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Valeurs universitaires à définir

1. Le cours magistral, héritage de la tradition et organe institutionnel scolaire

1.4. Valeurs universitaires à définir

1.4.1. D’une « culture de base58 »...

La réflexion menée par Christophe Charle et Jacques Verger, que nous trouvons novatrice depuis l’époque médiévale, est imprégnée par une « culture de base » en plus des doctrines dispensées :

« à tous ceux qui les ont fréquentées avec un minimum d’assiduité, elles ont apporté au moins une ‘‘culture de base’’ très solide, une manière rigoureuse de raisonner, un art d’analyser minutieusement les textes et aussi des notions générales, les éléments d’une vision cohérente du monde59 (largement aristotélicienne)60 ».

Cette remarque soutient l’idée d’une culture à valoriser pour les apprenants. Il ne s’agit pas seulement d’acquérir des connaissances spécifiques à ce niveau dédié à l’approfondissement des savoirs mais aussi de former aux compétences particulièrement intellectuelles en vue de maitriser le raisonnement, d’avoir un esprit critique. En effet, les étudiants peuvent apprendre à observer, à réfléchir d’une manière indépendante, à raisonner d’une manière systématique et cohérente, à analyser selon leurs acquis et expériences sans négliger des fondements ou des travaux existants, à appliquer leurs acquis dans différentes situations d’une manière réflexive et efficace. Cette culture de base est effectivement nécessaire et utile dans la vie de tous. Ce faisant, même pour les étudiants qui ne réussissent pas à l’université, ou bien pour ceux dont les carrières ne seraient pas satisfaisantes et qui arrêtent leur formation ou se réorientent, « il devrait leur rester quelque chose d’une formation même incomplète61 », comme le notent Charle et Verger. Ils soulignent aussi que les diplômés peuvent bénéficier de « l’‘‘action sociale’’ de l’université qui leur attribue « une figure sociale de l’‘‘intellectuel’’62 », au sein des écoles occidentales.

Chaque individu ayant fréquenté l’université s’approprierait cette culture dite intellectuelle, quelle qu’ait été la durée de son parcours d’études. De nombreuses formes d’enseignement/apprentissage aideront-elles les étudiants à donner forme à cette valeur ?

58 Charle Christophe et Verger Jacques, 2007, L’histoire des universités XIIIe –XXIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France.

59 La mise en gras est faite par l’intention de l’auteure. 60 Charle Christophe et Verger Jacques, id., p. 25. 61 id.

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Qu’apporterait le cours magistral dans ce sens ? Nos questions sont ainsi taillées au fur et à mesure des abords contextuels de notre travail de recherche, puisque, comme nous l’avons montré ci-dessus, la formation à ce cycle ne viserait pas seulement la transmission des savoirs mais aussi l’acquisition des compétences nécessaires à la vie professionnelle et sociale à venir de l’étudiant. D’ailleurs, nous nous posons d’autres questions pour savoir s’il existe d’autres valeurs qui font perdurer le cours magistral en présentiel dans la société d’aujourd’hui. Les démonstrations de ce point seront détaillées dans la partie d’analyse.

1.3.2. … à une culture de masse.

Si l’Université représente une culture de base du point de vue individuel dans l’intérêt de chaque étudiant, elle est aussi le lieu où germe une culture de masse à condition que l’institution universitaire « vive et défende ce que doit être la vraie culture63 ». Qu’est-ce que cela signifie ? Cet historien du XXème siècle insiste sur deux valeurs à savoir « aristocratie ouverte, aristocratie servante », selon lesquelles est mise en valeur « une société où la culture est principe d’animation, d’élévation, de progrès spirituel et matériel tout ensemble, et pas seulement de progrès matériel64 ».

A propos de seconde culture, Dupront souligne les finalités humaines. Il s’agit donc de

« donner65, par l’œuvre de culture, à tous ceux qui ont besoin d’y participer comme un accomplissement d’eux-mêmes, le maximum de possibilités de s’exprimer, de découvrir, et sinon et de trouver, du moins de s’accomplir dans un équilibre générateur de paix, de sérénité, de confiance et sans doute de grandeur ; tâtonner, vivre et organiser ce que nous appelions naguère encore les loisirs et qui risque d’être demain la redoutable épreuve du temps vide66 ».

Ce qui est prononcé par le chercheur semble rejoindre l’idée principale de la culture de base dans la mesure où l’accent est mis sur le développement individuel. Or, nous voulons noter l’utilisation du verbe donner utilisé par le professeur, car ces valeurs font appel aux participations des personnels ou plutôt des enseignants universitaires via leur mission d’enseignement. Ce faisant, l’acte de donner sera fait vers le groupe d’étudiants qui assistent au cours de l’enseignement. Certes, ces cultures basées sur des relations humaines prennent une ampleur plus grande entre les membres d’une communauté où s’efface la hiérarchie considérablement ancrée au milieu universitaire,

63 Dupront Alphonse, id., p. 36. 64 id., p. 38.

65 La mise en gras est faite par l’intention de l’auteure. 66Dupront Alphonse, id., p. 38.

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via l’utilisation des termes radicalement opposés, « aristocratie » et les attributs « ouverte » ou « servante ».

De plus, les universitaires d’aujourd’hui se trouvent dans la même logique qu’auparavant, c’est-à-dire au service de la société, qui

« étaient convaincus que les études n’étaient pas une fin en soi mais devaient permettre à ceux qui accédaient au savoir à la fois d’en tirer profit personnel et de mettre leur compétence au service de fins socialement légitimes67 ».

Cette phrase renforce cette culture de masse dans le sens où l’intérêt social est pris en compte en plus de l’intérêt individuel lorsque ce dernier est au profit de « fins socialement légitimes ». L’université s’active auprès de tous les étudiants de sorte que ces derniers procèderont à des contributions importantes pour le fonctionnement de la société. Enfin, une dernière vision sur la culture de masse a recours à l’humanisme auquel l’Université emprunte ses modèles sociaux et surtout éthiques pour la formation personnelle des étudiants, dans la reconstruction de leur croyance et de leur persévérance, en eux-mêmes.

« Une Université digne de ce nom, école d’humanité, ne sera jamais, je pense, conditionnante de la jeunesse qui vient à elle à la mesure de modèles sociaux, voire éthiques, plus ou moins préétablis d’aider les étudiants à se

reconnaître maîtres de leur destin par opération de révérence, de

confiance réciproques68, de montrer que les clés ne sont pas en mains des

professeurs mais de leur rendre conscients qu’ils les détiennent69 ».

Ainsi, l’Université rend un service éminent à la société toute entière en tant que lieu et centre de culture. Bien que dans cette société, la tendance de l’évaluation des individus s’appuie principalement sur les titres et les diplômes, Dupront rappelle deux évidences à savoir : l’une, « la culture ne peut plus désormais se confondre avec l’acquisition de connaissances70 », elle consiste en « art de bien user du savoir71 ». Il s’agit alors de :

« l’acte incessamment renouvelé par lequel l’homme se définit par rapport à la matière de son étude ou de sa recherche, cherche et crée son style, fonde dans son consentement à des valeurs collectives72».

La Charte de Bologne, autrement dit Magna Charta Universatum, insiste aussi, à notre avis, sur la même culture lorsqu’elle la souligne dès son premier principe fondamental :

67 Charle Christophe et Verger Jacques, id., p. 24. 68 La mise en gras est faite par l’intention de l’auteure. 69 Dupront Alphonse, id., pp. 46-47.

70 id., p. 48. 71 id., p. 49. 72 id.

41 « L’université, au cœur de sociétés diversement organisées du fait des

conditions géographiques et du poids de l’histoire, est une institution autonome qui, de façon critique, produit et transmet la culture à travers la recherche et l’enseignement73 ».

Nous tenons à clore cette partie sur l’université par une remarque d’Alain Renaut sur l’Université de nos jours :

« au-delà de la formation des futurs savants, la transmission du savoir de haut niveau à un public plus large que celui des savants d’aujourd’hui et de demain ouvre un processus complexe, par lequel ce savoir devient

culture74 ».

La trame historique de l’université nous a permis d’avoir une vision assez complète sur cette forme d’institution reconnue traditionnelle et prestigieuse dans le monde de l’enseignement. Nous allons voir maintenant certains exemples du cours magistral dans l’histoire, ceux qui se considèrent comme anciens par rapport aux CM dans notre corpus.