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Les pr´edicats d’´etat en s´emantique (n´eo) davidsonienne

2.3. Les diff´erences entre les ´etats et les activit´es

2.3.4. Le progressif standard

Rappelons que le progressif standard n’est compatible qu’avec des verbes autres que la copule be ou ses ´equivalents (Zucchi (1998)). On va d’abord d´ecrire la situation de l’anglais, parce que c’est elle qui fonde les principaux tests aspectuels classiques.

La th´eorie de Dowty

Il est connu qu’en anglais, le progressif standard est loin d’ˆetre incompatible avec tous les pr´edicats statifs :

(2.54) ? ?Peter is knowing French. (2.55) The book is lying on the floor.

(2.56) A chair was standing against the wall.

D’apr`es Dowty (1979), parmi les pr´edicats d’´etat, seuls les pr´edicats d’intervalle sont compatibles avec le progressif, ou plus pr´ecis´ement, ajoute Zucchi, avec le progressif standard. Comme on l’a vu plus haut, selon Dowty et Zucchi, know n’est pas un pr´edicat d’intervalle (l’´etat que d´ecrit know est compos´e de proc`es instantan´es qui satisfont aussi le pr´edicat know ). En revanche, lie et wear sont des pr´edicats d’intervalle.

Mis `a part le fait que la d´efinition des pr´edicats d’intervalle semble m´elanger les crit`eres ontologique et ´epist´emologique (cf. supra), la th´eorie de Dowty est insatisfaisante parce que beaucoup de verbes statifs non class´es dans sa typologie parmi les pr´edicats d’intervalle, et r´eput´es incompatibles avec le progressif dans les grammaires normatives anglaises, sont, en r´ealit´e, r´eguli`erement utilis´es au progressif (Leech (1971), King (1983), Smith (1983) et Bland (1988) e.a) :

(2.57) Peter is believing in ghosts these days. (Smith (1983))

(2.58) They seem to be knowing it and then — poof — they don’t. (King (1983))

(2.59) The river is smelling particularly bad today. (Smith (1983))

La th´eorie de Smith et de Langacker

Un autre th´eorie bien connue a ici l’avantage. L’id´ee est que les pr´edicats statifs peuvent ˆetre progressivis´es lorsqu’ils d´ecrivent un ´etat temporaire. C’est l’id´ee, entre autres, de Smith (1983) et de Langacker (1987) (voir aussi Kearns (2000)). Cette th´eorie couvre non seulement les donn´ees dont Dowty et Zucchi rendent compte, mais aussi les contre-exemples pr´esent´es. L’id´ee de Smith et de Langacker pr´edit en effet que tous les verbes de posture (lie, stand, sit, mais aussi wear ) peuvent ˆetre progressivis´es, puisqu’ils d´ecrivent un ´etat par d´efaut non permanent.

Elle pr´edit ´egalement que les verbes comme believe, qui d´ecrivent par d´efaut un ´etat permanent, peuvent ˆetre progressivis´es une fois que le contexte d´efait cette inf´erence par d´efaut, c’est-`a-dire ´etablit clairement que l’´etat ne prend place que temporairement. Dans les exemples pr´ecit´es (2.57)-(2.59), les ´el´ements en italiques s’en chargent. En l’absence de ces ´el´ements co-textuels, l’acceptabilit´e des ´enonc´es d´ecroˆıt (Bland (1988)), ce qui confirme la th´eorie propos´ee.

Cette id´ee permet de rendre compte de certains effets discursifs int´eressants du progressif :

(2.60) Are you liking it here ? (attest´e, cit´e dans Bland (1988)) (2.61) Do you like it here ?

(2.62) Is she liking her new car ? (Bland (1988)) (id.)

D’apr`es Bland, les ´enonc´es du type (2.60), tr`es fr´equents dans les questions, sont ressentis comme beaucoup plus polis (du moins en anglais britannique) que leurs ´equivalents au Simple Present (cf. (2.61)). L’´enonc´e (2.60), recueilli par l’auteur, a ´et´e prononc´e lors d’une r´eception entre voisins. D’apr`es elle, il est ressenti comme plus poli, moins abrupt et plus indirect, parce que l’hˆote se pr´esente comme en (( demandant beaucoup moins )) . Il ne demande pas un jugement de valeur d´efinitif (permanent) sur la r´eception de la part de ses invit´es (ce qu’aurait fait (2.61)), mais s’enquiert de leur sentiment imm´ediat (temporaire) sur la situation.

Cette seconde th´eorie se voit apparemment contredite par les ´enonc´es suivants : (2.63) I’m actually liking this play. (Smith (1983))

(2.64) I’m hating this weather (ibid.)

(2.65) I’m missing you dreadfully. (Smith (1983), p. 498) (2.66) I’m

(

just really

)

loving it (attest´e, Bland (1988), p. 60)

Ces ´enonc´es (dont certains sont d’un usage assez r´ecent) sont tout `a fait acceptables de l’avis de plusieurs auteurs diff´erents. Or, les pr´edicats utilis´es d´ecrivent un ´etat qui s’interpr`ete par d´efaut comme un ´etat permanent. Si j’aime bien une certaine pi`ece de th´eˆatre, c’est g´en´eralement vrai, par d´efaut, pour assez longtemps. Par ailleurs, cette inf´erence par d´efaut n’est pas annul´ee par un ´el´ement explicite du contexte, alors que ce genre d’´el´ement est quasi-obligatoire, observe Bland (1988), pour que les exemples (2.57)-(2.59) soient acceptables.

Si l’on s’en tient `a l’explication des grammaires comme celles de Quirk et al. (1985)), on expliquerait l’acceptabilit´e de ce genre d’exemples en disant que le pr´edicat statif est r´einterpr´et´e comme un pr´edicat d’activit´e.26 Le probl`eme de ce genre de th´eorie est qu’elle n’explique pas pourquoi ces verbes ne sont pas aussi r´eanalys´es comme des pr´edicats d’activit´e chaque fois que cela est n´ecessaire. Cela n’est pas le cas, par exemple, dans les constructions pseudo-cliv´ees :

(2.67) ? ?What I did is like this play.

26

Plus exactement, Quirk et al. (1985) ´ecrivent ceci : (( The definition of stative verbs is not so much that they are incompatible with progressive, as that when they are combined with the progressive, some change of interpretation other than the addition of ’temporary’ meaning of the progressive aspect is required. This change of interpretation can usually be classified as a transfer, or reclassification of the verb as dynamic, eg. as having a meaning of process or agentivity. )) (Quirk et al. (1985), p. 201).

En fait, la seconde th´eorie permet de rendre compte de ces contre-exemples une fois que l’on r´efl´echit `a leur valeur pragmatique. Avec ces verbes psychologiques `a Exp´erienceur sujet, le progressif fonctionne comme un marqueur d’intensit´e.27

Les ´enonc´es du type (2.63)-(2.66) sont souvent dits (( plus intenses )), (( vivants )) , (( plus ´emotionnels )) que leurs ´equivalent au temps simple. Ils appellent une prosodie emphatique : I’m hating this weather (Bland (1988)). Je propose de voir dans cette valeur emphatique un moyen comme un autre de signaler que le verbe d´ecrit non pas le sentiment `a long-terme, mais une occasion particuli`ere et temporaire de l’´eprouver. En effet, un sentiment ne peut pas rester tr`es intense de mani`ere permanente, mais il peut s’´eprouver intens´ement `a une certaine occasion. La valeur emphatique des ´enonc´es (2.63)-(2.66) joue vraisemblablement le mˆeme rˆole d´elimitatif que les adverbes de dur´ee en (2.57)-(2.59).

On peut r´esumer en disant qu’en anglais, beaucoup de pr´edicats d’´etat peuvent ˆetre progressivis´es, mˆeme si, dans certains cas, des valeurs pragmatiques ou des contextes particuliers sont requis pour pouvoir pr´esenter l’´etat comme temporaire. Donc, le test du progressif ne permet pas, pour l’anglais du moins, de distinguer la classe des pr´edicats d’´etat de la classe des pr´edicats d’activit´e.

Le progressif standard et les pr´edicats statifs fran¸cais

En fran¸cais, en revanche, l’id´ee traditionnelle suivant laquelle les pr´edicats statifs sont incompatibles avec le progressif standard se v´erifie pleinement :

(2.68) ? ?Je suis en train de porter mon pull vert. (2.69) ? ?Pierre est en train de se trouver dans l’entr´ee.

Les contre-exemples qui viennent le plus vite `a l’esprit ne contredisent pas, en r´ealit´e, ce principe g´en´eral. Par exemple, (2.70) d´ecrit non pas un ´etat, mais une succession d’´etats satisfaisant `a un degr´e diff´erent la propri´et´e que d´enote le GV ressembler `a son p`ere : `a diff´erents moments de l’intervalle o`u l’individu est dans l’´etat correspondent divers degr´es de satisfaction de la propri´et´e. La scalarisation de la propri´et´e et la mise en correspondance des degr´es ainsi distingu´es avec les moments du temps conf`erent une structure dynamique au proc`es dans son en-semble.

(2.70) Il est en train de ressembler de plus en plus `a son p`ere.

L’´enonc´e (2.71) ne d´ecrit pas non plus un ´etat de d´etestation, mais le changement d’´etat qui va normalement d´eboucher sur un ´etat de ce type. L’exemple (2.72) a ´egalement la lecture inchoative :

(2.71) Ca fait `a peine une semaine que l’´ecole est commenc´ee et je suis¸ d´ej`a en train de d´etester ¸ca. (Internet)

≃ Je commence `a d´etester ¸ca.

(2.72) Il est en train d’avoir envie de changer de m´etier. (Internet) ≃ Il commence `a avoir envie de changer de m´etier.

Enfin, le pr´edicat des ´enonc´es (2.73)-(2.84) doit ˆetre class´e, suivant le test des pseudo-cliv´ees, parmi les pr´edicats d’activit´e, et non parmi les pr´edicats statifs :28

27

Cf. par exemple Jespersen (1931), Zandvoort (1962), Quirk et al. (1985), cit´es par Bland (1988).

28

(2.73) Je suis en train de m’en souvenir.29

(2.74) M’en souvenir, je l’ai fait.

(2.75) D´etaille [. . .] est en train d’admirer votre cou. (Proust, Sodome et Gomorrhe, 2)30

(2.78) Admirer ton cou, il l’a fait.

(2.79) Je suis en train de penser au cadeau pour Jean.31

(2.82) Penser `a son cadeau, je l’ai fait. Mais je n’ai rien trouv´e. (2.83) J’´etais en train de me demander si c’´etait une bonne id´ee.

(2.84) Me demander si c’´etait une bonne id´ee, je l’ai fait. Mais sans doute pas assez.

La tendance `a faire de tous les verbes mentaux des verbes statifs s’explique sans doute par le fait que le royaume du mental est trop souvent con¸cu comme un monde statique.

En r´esum´e, le principe qui veut que les pr´edicats (vraiment) statifs ne peuvent ˆetre progressivis´es semble donc bien v´erifi´e en fran¸cais.

Le progressif standard et les pr´edicats (( pseudo-statifs ))

Les ´enonc´es suivants sont plus probl´ematiques. Employ´es comme verbes de posi-tion, les verbes d´efigurer, traˆıner et trˆoner semblent bel et bien compatibles avec le progressif standard :

Thinking functions differently in He is thinking about Jones and in He thinks that Jones is a rascal. The first (( thinking )) is a process, the second a state (Vendler (1957))

29

Remember est analys´e comme un pr´edicat statif par Smith (1983).

30

Admirer est analys´e comme un pr´edicat intrins`equement statif par Kelling (2003) et Mein-schaefer (2003). Elles appuient cette hypoth`ese sur l’observation (incorrecte) que admirer ne peut jamais ˆetre progressivis´e, ce que d´ement la grammaticalit´e d’exemples comme (2.75). Cela dit, le fait que admirer puisse avoir une version dynamique n’empˆeche pas qu’il existe un pr´edicat d’´etat homonyme. Ainsi, admirer est certainement statif lorsqu’il est utilis´e pour d´ecrire une dis-position permanente. Dans ce cas, il ne peut ˆetre progressivis´e, comme l’observent Meinschafer et Kelling `a partir de l’exemple suivant (2.76) :

(2.76) *Les enfants sont en train d’admirer la litt´erature du Moyen- ˆAge. (Kelling (2003)) En revanche, (2.77) est meilleur parce que le contexte ´etablit clairement que le pr´edicat admirer d´ecrit cette fois une activit´e mentale temporaire :

(2.77) Les enfants sont en train d’admirer un grand po`eme du Moyen- ˆAge avec la stagiaire. Regarde comme ils sont absorb´es.

31

Parsons (1990) analyse les verbes think et understand comme des verbes d’´etat. Son argu-ment est qu’ils ne peuvent pas servir d’infinitive au verbe persuader, autre test d’agentivit´e. Mais cette observation est incorrecte, au moins pour les ´equivalents fran¸cais de ces verbes :

(2.80) On nous persuade de penser qu’un jour il existera des robots qui seront les cr´eations d’ˆetres physiques qui habitent la terre, et que ces robots sembleront ... (Internet)

(2.81) ... sans nous pr´esenter de forts arguments qui viendront me contredire et me persuader de penser autrement. (Internet)

(2.85) ? ?Un horrible bouquet de fleurs est en train de se trouver dans le salon.

(2.86) Un horrible bouquet est en train de d´efigurer mon salon. C’est quoi ce truc ?

(2.87) ? ?Des statues affreuses sont en train de se trouver sur la place. (2.88) Des statues affreuses sont en train de trˆoner sur la place.

Je propose de rendre compte de ces exemples probl´ematiques de la mani`ere sui-vante. Le progressif compatible avec les verbes d’´etat que l’on trouve dans les exemples acceptables est bel et bien le progressif standard. Mais le progressif stan-dard est sensible non pas aux propri´et´es du proc`es lui-mˆeme, mais aux propri´et´es de sa repr´esentation.32 En d’autres termes, il n’exige pas que le proc`es d´ecrit soit n´ecessairement dynamique, mais plutˆot qu’il soit repr´esent´e comme tel. Or, cer-tains ´etats peuvent vraisemblablement ˆetre repr´esent´es comme des activit´es : (2.89) Repr´esentation (´etat de type E ) ≃ Repr´esentation (´ev´enement) L’id´ee propos´ee est qu’un ´etat peut ˆetre repr´esent´e comme un ´ev´enement `a deux conditions (je dirai alors qu’il est de type E ) :

• L’entit´e sujet est (pr´esent´ee comme) responsable du d´eroulement de l’´etat et/ou le contrˆole causalement `a l’instar d’une action. Cette entit´e peut ˆetre soit un v´eritable Agent dans la r´ealit´e, soit, lorsque le verbe d’´etat a aussi un sens agentif, se voir fictivement attribuer ce rˆole th´ematique par le verbe ; • L’´etat est temporaire (il est entendu qu’il va ou doit prendre fin peu de temps

apr`es le temps de r´ef´erence).

Premi`ere contrainte : un agent responsable pour sujet. La premi`ere contrainte est illustr´ee par le contraste ci-dessous :

(2.90) Une version de Word reste/ ? ?est en train de rester sur ton PC. (2.91) Je suis en train de rester sur un pc `a lire des posts sur un forum de

fous. (Internet)

(2.92) Mais une fois la nuit arriv´ee et la lumi`ere ´eteinte, je l’ai surpris en train de rester immobile sur son dos sur le fond de l’aquarium. (Internet)

En (2.91) et (2.92), le sujet du verbe d’´etat rester d´enote une entit´e anim´ee, qui peut ˆetre l’agent responsable de l’´etat exprim´e. En revanche, le sujet de (2.90) d´esigne une entit´e inanim´ee, incapable de contrˆoler l’´etat dans lequel il se trouve. Il existe cependant des pr´edicats d’´etat qui, contrairement `a rester, sont accep-tables au progressif avec sujet inanim´e. C’est ce qu’illustrent les ´enonc´es (2.85)-(2.88) ainsi que les contrastes suivants :

(2.93) ? ?Un morceau de sandwich est en train de rester sur la table. Jette un peu ¸ca.

32

Cette position est parente de celle que d´efend Krifka (1998), pour qui la t´elicit´e caract´erise non pas les proc`es eux-mˆemes, mais leur repr´esentation. Sæbø (2005) cite Kratzer (2003) et Rothstein (2003) comme repr´esentants de la position inverse (la t´elicit´e caract´erise le proc`es lui-mˆeme).

(2.94) Un morceau de sandwich est en train de traˆıner sur la table. Jette un peu ¸ca.

(2.95) ? ?Des morceaux de bois sont en train de rester sur la route. (2.96) Des morceaux de bois sont en train de me barrer la route. On ne

pourrait pas enlever ¸ca ?

Les verbes d´efigurer, traˆıner et barrer se distinguent de rester (et de se trouver ) en ce qu’ils ont aussi un sens dynamique, dont d´erive souvent leur sens statif. Par exemple, ce n’est que par extension, suivant les dictionnaires, que traˆıner a acquis un sens statif.33

On peut supposer que si les verbes (( statifs )) comme traˆıner et barrer la route sont compatibles avec le progressif, c’est parce que ces constructions contiennent en r´ealit´e le verbe dans son acception dynamique, mais utilis´e pour d´ecrire un ´etat ; grˆace `a leur sens dynamique, ils peuvent pr´esenter fictivement ce qui n’est que le Th`eme d’un ´etat comme un Agent. Appelons (( pseudo-statifs )) les verbes agentifs ou dynamiques utilis´es pour d´ecrire un ´etat. Les phrases qui contiennent un pr´edicat pseudo-statif seraient des phrases statives seulement de mani`ere d´eri-v´ee.

En faveur de l’id´ee que le verbe progressivis´e serait, au d´epart, dynamique, on note tout d’abord que les ´enonc´es (2.86), (2.88) et (2.94) tendent `a pr´esenter l’entit´e d´esign´ee par le sujet comme un Effecteur ou un Agent, ce qui s’explique si, effectivement, le verbe progressivis´e est en r´ealit´e non statif, et donc attribue fictivement le rˆole th´ematique Effecteur ou Agent `a l’entit´e que d´enote le sujet.

Ensuite, on observe que ces verbes r´eussissent d’autres tests agentifs, alors mˆeme qu’ils sont utilis´es pour d´ecrire un ´etat. C’est le cas, par exemple, de la construction pseudo-cliv´ee :

(2.99) Tu sais ce qu’elle fait ta moto ? Eh bien ta moto, elle d´efigure toute la vue du jardin, voil`a ce qu’elle fait. Franchement, tu pourrais quand mˆeme prendre la peine de la ranger au garage.

(2.100) Ce qu’ils font, ces morceaux de bois, c’est nous barrer la route. Les verbes rester et se trouver ´etant d´epourvus de sens dynamiques, ils sont in-capables d’attribuer fictivement le rˆole requis `a une entit´e inanim´ee, et restent incompatibles dans ces constructions exigeant un sujet Effecteur ou Agent :34

33

Voir entre autres le Petit Robert et le Tr´esor de la langue fran¸caise. Ce verbe est int´eressant parce qu’il ne peut s’employer comme pr´edicat statif que si l’objet immobile pourrait changer de place. C’est ce qui ressort du contraste suivant :

(2.97) Ton sac traˆıne sur la table.

(2.98) # Des grains de beaut´e traˆınent sur sa peau bronz´ee. →I Ses grains de beaut´e peuvent migrer.

Employ´e dans son sens statif, le verbe traˆıner garderait donc une forme de dynamisme affaibli (le mouvement potentiel). Il est int´eressant de noter que l’un des proto-rˆoles Agent que d´efinit Dowty (1991) est, pr´ecis´ement, le mouvement relatif `a la position d’un autre participant. Le mouvement potentiel (et donc la possibilit´e de d´elocalisation) peut s’entendre comme une forme encore plus faible de dynamisme.

34

Quoiqu’ils soient acceptables, on l’a vu, lorsque le sujet d´enote une entit´e anim´ee, qui peut, dans la r´ealit´e, exercer un contrˆole causal intentionnel sur l’´etat exprim´e.

(2.101) ? ?Tu sais ce qu’elle fait ta moto ? Eh bien ta moto, elle se trouve en plein milieu du jardin, voil`a ce qu’elle fait. Franchement, tu pourrais quand mˆeme prendre la peine de la ranger au garage. (2.102) ? ?Ce qu’ils font, ces morceaux de bois, c’est rester sur la route. Si les verbes (( statifs )) compatibles avec le progressif sont effectivement des pseudo-statifs, ils ne font pas exception `a la r`egle qui veut que les verbes d’´etat soient incompatibles avec le progressif standard.

Deuxi`eme contrainte : un ´etat temporaire. Cela dit, lorsqu’un verbe d´ecrit un ´etat et que l’entit´e sujet peut ˆetre (repr´esent´ee comme) un Agent, il n’est pas syst´ema-tiquement acceptable au progressif :

(2.86) Un horrible bouquet est en train de d´efigurer mon salon. C’est quoi ce truc ?

(2.103) ? ?Un superbe bouquet est en train de d´ecorer mon salon. C’est qui qui l’a apport´e ?

(2.104) A. Tu sais o`u elle est, ma vieille veste en velours ?

B. Ta vieille veste en velours, elle est en train de d´ecorer le fond de la benne `a ordure.

(2.105) ? ?Les boules de No¨el sont en train de d´ecorer le sapin.

On observe qu’un mˆeme verbe est compatible avec le progressif s’il d´ecrit un ´etat n´egatif, dont le locuteur juge sans doute qu’il devrait cesser au plus vite, alors qu’il l’est beaucoup moins s’il d´ecrit un ´etat neutre ou positif, dont la prolongation ne gˆenerait pas le locuteur, voire plairait `a celui-ci. Le progressif standard appliqu´e aux verbes pseudo-statifs a donc une valeur d´etrimentale, et tend `a pr´esenter le locuteur comme un Mal´eficiaire de l’´etat exprim´e.35 Je propose d’appeler (( im-plicature d´etrimentale )) cette inf´erence qu’impose le progressif standard appliqu´e aux verbes utilis´es pour d´ecrire un ´etat.

Je propose de voir cette implicature comme un moyen particulier d’assurer que l’´etat exprim´e ne va pas durer, et, donc, de renforcer l’analogie entre cet ´etat et un ´ev´enement, les ´ev´enements ´etant g´en´eralement repr´esent´es comme des proc`es temporaires. Cela appuierait l’id´ee avanc´ee plus haut, suivant laquelle un pr´edi-cat d’´etat peut ˆetre progressivis´e `a partir du moment o`u l’´etat exprim´e ressemble suffisamment `a un ´ev´enement pour pouvoir (( duper )) l’op´erateur progressif, sen-sible aux propri´et´es de la repr´esentation des proc`es, plutˆot qu’`a celles des proc`es eux-mˆemes.

Un autre argument qui va dans ce sens est que lorsque la phrase au progressif