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Les pr´edicats d’´etat d´epictifs et dans les subordonn´ees en quand

4.6. Propri´et´es s´emantiques et pragmatiques des subordon- subordon-n´ees en quand

4.6.2. Valeur causale

Toutes les phrases en quand ´etudi´ees jusqu’`a pr´esent ont pour fonction d’´etablir un point de rep`ere temporel qui situe temporellement l’´ev´enement que d´ecrit la principale.

A travers l’exemple suivant, Moens et Steedman montrent que les when clauses n’exhibent pas uniquement cette valeur temporelle :

(4.190) # When my car broke down, the sun set. (Moens et Steedman (1988))

# Quand ma voiture s’est arrˆet´ee, la nuit est tomb´ee.

Si, en effet, la subordonn´ee temporelle se bornait `a fournir un point de rep`ere temporel pour situer l’´ev´enement ep que d´ecrit la principale P, cette phrase ne devrait pas avoir de tels accents fatalistes, en sugg´erant que l’univers s’acharne

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La principale difficult´e que je vois est que Le Draoulec ne d´efinit pas pr´ecis´ement les condi-tions sous lesquelles une proposition P est pertinente pour une autre proposition H. J’ai tent´e de traduire son hypoth`ese en recourant `a la d´efinition plus formelle de Merin (1999a). En gros, pour qu’un ´enonc´e du type Quand V, alors V’ soit acceptable, il faut que dans le contexte de l’assertion j, Pj(H|V )=Pj(H ), H ´etant la conclusion vers laquelle veut pointer le locuteur. Mais cette d´efinition plus pr´ecise est aussi plus facile `a falsifier. Voyons par exemple les ´enonc´es suivants :

(4.188) A. Tu nous accompagnes pour la promenade ?

B. Ecoute, quand je suis tomb´ee ce matin, je me suis fait tr`es mal. Je vais donc rester.

(4.189) A. Est-ce que Husserl est un auteur facile `a lire ?

B. Ecoute, quand ma grand-m`ere l’a lu, elle a beaucoup souffert. Donc il est difficile.

Dans ce genre d’exemples, la proposition P que d´enote la subordonn´ee temporelle est elle-mˆeme pertinente pour H ((( je suis tomb´ee ce matin )) est positivement pertinent pour (( je vais rester )), et (( ma grand-m`ere a lu Husserl )) est n´egativement pertinent pour (( Husserl est difficile ))). Et pourtant, ces ´enonc´es sont tout `a fait acceptables.

Cette difficult´e fait ´echo `a une remarque de Ducrot (1972), p. 85, qui avait d´ej`a bien vu que dans certains ´enonc´es, il semble possible d’enchaˆıner non seulement sur le pos´e, mais aussi sur le pr´esuppos´e. Son id´ee ´etait que dans ces cas difficiles, on peut tout de mˆeme dire que (( le raisonnement, comme le veut la loi d’enchaˆınement, va du pos´e `a la conclusion : simplement il se place dans le cadre [...] de ce qui est pr´esuppos´e )). Mais cela r´esout-il vraiment la difficult´e ?

contre le conducteur en rade. Cette impression vient de ce que cette phrase sugg`ere l’existence d’une relation causale entre les deux ´ev´enements, ce qui n’est possible que si l’on suppose que l’univers conspire contre le locuteur (sa panne de voiture a le pouvoir magique d’acc´el´erer la tomb´ee de la nuit).39

Je propose de d´efinir cette inf´erence comme une implicature conversationnelle, puisque celle-ci est annulable :

(4.191) Quand ma voiture s’est arrˆet´ee, la nuit est tomb´ee. Bon, c’´etait juste un hasard, un mauvais hasard.

Je voudrais ensuite faire trois remarques `a propos de cette valeur causale de quand. Premi`erement, il est utile de souligner, pour la suite, que c’est toujours eq (le proc`es d´enot´e par la subordonn´ee en quand ) qui doit jouer le rˆole du proc`es causant ou g´en´erant si une telle relation est inf´er´ee. Voyons les ´enonc´es suivants :40

(4.192) Pierre esttomb´e mort quand j’ai tir´e sur la gachette.

effet cause

(4.193) J’ai tir´e sur la gachette quand Pierre est tomb´e mort.

# cause effet

OK effet cause

(4.194) Pierre m’a aid´e quand il a fait la vaisselle. OK ev. g´en´er´e ´ev. g´en´erant

(4.195) # Pierre a fait la vaisselle quand il m’a aid´e. # ´ev. g´en´erant ´ev. g´en´er´e

Comme le montrent ces contrastes,41 P quand Q peut exprimer une relation cau-sale (classique ou non classique) telle que eq cause/ g´en`ere ep, mais ne peuvent pas v´ehiculer la relation causale inverse (o`u ep causerait/ g´en´ererait eq).

Deuxi`eme point : Moens et Steedman consid`erent que la valeur causale de quand n’est `a l’œuvre que lorsque principale et subordonn´ee d´ecrivent des ´ev´e-nements, et non des ´etats, (( presumably because contingency is by definition a relation over events )) (p. 23). A l’appui de cette id´ee, ils observent qu’en (4.197), la subordonn´ee temporelle ne sugg`ere pas de relation causale incongrue comme en (4.190) :

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Moens et Steedman (1988) proposent de parler de contingence plutˆot que de causalit´e pour nommer cette relation de d´ependance entre ´ev´enements. J’ignore cette distinction ici, puisqu’on a admis l’existence de relations causales non classiques.

40Je fais r´ef´erence aux c´el`ebres exemples du type Tarzan poussa Jane. Elle tomba ´etudi´es, entre autres, par Hinrichs (1981, 1986) et Asher et Lascarides (2003). Ces exemples sont int´eres-sants parce qu’ils montrent en quoi des relations de discours bien pr´ecises sont ´etablies mˆeme en l’absence de tout connecteur phrastique, sur base du mat´eriel lexical et des connaissances ency-clop´ediques associ´ees. Sur les relations de discours impliquant une phrase stative, voir chapitre 5.

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Notons que l’´enonc´e (4.195) redevient tout `a fait acceptable dans un contexte qui laisse clairement entendre qu’il n’y a pas de relation de g´en´eration entre eq et ep. Exemple :

(4.197) When they built that bridge, I was still a young lady.

Quand ils ont construit ce pont, j’´etais encore une jeune fille. Cependant, il y a des ´enonc´es o`u il est difficile de ne pas ´etablir de relation causale entre vp et vq, alors mˆeme que P est stative :

(4.198) Quand il a sorti la colombe du chapeau, les enfants ´etaient ´emerveill´es.

(4.199) Quand tu as fum´e ton cigare, ¸ca ne sentait pas bon. (4.200) J’´etais heureux quand j’´etais amoureux d’elle.

Qui ne ferait pas l’inf´erence que l’´emerveillement des enfants est caus´e par l’appa-rition de la colombe, ou que le locuteur de (4.200) ´etait heureux parce qu’il ´etait amoureux ? Cela semble in´evitable.

Une preuve de ce que la relation entre vp et vq n’est pas seulement tempo-relle, c’est que lorsqu’on renverse les deux pr´edications, un probl`eme pragmatique ´emerge, similaire `a celui que l’on a rencontr´e avec les pr´edicats ´ev´enementiels : (4.201) #Quand les enfants ´etaient ´emerveill´es, il a sorti la colombe du

chapeau.

(4.202) #Quand ¸ca ne sentait pas bon, tu as fum´e ton cigare. (4.203) #J’´etais amoureux d’elle quand j’´etais heureux.42

Si ces phrases sont bizarres, c’est parce que suivant les scripts classiques, le proc`es vp que d´ecrit la principale P cause ou g´en`ere le proc`es vqque d´ecrit la subordonn´ee Q. Or, on l’a vu plus haut, le proc`es causant/ g´en´erant doit ˆetre d´ecrit dans la subordonn´ee.

En revanche, lorsque la relation est purement temporelle comme dans l’exemple de Moens et Steedman (1988), le renversement ne provoque pas de changement s´emantique majeur :

(4.204) Ils ont construit ce pont quand j’´etais encore une jeune fille. On peut rendre compte de ces variations en adoptant la r`egle suivante :

D´efinition 10 (R`egle d’usage de quand) Supposons une principale P d´ecrivant un proc`es vp et une subordonn´ee temporelle Q d´ecrivant un proc`es vq. Si, d’apr`es les scripts partag´es, un des proc`es est interpr´et´e comme caus´e ou g´en´er´e par l’autre, alors c’est toujours vq qui est pr´esent´e comme causant ou g´en´erant vp.

Cette r`egle rend compte de l’agrammaticalit´e des ´enonc´es (4.201)-(4.203), puis-qu’elle pr´edit que lorsque les deux proc`es sont typiquement li´es par une relation causale suivant les scripts partag´es, vq est automatiquement pr´esent´e comme la cause de vp. Un probl`eme pragmatique ´emerge donc lorsque, suivant ces scripts, c’est au contraire vp qui est la cause de vq.

42L’´enonc´e devient bien sˆur tout `a fait acceptable dans un contexte o`u le fait d’ˆetre heureux peut rendre amoureux.

4.7. Distribution des pr´edicats d’´etat dans les subordonn´ees