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1. Une région au cœur des conflits, Shabunda

1.1. La région

Au plan ecclésial, Shabunda fait partie du diocèse de Kasongo, un des 47 diocèses que compte la RDC. Le diocèse de Kasongo est à cheval entre la province du Maniema et la province du Sud-Kivu. C’est de cette dernière que dépend Shabunda au plan politico- administratif. Il est à noter que Shabunda est à la fois un territoire (commune rurale) et une ville248. Comme territoire, Shabunda est l’un des huit que compte la province du Sud-Kivu. Il comprend onze groupements repartis entre deux collectivités chefferies : la chefferie des

Bakisi, dirigée par la famille du mwami Mopipi (sept groupements) et la collectivité cheffe-

rie des Wakabango I, dirigée par la famille du mwami Moligi (quatre groupements). Alors que les Lega avaient un système politique fédéral proche du modèle anarchiste249, ces deux chefferies, gouvernées par des dynasties héréditaires, ont été créées et imposées par l’administration coloniale belge, comme ce fut le cas partout en RDC250. Sur le plan admi- nistratif, le territoire de Shabunda a déjà appartenu à l’éphémère district d’Élila (1961) et à la province du Maniema (1962), avant de devenir un territoire contesté (1963) et de passer, à l’issue d’un référendum, à la province du Kivu central251 devenue sous-région du Sud-

248 Shabunda a reçu le statut de ville en 2013, mais le décret du premier ministre Matata Ponyo Mapon n’a pas

encore été mis en application. Il s’agit du décret N°13/029 du 13 juin 2013 conférant le statut de ville et de commune à certaines agglomérations de la province du Sud-Kivu, dont l’article premier stipule : « Le statut de ville est conféré aux agglomérations suivantes de la Province du Sud-Kivu : Kamituga, Shabunda, Uvira, Baraka ».

249 Sur les systèmes politiques dans l’Afrique traditionnelle, lire : Sophia Mappa, Pouvoirs traditionnels et

pouvoir d’État en Afrique : l’illusion universaliste, Paris, Karthala, 1998 ; Hubert Deschamps, Les institutions politiques de l’Afrique Noire, Paris, PUF, 1962 ; Georges Balandier, Réflexions sur le politique : le cas des sociétés africaines dans Cahiers Internationaux de sociologie, vol. XXXVII (1964) ; Théophile Obenga, L’Afrique centrale précoloniale-Documents d’histoire vivante, Paris, Présence africaine, 2000. ; Cheikh Anta Diop, Nations nègres et culture : De l'antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique Noire d'aujourd'hui, Paris, Présence africaine, 2000.

250 Jean-Jacques Arthur Malu-Malu, Le Congo Kinshasa, Paris, Karthala, 2002, p. 98-102.

251 Arrêté ministériel n°167/65 du 31 mars 1965, Moniteur congolais 6 (1965), n°9. Sur le découpage territo-

Kivu et finalement province du Sud-Kivu en 1988. La superficie du territoire de Shabunda est de 25.216 km2. Le recensement de la population étant devenu un fait rare en RDC252, il est difficile de connaître le nombre exact de ses habitants. Les estimations actuelles varient entre 500.000 et 700.000 habitants, avec une densité moyenne de 28 habitants au kilomètre carré253.

Shabunda-ville est le chef-lieu de ce territoire dont elle porte le nom. Sa population est es- timée à plus ou moins 30.000 habitants. Ce poste d’état fondé par les Belges entre 1904 et 1906 est situé à environ 340 km au Sud-Ouest de Bukavu, la capitale provinciale du Sud- Kivu. L’arrêté du premier ministre conférant le statut de ville à Shabunda la subdivise en trois communes : celle de Nyalubwe, au nord ; celle de Lupimbi, au centre ; celle de Ki- zikibi, au sud. En attendant la mise en place effective de ces communes, d’ici les élections municipales prévues avant la fin de l’année 2015, l’agglomération est actuellement décou- pée en sept quartiers : Lupimpi, Mankulu, Centre commercial, Mbangayo, Nyalubwe, Ki- zikibi et Kitete. Selon Human Rights Watch, la ville de Shabunda « occupe une position stratégique pour assurer le contrôle de l’Est de la province et son importante richesse mi- nière254 ». Trois rivières traversent ou contournent la ville de Shabunda, à savoir la rivière Ulindi et ses deux affluents, la rivière Yuyu et la rivière Widambo. Jadis siège social de la société minière COBELMIN, Shabunda abritait aussi un des trois principaux sanatoriums construits et gérés par le CEMUBAC255 en RDC. Cet hôpital de 240 lits est aujourd’hui en ruine. La ville compte un nombre important d’écoles primaires, secondaires et quelques institutions d’enseignement supérieur et universitaire (UML, ISDR, ISP, ISTM, etc.)

1964), p. 105-179 ; Thomas Turner, Ethnogenèse et nationalisme en Afrique centrale. Aux racines de Patrice Lumumba, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 347-352.

252 En RDC, le dernier recensement scientifique de la population remonte à 1984.

253 Rapport de l’atelier sur le développement du territoire de Shabunda tenu à Shabunda du 18 au 20 août

2008, Shabunda, inédit, 2008, p. 6.

254 Human Rights Watch, La guerre dans la guerre. Violences contre les femmes et les villes dans l’Est de la

République Démocratique du Congo, New York, juin 2002, p. 25.

255 Fondé en 1938, le Centre scientifique et médical de l'Université Libre de Bruxelles pour ses activités de

À plus de 80%, les habitants du territoire et de la ville de Shabunda appartiennent à la tribu Lega256. Vivant principalement de l’agriculture, de la chasse et de la pêche, ils pratiquent aussi l’exploitation artisanale des minerais (or, cassitérite, coltan, wolframite, etc.) et le petit commerce. Depuis 1996, comme c’est le cas dans plusieurs parties de la RDC, la vie des Shabundiens (habitants de Shabunda) est régulièrement perturbée par l’insécurité liée à la guerre et au banditisme des groupes armés nationaux et étrangers. À cause de l’enclavement géographique, le commerce est très peu développé. Ne pouvant pas cultiver ou vendre leurs produits, les habitants deviennent chaque jour plus pauvres. Faute d’argent, ils se ravitaillent difficilement en produits manufacturés, transportés par avion à partir de Bukavu et de Goma, dont les prix sont exorbitants257. De l’aveu même des autorités provin- ciales du Sud-Kivu, « [l]e renversement de cette désastreuse situation nécessite de la part du Gouvernement des actions de grande envergure sur fond d’une ferme volonté de placer au cœur de ses préoccupations le bien-être de la population258 ».