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1. Le cours magistral, héritage de la tradition et organe institutionnel scolaire

1.3. Objectifs de l’Université

Comme dans les dernières présentations, l’Université voit se modifier sa structure et ses membres. Chaque époque a défini différents objectifs à l’université.

1.3.1. Au temps médiéval : former au savoir un public restreint et recruter des élites

Selon Alain Renaut, dès l’époque médiévale, l’université est chargée de trois fonctions principales. Le premier objectif consiste à

« former au savoir et, plus précisément, au savoir de haut niveau39 ».

La formation universitaire vise donc à former les étudiants pour un niveau supérieur à celui de l’enseignement scolaire, du point de vue du savoir. La deuxième fonction s’avère peu évidente car elle s’intègre à la première fonction, la formation au savoir, à celle du savoir lui-même :

« par sa conception, par les finalités qu’elle (l’université) se donne, par l’organisation qu’elle adopte, l’université réclame de ses responsables et de ses acteurs, à chaque époque, une vision claire des conditions de

production et de progression de ces savoirs, ainsi que de la façon dont ils s’articulent les uns aux autres40 »41.

Cela confirme que dès le Moyen Âge, les conditions de production, de progression et de cohérence entre les savoirs ainsi que celles de la formation ont été précisées de manière rigoureuse aux membres :

« le savoir transmis, à son meilleur niveau, coïncidait avec le savoir produit, que la transmission et la production du savoir pouvaient ne pas être

dissociées42, et que les universitaires devaient donc contribuer à produire le savoir qu’ils inculquaient à leurs étudiants. C’était donc l’objectif de l’université dès l’époque médiévale fixant à la fois l’enseignement et la recherche, que l’appellation existe au temps moderne...43 ».

La troisième fonction demande à l’université de recruter des élites, parmi les religieux au Moyen-Âge et jusqu’au XVIIIème parmi les élites de la société moderne,

38 Renaut Alain, 2002, id. 39 id., p. 38.

40 La mise en gras est faite par l’intention de l’auteure. 41 id., pp. 8-9.

42 La mise en gras est faite par l’intention de l’auteure. 43 id.

31 « pour toutes les fonctions qui supposaient l’acquisition préalable d’un

savoir supérieur à celui de la moyenne de la population44 ».

Cette idée prouve que l’université s’adressait à un public privilégié, excluant les classes populaires. S’ajoutent à ces fonctions les remarques de Lusignan à propos de l’université :

« Le regroupement des maîtres et/ou des étudiants en communautés autonomes (…) a permis tout à la fois des progrès considérables dans le

domaine des méthodes de travail intellectuel et de la diffusion des

connaissances et une insertion beaucoup plus efficace des gens de

savoir45dans la société de l’époque »46.

En effet, la formation aux savoirs est complétée par l’amélioration des méthodes de travail intellectuel. Et puis, si l’université a besoin de futures élites, elle a vocation à favoriser, aider le reste des étudiants à intégrer à la société. En bref, les fonctions attribuées à l’université touchent à la fois les savoirs en tant qu’objet transmis et objet appelé à évoluer et les acteurs, « gens de savoir », enseignants et étudiants.

1.3.2. Au temps moderne : s’orienter vers l’intérêt social

Si l’ancienne époque garde un certain nombre limité de renseignements sur l’université grâce aux études des chercheurs, nous arrivons au temps moderne pour voir l’attention conséquente à l’enseignement supérieur, en particulier à la fin du XXème siècle. Nous allons voir ci-dessous deux documents importants qui portent ce système à un haut niveau vu à travers les valeurs de la société. Commençons par celui qui affecte toute université en Europe.

1.3.2.1. Le Magna Charta Universitatum47 élaboré par les Recteurs des universités en Europe en 1988

Le Magna Charta Universitatum, élaboré par les Recteurs des Universités en 1988 à Bologne à l’occasion du IXème centenaire de la plus ancienne université d’Europe, assigne aux universités contemporaines de nouveaux rôles et de nouvelles valeurs et les assimilent à des centres de culture, de connaissance et de recherche vis-à-vis de la société et de l’humanité.

Face à une société qui se transforme et s’internationalise, les universités sont appelées à revoir leur rôle face au changement et aux nouveaux besoins. Les Recteurs des Universités européennes se sont réunis à l’université de Bologne, pour réévaluer des

44 id., p. 41.

45 La mise en gras est faite par l’intention de l’auteure. 46 id., p. 11.

47 Disponible sur le site http://www.magna-charta.org/cms/cmspage.aspx?pageUid={d4bd2cba-e26b-499e-80d5-b7a2973d5d97}.

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contributions des Etats et du peuple. Cette rencontre a permis de définir les trois rôles essentiels assignés à l’université d’aujourd’hui :

- Premièrement,

« l’avenir de l’humanité, en cette fin de millénaire, dépend dans une large mesure du développement culturel, scientifique et technique qui, lui, se forge dans les centres de culture, de connaissance et de recherche que sont devenues les vraies universités 48».

Les universités sont appelées à devenir des centres de culture, de connaissance et de recherche qui favorisent le développement culturel, scientifique et technique. Cette exigence s’impose car il s’agit d’un cadre dans lequel nous vivons et interagissons. D’où « l’avenir de l’humanité » en lien étroit avec contexte optimal, comme le précise la citation ci-dessus.

- La deuxième mission est issue des statuts universitaires récemment définis dans la première :

« la tâche de diffusion des connaissances que l’université doit assumer envers les nouvelles générations implique aujourd’hui qu'elle s’adresse également à l’ensemble de la société - dont l’avenir culturel, social et économique exige notamment un effort considérable de formation permanente49 ».

En effet, les universités ont le devoir de contribuer au bien-être moral, intellectuel et social des citoyens. Il s’agit pour elles de veiller à la « formation permanente » de « l’ensemble de la société ».

- La troisième et dernière mission aborde la question de « respect des grands équilibres de l'environnement naturel et de la vie » qui doit être intégrée dans la formation universitaire auprès du public. Ce problème est important dans la mesure où l’université sera responsable de la formation des futures générations.

« l’université doit assurer aux générations futures une éducation et une formation leur permettant de contribuer au respect des grands équilibres de l’environnement naturel et de la vie. 50»

Pour soutenir la vocation ci-dessus, les autorités universitaires européennes proclament quatre principes fondamentaux qui sont les suivants :

- Le premier principe vise à établir l’autonomie et l’autorité de l’université tout au long de ses missions de production et de transmission de la culture à travers la recherche et l’enseignement. Ce faisant, elle n’est soumise à aucun pouvoir politique, économique

48 id. 49 id. 50 id.

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et idéologique. Cependant, elle évoluera suivant les contextes et leurs conditions sociales, géographiques et historiques.

- Le deuxième principe est relatif aux deux missions essentielles de l’université, à savoir l’enseignement et la recherche en faveur d’une part de l’évolution des besoins et exigences de la société et d’autre part de celle des connaissances scientifiques.

- Le troisième principe aborde la vie de l’université en mettant l’accent sur la liberté de recherche, d’enseignement et de formation. Il en appelle aux devoirs de la part des pouvoirs publics et des universités en vue du respect de cette exigence. Par conséquent, l’université est le lieu privilégié des professeurs et des étudiants pour leurs travaux et leurs études.

- Quant au quatrième et dernier principe, il renvoie à l’universalité, bien que l’université provienne de « la tradition de l’humanisme européen ». Ce besoin d’universalité se justifie par le devoir de transmission du savoir et d’interaction des cultures. L’université est par conséquent indépendante de tout pôle géographique ou politique.

La dernière partie du Magna Charta Universitatum présente les moyens grâce auxquels sont assurés les principes correspondants.

« 1. Pour préserver la liberté de recherche et d'enseignement, les instruments propices à sa réalisation doivent être fournis à l'ensemble des membres de la communauté universitaire.

2. Le recrutement des enseignants - ainsi que la réglementation de leur statut - doivent être commandés par le principe de l’indissociabilité de l'activité de recherche et de l'activité didactique.

3. Chaque université doit garantir à ses étudiants, tout en respectant la spécificité des situations, la sauvegarde des libertés et les conditions nécessaires pour atteindre leurs objectifs en matière de culture et de formation.

4. Les universités - et notamment les universités européennes - voient dans l'échange réciproque d'informations et de documentation comme dans la multiplication d’initiatives scientifiques communes les instruments fondamentaux d’un progrès continu des connaissances.51 »

En fait, ces moyens sont des exigences demandées à l’université en vue du respect de ces principes de liberté et d’indissociabilité de recherche et d’enseignement et pour le développement des connaissances. Ce faisant, les décisions ci-dessus des leaders des universités européennes incitent à la mobilité des enseignants-chercheurs et des étudiants tout en s'appuyant sur « une politique d’équivalence en matière de statut, de titres, d’examens et d’attribution de bourses ». Le Magna Charta Universatatum dans son titre latin d’origine traduit une tradition académique non pas dans le sens de se vanter du

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système universitaire lui-même comme une invention dont l’Occident serait fier mais dans son intérêt apporté à toute la société avec les valeurs humainement fondamentales et l’esprit de révolution au service des progrès scientifiques. Par ailleurs, nous avons disposé d’un autre texte d’une grande institution au niveau international sur l’enseignement supérieur.

1.3.2.2. La déclaration de l’UNESCO en 1998 sur l’enseignement supérieur au XXIème siècle : Vision et actions52

Le texte officiel est le résultat de la conférence mondiale d’octobre 1998 intitulée « L’enseignement supérieur au XXIème siècle : Vision et actions » organisée par l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture). La déclaration de cette conférence comporte 17 articles dont les deux premiers définissent les missions et fonctions qu’assume l’enseignement supérieur. Huit autres articles permettent d’élaborer cette nouvelle vision tandis que les sept articles restants présentent des outils permettant de passer de la vision à l’action. Nous tenons à traiter les deux premiers volets qui sont intéressants pour notre travail.

Dans le premier volet, la déclaration met l’accent sur l’intérêt de la société en définissant les missions et fonctions de l’enseignement supérieur. En effet, l’université constitue « un espace ouvert » pour la formation supérieure et l’apprentissage tout au long de la vie. Le système d’enseignement à ce niveau a pour vocation d’offrir de grandes ressources humaines de qualité aux besoins de la société et de « promouvoir, créer et diffuser les connaissances par la recherche ». Ceci est important dans la mesure où il « fournit […] l’expertise » en vue du développement culturel, social et économique. Dans cette vision, l’enseignement supérieur doit s’occuper de toutes les sciences, et cela, du domaine scientifique et technologique aux sciences sociales et humaines, sans négliger la sphère artistique.

Ce qui est significatif dans le premier article, c’est l’accent mis sur les valeurs sociétales comme fruits de la formation des nouvelles générations : il s’agit d’une idéologie de citoyenneté démocratique et du renforcement des perspectives humanistes. Cela dit, le texte de l’UNESCO sur l’enseignement supérieur met en valeur l’Homme qui se situe dans la société et les valeurs à promouvoir dans l’interaction qui en découle. Le dernier point de cet article rappelle donc l’importance du corps professoral au service de ce système d’enseignement et traduit l’importance de la formation des enseignants.

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Le second article se focalise sur plusieurs caractéristiques de l’enseignement supérieur. En premier lieu, la déclaration de l’UNESCO rappelle la nécessité de préserver et de développer les fonctions essentielles mentionnées dans le premier article, en respectant les exigences de l’éthique et de la rigueur scientifique et intellectuelle dans toutes les activités à ce niveau d’études et de recherche. Ensuite, elle invite les établissements, leur personnel et les étudiants inclus, à profiter de l’indépendance et de leur autorité intellectuelle, sans oublier de traiter les questions liées à l’éthique, à la culture et à la société. L’enseignement supérieur invite donc à apprendre à « réfléchir, à comprendre et à agir » dans la société.

Par conséquent, les établissements sont appelés à être :

« un espace de prévision, d’anticipation et de prévention53»

qui possède une capacité d’analyser de nouvelles tendances sociales, économiques, culturelles et politiques. Ils doivent également identifier et traiter des problèmes qui empêchent le « bien-être des communautés, des nations et de la société mondiale », et « défendre et diffuser activement les valeurs universellement acceptées, et notamment la paix, la justice, la liberté, l’égalité et la solidarité inscrites dans l’Acte constitutif de l’UNESCO ». Pour cela, ils ont besoin de « se servir de leur capacité intellectuelle et de leur prestige moral » et de l’exercice de leur liberté académique et de leur autonomie au sein de la société.

En bref, les deux premiers articles montrent qu’une grande et prestigieuse institution comme l’UNESCO, parlant de l’enseignement supérieur, met en exercice des perspectives humaines et les intérêts sociaux via ses fonctions et missions. Quels sont alors les apports du reste du texte ? Ce sont des sujets à intégrer à la nouvelle vision de l’université pour le XXIème siècle :

Article 3. Accès dans l’équité.

Article 4. Renforcer la participation et promouvoir le rôle des femmes. Article 5. Faire progresser les connaissances par la recherche dans les domaines scientifique, artistique et des sciences humaines et la diffusion de ses résultats.

Article 6. Une orientation à long terme fondée sur la pertinence.

Article 7. Renforcer la coopération avec le monde du travail ainsi que l’analyse et l’anticipation des besoins de la société.

Article 8. Diversifier pour accroître l’égalité des chances.

Articles 9. Une approche novatrice de l’éducation : pensée critique et créativité.

Article 10. Personnels et étudiants : les principaux protagonistes de l’enseignement supérieur.

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L’étude approfondie des articles 9 et 10 se fera lors de l’étude du contexte didactique du cours magistral. Cependant, nous pouvons déjà confirmer que les acteurs essentiels sont le personnel, y compris les enseignants, les administratifs, les techniciens ainsi que les étudiants.

Par ailleurs, nous tenons à aborder certains sujets d’actualité qui sont à la fois populaires et poignants. Selon l’article 3, la nouvelle vision rappelle que toute forme de discrimination en vue d’accéder à l’enseignement supérieur est proscrite. Pour aller dans ce sens, des soutiens spéciaux et des solutions éducatives sont apportés aux personnes handicapées, aux groupes défavorisés, etc. L’article 8 est là pour compléter cette idée en sollicitant la diversification des modèles d’enseignement, des types d’établissements d’enseignement, des modes et des critères de recrutement, de la durée de la formation, etc. face à la grande demande des étudiants internationaux.

Le rôle des femmes abordé dans l’article 4 est aussi un point signifiant. En effet, il est prioritaire que les femmes ne soient plus confrontées aux obstacles discriminatoires et qu’elles puissent bénéficier des valeurs du système équitable d’enseignement supérieur s’appuyant sur le mérite. Il faut qu’elles soient présentes, se positionnent et exercent leurs pratiques d’une manière active et prennent des décisions dans les différentes disciplines, puis dans les instances politiques et dans la société. Par conséquent, l’étude sur la situation de la femme constitue

« une branche de savoir d’une importance stratégique pour la transformation de l’enseignement supérieur et de la société54 »,

comme l’affirme le texte.

L’enseignement supérieur lui-même se connecte aux divers réseaux de partenariat parmi lesquels figurent les parents, les élèves, les autres établissements mais aussi de façon plus large les milieux socio-économiques, les collectivités locales, etc. D’autre part, à travers le troisième cycle, sont mis en valeur l’innovation, l’interdisciplinarité et la transdisciplinarité dans les programmes en accord avec les objectifs et besoins sociaux et culturels.

Finalement, notre exposé sur l’enseignement supérieur serait partiel si nous n’abordions pas cette autre devise spécifique qu’est la formation « tout au long de la vie ». Ceci est maintenu presque dans tous les articles de la déclaration de l’UNESCO. Cette idée est considérée comme la base non seulement de la formation aux connaissances mais aussi de l’éducation, de la construction de la personnalité et de la

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citoyenneté de chaque individu, lui permettant de bien s’intégrer dans la société et de contribuer à sa construction harmonieuse.

Sont ainsi proclamés les textes à l’échelle internationale et régionale sur l’enseignement supérieur, en particulier sur l’université. Comment ces idées sont-elles reprises en France aujourd’hui ?

1.3.2.3. Ce qu’imposent les textes français sur l’enseignement supérieur La loi du 10 août 200755 permet de définir la liberté et les responsabilités des universités. Elle confie en effet à l’enseignement supérieur six missions de service public, dont les quatre premières sont dévouées à la formation, la recherche, l’insertion professionnelle, la culture et l’information scientifique et technique :

« la formation initiale et continue,

« la recherche scientifique et technologique, la diffusion et la valorisation de ses résultats,

« l’orientation et l’insertion professionnelle,

« la diffusion de la culture et l’information scientifique et technique56 ».

Les textes français précisent les missions de l’université et partagent la vision de l’UNESCO concernant la mise en avant de l’enseignement et de la recherche. La formation continue rejoint celle de « tout au long de la vie », ce qui permet aux étudiants de tout âge de poursuivre ou de mener leurs études supérieures. Les autorités soulignent aussi le rôle de l’université qui assure que les diplômés seront capables de s’orienter, de s’adapter et de s’intégrer à la vie professionnelle et sociale qui les attend. La formation à la culture et la conscience de la diffuser sont également un sujet important dans les missions confiées aux établissements universitaires français. S’y ajoutent deux autres missions destinées à la coopération au niveau européen et international, ce qui renvoie aux idées clairement prononcées dans le Magna Charta Universitatum et la déclaration sur l’enseignement de l’UNESCO :

« La participation à la construction de l’Espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche,

« La coopération internationale57 ».

Nous venons de voir les objectifs assignés à l’enseignement supérieur et en particulier l’université sur le plan chronologique et sur le plan synchronique. En résumé,

55 Dite la LRU, selon article L123-3 de la loi 2007-1199 du 10 août 2007, disponible sur le site du Service public de la diffusion du droit

http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=F961B271AB95DCF73185778937F7CAE5 .tpdjo13v_3?cidTexte=LEGITEXT000006071191&idArticle=LEGIARTI000006524411&dateTexte=2013 0110&categorieLien=id#LEGIARTI000006524411.

56 id. 57 id.

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bien que les objectifs de l’université soient modifiés en fonction des mouvements socio-historiques, nous constatons qu’ils convergent vers plusieurs missions et que l’université se caractérise de plus en plus par des valeurs propres et spécifiques.