui sera exploité par Evangelii Nuntiandi.

Publiée le 8 décembre 1975, par le pape Paul VI, l’exhortation apostolique post-synodale

Evangelii Nuntiandi (EN) résulte des travaux de la troisième Assemblée générale ordinaire

du synode des évêques, tenue à Rome du 27 septembre au 26 octobre 1974. L’exhortation apporte un nouvel éclairage, sur le fond et la forme de l’évangélisation du monde, en préci- sant que le travail accompli par l’Église « pour annoncer l’Évangile aux hommes de notre temps, exaltés par l’espérance mais en même temps travaillés souvent par la peur et l’angoisse, est sans nul doute un service rendu à la communauté des chrétiens, mais aussi à toute l’humanité. » (EN 1). Cette conception de l’évangélisation comme un service rendu à l’humanité est importante pour ma recherche, parce qu’elle sous-entend que l’engagement sociopolitique est un service rendu par l’Église catholique aux populations concernées. Or, qui dit service dit besoins, parce qu’un service n’est pertinent que s’il répond réellement aux besoins de ses bénéficiaires. D’où la question cruciale, sur laquelle je reviendrai au quatrième chapitre, de la pertinence et de l’efficacité de l’implication de l’Église catholique dans l’éducation civique des populations congolaises. Evangelii Nuntiandi ne recommande pas explicitement à l’Église d’organiser elle-même l’éducation civique des fidèles, mais l’encyclique établit un lien clair entre les communautés de base, l’engagement sociopoli- tique des fidèles, le Règne de Dieu qui apporte la justice et la paix, et le salut offert par Jé- sus-Christ au monde (EN 70).

Pour marquer le vingtième anniversaire de Populorum Progressio, le pape Jean Paul II a publié, le 30 décembre 1987, l’encyclique Sollicitudo rei socialis (SRS). Cette encyclique traite de « l’intérêt actif que porte l’Église à la question sociale, c’est-à-dire à ce qui a pour fin un développement authentique de l’homme et de la société, de nature à respecter et à promouvoir la personne humaine dans toutes ses dimensions. » (SRS 1). Le magistère pré- cise qu’en s’engageant dans ce débat, l’Église ne prétend pas offrir de « solutions tech- niques » au problème du sous-développement et des injustices qui en sont la cause. Ceci ne l’empêche pas pour autant de recommander aux décideurs politiques une connaissance plus exacte de sa doctrine sociale, convaincue que l’éclairage de cette doctrine les aiderait cer- tainement à mieux orienter leurs décisions (SRS 41). Sollicitudo rei socialis considère qu’il y a un lien incontestable entre les injustices sociales, le péché de l’Homme et « les struc- tures de péché » qui sont à la base de ces injustices. Dans ce combat pour la justice et la dignité humaine, l’encyclique insiste sur « le rôle prépondérant qui incombe aux laïcs, hommes et femmes […] Il leur revient d’animer les réalités temporelles avec un zèle chré- tien et de s’y conduire en témoins et en artisans de paix et de justice. » (SRS 47).

Le magistère se préoccupe-t-il de la situation particulière de l’Afrique où la pauvreté, les dictatures et les guerres récurrentes portent gravement atteinte à la dignité humaine ? En 1994, le pape Jean Paul II a convoqué une assemblée spéciale du synode des évêques pour l’Afrique, à la suite de laquelle il a publié, le 14 septembre 1994, l’exhortation post- synodale Ecclesia in Africa (EA). Selon l’exhortation, « la première exigence à laquelle l’Église en Afrique doit faire face consiste à décrire, aussi clairement que possible, ce qu’elle est et ce qu’elle doit accomplir en plénitude afin que son message soit pertinent et crédible. Toutes les discussions à l’Assemblée spéciale se rapportaient à cette exigence essentielle et fondamentale, un réel défi pour l’Église en Afrique. » (EA 21). Lorsqu’est posée la question de savoir si l’Église en Afrique a « formé suffisamment les laïcs, pour les rendre capables d’assumer toutes leurs responsabilités civiques et de réfléchir sur les af- faires d’ordre socio-politique à la lumière de l’Évangile et de la foi en Dieu » (EA 54),

Ecclesia in Africa n’y répond pas directement. Le pape y indique seulement qu’il est un

devoir « pour les chrétiens d’exercer une influence sur le tissu social, pour transformer les mentalités et les structures de la société de telle sorte qu’elles reflètent mieux les desseins de Dieu sur la famille humaine. C’est pourquoi j’ai souhaité pour les laïcs une formation

complète, qui les aide à mener une vie pleinement cohérente. » (EA 54). En quoi consiste cette formation complète ? À quel niveau et comment devrait-elle être organisée ? Sans répondre directement à ces questions, Ecclesia in Africa précise que le « programme de formation doit inclure, en particulier, la formation des laïcs à jouer pleinement leur rôle d’animation chrétienne de l’ordre temporel (politique, culturel, économique, social), qui est une caractéristique de la vocation séculière du laïcat. » (EA 75). Je me dois de mentionner ici que, commentant l’exhortation apostolique post-synodale Christifideles laici, Robert Mager et d’autres théologiens dénoncent la dichotomie créée et alimentée par le magistère entre le temporel (qui serait le domaine des laïcs) et le spirituel (exclusivement réservé aux clercs), dichotomie qui « finit par creuser une distance tant entre les laïcs et l’Église qu’entre les clercs et le monde180. » Je trouve cette remarque pertinente, tout en saluant l’insistance du pape sur la nécessité de former les fidèles laïcs. Cette recommandation a-t- elle été suivie d’effet dans les Églises particulières d’Afrique en général et en RDC en par- ticulier ? Le deuxième synode spécial pour l’Afrique a fait le point.

À la suite de la deuxième assemblée spéciale du synode des évêques pour l’Afrique, tenue à Rome du 4 au 25 octobre 2009, le pape Benoît XVI a signé l’exhortation post-synodale

Africae munus (AM) à Ouidah, au Bénin, le 19 novembre 2011. D’entrée de jeu,

l’exhortation reconnaît qu’il est difficile de bien préciser la tâche de l’Église dans l’Afrique d’aujourd’hui, « car elle se situe entre l’engagement immédiat en politique – qui ne relève pas de la compétence directe de l’Église – et le repli ou l’évasion possible dans des théories théologiques et spirituelles ; celles-ci risquant de constituer une fuite face à une responsabi- lité concrète dans l’histoire humaine. » (AM 17). Tenant compte de ce double risque, Afri-

cae munus réaffirme le principe de l’autonomie de la sphère politique, à laquelle revient la

construction « d’un ordre social juste », tout en rappelant qu’il est du droit et même du de- voir de l’Église en Afrique de « former des consciences droites et réceptives aux exigences de la justice, pour que grandissent des hommes et des femmes soucieux et capables de réa- liser cet ordre social juste par leur conduite responsable. » (AM 22). Comment sera organi- sée cette formation ? Africae munus considère que c’est à chaque Église locale de se doter

180 Robert Mager, Le politique dans l’Église. Essai ecclésiologique à partir de la théorie politique de Hannah

d’un plan d’action. Ce plan ne doit cependant pas être un ensemble de bonnes intentions, sans engagement réel sur le terrain. Reprenant un passage de Novo millenio ineunte, l’exhortation recommande aux Églises particulières de « fixer les éléments concrets d’un programme – objectifs et méthodes de travail, formation et valorisation du personnel, re- cherche des moyens nécessaires – qui permette à l’annonce du Christ d’atteindre les per- sonnes, de vivifier les communautés, et d’agir en profondeur par le témoignage des valeurs évangéliques sur la société et sur la culture africaines. » (AM 14). C’est dans ce sens qu’Africae munus apprécie et valide au passage l’implication des Églises particulières d’Afrique dans l’éducation civique des populations, à travers les Commissions Justice et Paix du continent. L’exhortation confirme que l’Église « contribue ainsi à l’éducation des populations et à l’éveil de leur conscience et de leur responsabilité civiques. Ce rôle éduca- tif particulier est apprécié par un grand nombre de pays qui reconnaissent l’Église comme un artisan de paix, un agent de réconciliation, et un héraut de la justice. » (AM 23). Même si l’exhortation nuance ces paroles en rappelant que la mission de l’Église n’est pas d’ordre politique, il ne fait aucun doute qu’« interpellée par de graves injustices existant dans notre monde, en général, et à l’intérieur de l’Afrique, en particulier » (AM 24), l’Église se doit d’agir sur les causes de ces injustices. C’est la première fois que le pape recommande ou- vertement et aussi explicitement aux Églises particulières d’Afrique de s’engager dans l’éducation civique des populations. Le chemin aura été long depuis Vatican II, mais la recommandation d’Africae munus est sans équivoque : pour combattre ce que le pape Jean- Paul II avait appelé « les structures de péché », l’Église doit former les populations afri- caines à leurs responsabilités citoyennes par une éducation civique inspirée de la doctrine sociale de l’Église.

Cette recommandation ne cache cependant pas les difficultés liées à la multiplicité d’approches utilisés par le magistère qui, tout en enrichissant la réflexion de l’Église sur le sens du péché et des injustices sociales, crée beaucoup d’ambiguïté et même de confusion chez nombre de fidèles aux prises avec des situations déshumanisantes.

Libertatis nuntius (LN) et Libertatis conscientia (LC) – deux textes relatifs à la

théologie de la libération publiés par la Congrégation pour la doctrine de la foi – relèvent d’une approche sotériologique, où le thème du péché est inséré dans une relecture de la rédemption comme libération. Reconciliatio et paenitentia

aborde la question du péché social dans le cadre de la réflexion synodale et se veut essentiellement pastoral. L’encyclique Sollicitudo rei socialis, dans la li- gnée des grands documents sociaux de l’Église, va situer la problématique des « structures de péché » dans le cadre d’une réflexion sur la dimension morale du développement181.

Pour ne citer que ces deux exemples, la violente critique de Libertatis nuntius contre la théologie de la libération et le soutien apporté par le Saint Siège au dictateur chilien Pino- chet, alors qu’il était poursuivi par la justice internationale pour des crimes contre l’humanité182, montrent combien il est parfois difficile de bien saisir la portée de l’engagement sociopolitique de l’Église à travers l’enseignement du magistère. C’est peut- être pour cela que, soucieux d’aider les pasteurs, les fidèles et les hommes de bonne volonté à avoir une claire vision de la doctrine sociale de l’Église, la Commission pontificale Jus- tice et Paix a résumé cette doctrine dans un Compendium. Élaboré par le Conseil pontifical « Justice et Paix », le Compendium de la doctrine sociale de l’Église183 a été publié en 2004. Il présente les fondements et l’évolution de la doctrine sociale de l’Église catholique et montre l’étroite relation qui existe entre cette doctrine et l’évangélisation, dont l’Église a reçu mission de la part de son fondateur et Seigneur, Jésus-Christ184. Dans la déclaration finale publiée à l’issue des travaux, les participants au deuxième synode des évêques ont souligné le lien existant entre l’évangélisation et la promotion de la justice : « L’Église a reçu du Christ la mission de prêcher le message évangélique, qui comprend la vocation à se convertir du péché à l’amour du Père, la fraternité universelle et, par-là, l’exigence de jus- tice dans le monde. C’est pourquoi l’Église a le droit et le devoir de proclamer la justice à l’échelle sociale, nationale et internationale, et de dénoncer les situations d’injustice quand

181 Mathias Nebel, « Structures de péché », 18 octobre 2013.

www.doctrine-sociale-catholique.fr/index.php?id=7202 (20/08/2014).

182 Congrégation pour la doctrine de la foi, Libertatis Nuntius. Instruction sur quelques aspects de la « théolo-

gie de la libération », Rome, 1984. www.vatican.va/.../cfaith/...doc_19840806_theology-liberation_fr. html (06/08/2014) ; Sossa Ortiz Ricardo, « La position du Vatican : une défense contestée » dans Claire Lau- nay, Les religions dans la construction de la paix : dossier de fiches d’expériences, Paris, Éditions Charles Léopold Mayer, 2000, p. 111-112.

183 Conseil pontifical Justice et Paix, Compendium de la doctrine sociale de l’Église, Cité du Vatican, Libreria

Editrice Vaticana, 2004. Sur la doctrine sociale de l’Église, lire aussi : Denis Maugenest (dir.), Le discours social de l’Église catholique. De Léon XIII à Jean-Paul II, Paris, Éditions du Centurion, 1985 ; Jérôme Ré- gnier, Cent ans d’enseignement social de l’Église, Paris, Desclée/Les Éditions de la Coupole, 1991 ; Jean- Yves Calvez, Les silences de la doctrine sociale catholique, Paris, Les Éditions de l’Atelier/Éditions Ou- vrières, 1999.

les droits fondamentaux et le salut même de l’homme l’exigent185. » Mandatée par le Christ pour annoncer au monde la Bonne Nouvelle du salut, attentive aux signes de temps, l’Église se sent concernée par tout ce qui touche l’homme. C’est pourquoi, sans s’ingérer dans la gestion de l’ordre social qui revient à la sphère politique, elle a toujours formé les consciences par un enseignement fondé sur la foi en Dieu et la foi en l’homme. L’Église « n’a pas de solutions concrètes d’ordre social, politique ou économique pour la justice dans le monde. Mais sa mission comporte la défense et la promotion de la dignité et des droits fondamentaux de la personne humaine186. »

C’est cet enseignement, nourri au fil des siècles par l’enseignement du magistère187 et des pratiques des Églises particulières, qui constitue la doctrine sociale ou l’enseignement so- cial de l’Église188. Dans sa présentation, le Compendium reprend les bases bibliques, théo- logiques et spirituelles de la doctrine sociale de l’Église, dont la pierre angulaire est, en plus du bien commun, la dignité de la personne humaine. Cette dignité, qui trouve sa source dans le livre de la Genèse, fait de l’homme une imago dei (image de Dieu), au point que tout ce qui affecte la dignité humaine devient contraire à la volonté et au plan de salut de Dieu189. C’est de cette base théologique, de « l’ouverture à la transcendance » et du « ser- vice rendu par l’Église aux hommes et aux femmes de notre temps », que le Compendium fait découler les principes fondamentaux de la doctrine sociale de l’Église : la dignité de la personne humaine, le bien commun, la destination universelle des biens, la subsidiarité, la participation, la solidarité190.

Comment l’Église catholique de la RDC actualise-t-elle cet enseignement du magistère dans le contexte sociopolitique de ce pays ? Comment forme-t-elle les populations congo- laises à promouvoir la dignité humaine et les autres principes de la doctrine sociale de l’Église, dans un pays englué dans le vagabondage politique, la manie de gouverner sans

185 Synode des évêques, La justice dans le monde, Montréal, Fides, 1971, n° 39. 186 Id., n° 40.

187 Lire notamment LG, n° 53-93.

188 Le débat qui a eu lieu au concile Vatican II sur le choix de l’appellation appropriée au « corpus doctrinal »

en matière sociale n’apparaît pas dans le Compendium publié en 2004 qui, tout en portant le titre de doctrine sociale de l’Église catholique emploie aussi l’expression enseignement social de l’enseignement social catho- lique. Le Compendium considère la doctrine sociale comme un enseignement (n° 8.9.79.83.85)

189 Conseil pontifical Justice et Paix, Compendium de la doctrine sociale, n° 109. 190 Ibid., n° 160. 164.171.185.189.192.

rendre de comptes, le syndrome d’Adam et Ève, le recours à la violence physique, l’enrichissement illicite et le culte de personnalité ?