• Aucun résultat trouvé

SE DEBROUILLER AVEC UN CORPUS UNIQUE

CHAPITRE 1 LE RECEIL DE DONNEES

Nos choix méthodologiques concernent d’abord la façon dont nous avons construit notre corpus. Cela s’est passé en deux étapes : il a fallu recueillir des données, et ensuite les transformer de façon à en faire un corpus observable. En effet, nos données étant constituées par des enregistrements, nous ne pouvions pas en faire directement l’analyse. Ces deux premières étapes seront explicitées dans les chapitres 1 et 2 de cette partie. Nous allons ici expliquer les objets que nous avons recueillis à savoir les cours magistraux.

1. Cadre spatio-temporel de notre recueil de données

Ayant travaillé sur les cours magistraux pour constituer le corpus de notre mémoire de M2 intitulé Comprendre l’oral à l’université – La complexité des discours magistraux en français pour les étudiants vietnamiens, Le cas des étudiants issus des classes bilingues, nous avons profité de notre connaissance du terrain stéphanois pour recueillir les données de notre thèse. Dans ce sens, notre recherche de doctorat s’effectue en continuité de celle du M2, même si entre les deux nous avons changé notre point de vue. En effet, pour le M2, nous avions adopté le point de vue de l’étudiant avec ses réactions et ses éventuelles difficultés devant un cours magistral, particulièrement quand cet étudiant est issu d’une autre culture que la culture francophone. Pour notre thèse, comme on le sait, nous avons décidé de nous placer du point de vue de l’enseignant ou plutôt du producteur du cours magistral. C’est la raison pour laquelle l’enregistrement de cours magistraux nous a semblé le corpus le plus évident pour en déterminer la nature et les fonctions.

Comme pour notre M2, nous avions d’abord décidé de nous en tenir à des disciplines non linguistiques afin que la connaissance de la langue française ne vienne pas se mêler au contenu disciplinaire. Mais par rapport au M2, nous avons ouvert notre observation afin d’ajouter à notre doctorat une dimension comparative. Nous avons ainsi décidé d’enregistrer quatre cours de quatre disciplines non linguistiques différentes : économie, psychologie, histoire et droit. Ces enregistrements ont eu lieu dans la même période universitaire, au second semestre de l’année 2009-2010 à l’université de Saint-Étienne, sur le site Tréfilerie.

109

Il nous semble nécessaire de présenter ici quelques mots sur l’université où s’effectue notre recueil de données.

L’université Jean Monnet de Saint-Etienne a pour vocation d’offrir des formations multidisciplinaires. Celles-ci sont dispensées sur deux locaux dans deux villes différentes du département de la Loire, Saint-Etienne et Roanne. Dans le pôle principal stéphanois demeurent trois sites d’études :

- le site Tréfilerie, situé sur la grande rue traversant le centre-ville, qui rassemble trois facultés : Droit ; Sciences Humaines et Sociales ; Art, Lettres, Langues et l’Institut Supérieur Economie Administration Gestion – IAE. Ce site est, en particulier, l’emplacement de la Maison de l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne.

- le site Métare, dont le nom est celui de la colline où il est installé, situé au sud-est de la ville, qui regroupe tous les départements de la faculté de Sciences.

- le site Carnot, placé en prolongement de la grande rue et « descendu » vers du nord, qui vient d’intégrer récemment le Télécom (ex-ISTASE) à côté des laboratoires scientifiques.

- et le site Denis Papin, situé sur une petite colline et très près du site Tréfilerie, où siègent, entre autre, le Pôle international, le Service universitaire de formation continue, l’Université pour tous.

Il est vrai que la diversité disciplinaire de l’université Jean Monnet offre un large choix pour notre recueil de données. Pourtant, par contrainte temporelle due à un travail hors universitaire à Saint Étienne ne nous permettant pas de nous déplacer sur différents campus universitaires, nous avons décidé de ne prendre comme corpus que des cours qui se déroulaient sur le site Tréfilerie. Il était satisfaisant dans de telles conditions d’avoir la possibilité d’enregistrer des cours dans une palette disciplinaire assez variée sur quatre spécialités (sauf Art, Lettres, Langues) : Histoire, Sciences de l’Education et Economie et Droit civil.

2. Choix des disciplines observées en cours magistral

Nous avons enregistré au total quatre cours magistraux. Ci-joint le tableau récapitulatif de notre recueil de données :

110

Date Lieu Heure Matière d’étudiants Niveau Sujet du cours 26/01/10 salle de classe 8h-9h30 Histoire Licence 1 La France 02/02/2010 amphi 18h-20h Psychologie de l’adolescence Licence 3 Généralités 08/02/2010 salle de classe 8h-10h Macroéconomie Licence 1 Modèles et faits stylisés 13/04/2010 amphi 15h-16h30 Droit civil Licence 1 Le pacs

Tableau 7

Recueil des données

3. Contacts avec les enseignants

Lors des jours possibles pour notre recueil des données, nous étions sur place une dizaine de minutes avant le cours pour attendre l’enseignant(e), afin de demander la permission d’enregistrer son cours. Nous avons expliqué aux enseignants les raisons scientifiques pour lesquelles nous allions effectuer cette opération, ainsi que la manière dont nous allions enregistrer le cours. Les cours enregistrés nous permettraient de déterminer les particularités des cours magistraux à l’université, au profit de l’apprentissage des étudiants, surtout des étudiants étrangers. Nous les avons assurés également que les données seraient traitées après anonymat. Tous les enseignants ont été d’accord sans hésitation, ce qui nous a donné une première image très ouverte des professeurs universitaires, car c’est eux qui sont concernés étroitement par ce sujet de notre travail de recherche. Nous allons donner quelques descriptions générales des quatre cours faisant partie de notre recueil de données.

4. Présentation générale des CM observés

4.1. L’espace

Les cours magistraux sont en général dispensés dans les amphithéâtres face à un nombre important d’étudiants. Cela est conforme à notre étude. En effet, deux cours de Psychologie de l’adolescence et Droit civil se sont tenus dans deux amphithéâtres. Les cours d’Histoire et de Macro-économie, quant à eux, se sont passés dans une salle de classe puisqu’il concerne un groupe d’une trentaine d’étudiants seulement.

4.2. Les enseignants

En premier lieu, le cours d’Histoire se déroule dans une salle de classe, n’ayant pas de pupitre enseignant. Le professeur dispose d’une table en face des étudiants, entre le

111

tableau et les tables des étudiants. C’est une salle spacieuse où les étudiants sont assis au milieu, laissant deux grandes allées entre trois rangées et un autre espace vide derrière les tables. Il y a environ une quarantaine d’étudiants. L’enseignant est grand, il se déplace souvent et très rapidement dans la salle. Sa voix est claire mais un peu faible. Son mouvement incessant engendre beaucoup de difficultés pour la réécoute des enregistrements qui seront nécessaires pour le choix de notre corpus. C’est le premier cours du deuxième semestre (Licence 1). Le professeur distribue des photocopies aux étudiants avant de commencer son cours.

Pour le deuxième cours du recueil, un autre enseignant mène un cours sur la Psychologie de l’adolescence dans un amphithéâtre, le plus grand du site de Tréfilerie qui porte le nom d’un ancien président de l’université, Benoît Laura. L’enseignant a plus de 50 ans, d’une allure grande et maigre, il a des cheveux frisés sur un visage osseux et angoissé. Il reste assis presque tout au long du cours sur la chaire et parle à voix basse, assisté par un micro installé sur le grand bureau-pupitre. Il y a environ une soixantaine d’étudiants dont environ cinq étrangers qui s’assoient en face de l’enseignant tandis que les autres se répartissent partout dans l’amphithéâtre du haut en bas et de gauche à droite. C’est le premier cours du sixième semestre (Licence 3).

Le troisième cours porte sur la Macroéconomie : il se tient dans une salle de classe plus petite que celle d’Histoire. L’enseignant est un homme âgé de 50 ans, ayant un visage rond et une voix sonore. Il projette un power point pour que les étudiants suivent son plan et les passages dictés. Comme la salle est un peu étroite, il se déplace devant les étudiants et dans l’unique allée proche de la porte et des tables. Environ une trentaine d’étudiants sont regroupés en genres et en nationalités : nous observons des groupes de Chinoises, d’Africains, filles et garçons séparés. C’est le deuxième cours du second semestre (Licence 1).

Le dernier cours magistral est un cours de Droit civil. L’unique femme que nous avons enregistrée est une enseignante mince, élégamment vêtue. Son support pédagogique est le Code civil. Son cours se déroule dans un autre amphithéâtre devant environ cinquante étudiants. En dépit d’une voix aiguë et forte, elle a recours au micro en se déplaçant fréquemment devant son public tout en les fixant de son regard. Comme dans le cours d’Histoire, nous remarquons que la plupart des étudiants de ce cours sont français. C’est un cours du milieu du second semestre (Licence 1).

112

4.3. Les étudiants

Nous notons la différence des publics assistant aux différents cours magistraux, sur le plan de leur nationalité. En effet, dans les cours de l’Histoire, du Droit civil, les étudiants sont français tandis qu’il y a un mélange d’étudiants français et autres dans les cours de la Psychologie de l’adolescence et celui de la Macroéconomie. Au niveau de l’âge, seul le cours de la Psychologie de l’adolescence attire des étudiants étrangers de différents âges qui sont probablement des professionnels dans leur pays, venant poursuivre des études en France. Au contraire, le cours de la Macroéconomie regroupe des jeunes étudiants étrangers car la spécialité Economie est dans la plupart des cas un choix prioritaire d’orientation d’études.

5. Public choisi – cours choisi – niveau choisi

Étant donné que l’objectif de cette recherche est d’essayer d’identifier la nature et les fonctions sociales du cours magistral, nous avons décidé de ne pas nous intéresser à un public ou un niveau particulier. Les cours magistraux enregistrés sont donc, dans cette optique, issus de différentes disciplines et répartis dans différents niveaux du premier cycle universitaire LMD de la Licence 1 à la Licence 3.

6. Conditions d’enregistrement

La qualité de l’enregistrement dépend de deux facteurs, à savoir notre propre préparation et des éléments particuliers sur place. De notre part, pour minimiser les effets de la présence d’une observatrice étrangère, nous avons utilisé une clé (à petite dimension) avec une fonction micro. L’observatrice se met dans les deux premiers rangs, plaçant la clé à côté d’elle, en vue en même temps de bien capter le son et de prendre des notes254, pour souligner chronologiquement des choses particulières du cours. Notons que deux enseignants utilisent le micro à leur disposition dans l’amphi pour favoriser l’écoute de l’ensemble du public. Cela est aussi profitable pour notre enregistrement. Nos enregistrements ont été dans l’ensemble assez audibles pour constituer des données satisfaisantes. Toutefois, nous n’avons pu garder que trois des quatre enregistrements et ensuite il a fallu les transcrire pour en faire des objets de travail. Ce sont ces deux étapes que nous allons expliquer à présent.

254 Les notes ne seront pas reprises ultérieurement dans nos analyses mais elles nous ont permis de mieux saisir le plan du cours des enseignants et aussi de souligner les paroles de l’enseignant ou les points de contenus que nous n’avions pas compris.

113