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Typologie temporelle et aspectuelle des ´etats

3.3. Typologie aspectuelle : ´etats (( purs )) versus (( ´etats endo-actionnels ))endo-actionnels ))

3.3.7. Les deux lectures de g´en´ereux S

G´en´ereux(s)∧ Th`eme(x, s) ∧ τ(s) ⊑ tr " ∃e[Agent(x, e) ∧ τ(e) ⊑ tr∧ 3∃s [G´en`ere(e, s )∧ G´en´ereux(s )]] #

Ce type de repr´esentations `a deux dimensions est repris `a Malink (2006). La for-mule sup´erieure de l’ensemble correspond au composant assert´e et la forfor-mule in-f´erieure au composant pr´esuppos´e. Les deux composants sont ind´ependants l’un de l’autre, ce qui implique entre autres qu’un op´erateur ne peut pas avoir simul-tan´ement dans sa port´ee une variable de la formule sup´erieure et une variable de la formule inf´erieure.25

Lorsque la phrase est positive, l’axiome (3.176) rend inutile la pr´esupposition d´efinie en (3.177), puisque cet axiome assure d´ej`a l’existence d’une action de x g´en´erant l’´etat et incluse dans le temps de r´ef´erence.26 Mais lorsque la phrase est n´egative, l’axiome (3.176) n’assure plus l’existence de cette action (puisqu’il n’y a alors pas d’´etat satisfaisant le pr´edicat G´en´ereux). C’est alors que la pr´esupposition montre toute son utilit´e. Examinons par exemple la phrase suivante :

(3.163) Marie m’a donn´e des bonbons. Elle n’a pas ´et´e g´en´ereuseS.

Dans cet exemple, l’´ev´enement que d´ecrit la premi`ere phrase est inclus dans le temps de r´ef´erence et implique l’entit´e sujet de la phrase stative ; la pr´esupposition de g´en´ereuxS peut donc ´eventuellement ˆetre satisfaite par cet ´ev´enement.

La pr´esupposition exige en outre qu’il soit possible que l’´ev´enement pr´esuppos´e g´en`ere un ´etat de g´en´erosit´e. Cette clause permet de faire la diff´erence entre des ´enonc´es comme (3.163), acceptable, et des ´enonc´es comme (3.178), inacceptable : (3.178) # Pierre est tomb´e dans un ravin. Il n’a pas ´et´e g´en´ereuxS.

En (3.178), l’´ev´enement e d´ecrit dans la premi`ere phrase ne peut pas ˆetre une occasion d’ˆetre g´en´ereux (ne peut pas g´en´erer un ´etat de g´en´erosit´e) : il n’est pas possible d’ˆetre g´en´ereux en tombant dans un ravin. En revanche, en (3.163), l’´ev´e-nement pr´esuppos´e pourrait, dans d’autres circonstances, ˆetre une occasion d’ˆetre g´en´ereux (on peut ˆetre g´en´ereux en distribuant des bonbons). La pr´esupposition de g´en´ereuxS est donc pleinement satisfaite.

Observons que l’analyse permet ´egalement de rendre compte de la bizarrerie de (3.179) ci-dessous. En effet, l’axiome (3.176) n’est pas satisfait.

(3.179) # Pierre est tomb´e dans un ravin. Il a ´et´e g´en´ereuxS.

De fait, le seul ´ev´enement mentionn´e dans ce discours ne peut avoir g´en´er´e un ´etat de g´en´erosit´e comme le requiert l’axiome (3.176).

3.3.7. Les deux lectures de g´en´ereux

S

Lecture-d et lecture-m : d´efinitions

Dans cette section, le point est fait sur les deux lectures possibles des descriptions d’´etat endo-actionnel.

25Voir Bergmann (1981) `a propos de la logique `a deux dimensions adopt´ee par Malink (2006) et Pi˜n´on (2006a). En fait, il aurait ´et´e plus transparent d’associer `a ces repr´esentations deux ensembles d’op´erateurs lambda, un pour le composant assertif, et un pour le composant pr´esup-positionnel. Mais j’ai gard´e le type de repr´esentations qu’adopte Malink (2006).

26

Par ailleurs, la deuxi`eme partie de la pr´esupposition, qui exige de l’action pr´esuppos´ee e qu’elle puisse g´en´erer un ´etat s, est ´egalement satisfaite. Dans ces phrases positives, l’´etat assert´e s est alors identique `a l’´etat s’ que (( doit pouvoir )) g´en´erer e.

(3.118) Pierre a donn´e des bonbons `a Jean. Il a ´et´e g´en´ereuxS. i. Il a ´et´e g´en´ereux de donner des bonbons. (lecture-d) ii. Il a ´et´e g´en´ereux dans la mani`ere dont il a donn´e des

bonbons. (lecture-m)

(3.180) Il a d´em´enag´e le piano. Il a ´et´e intelligentS.

i. Il a ´et´e intelligent de d´em´enager le piano. (lecture-d) ii. Il a ´et´e intelligent dans la mani`ere dont il d´em´enageait le

piano. (lecture-m)

Sous la deuxi`eme lecture, Pierre est dit occurrentiellement g´en´ereux parce qu’il a effectu´e cette action d’une certaine mani`ere. Appelons-la lecture-m.

Cette lecture-m n’est pas toujours disponible :

(3.98) Marie a fait une sieste. Elle a ´et´e intelligenteS. i. Elle a ´et´e intelligente de faire une sieste.

ii. # Elle a ´et´e intelligente dans la mani`ere dont elle faisait sa sieste.

Sous la premi`ere lecture (lecture [i]), on pourrait a priori croire que l’individu est dit occurrentiellement intelligent ou g´en´ereux parce qu’il effectue un certain type d’action. Mais `a la r´eflexion, cela semble incorrect. En effet, dans ce cas, on devrait pouvoir attribuer cette qualit´e `a tout agent qui effectue une action qu’il est intelligent ou g´en´ereux de faire. Or, ¸ca n’est pas le cas :

(3.181) # B´eb´e a fait une sieste. Il a ´et´e intelligentS. i. # Il a ´et´e intelligent de faire une sieste.

ii. # Il a ´et´e intelligente dans la mani`ere dont il faisait sa sieste. (3.182) #Le chien a fait une longue promenade avant le voyage en voiture.

Il a ´et´e intelligentS.

i. # Il a ´et´e intelligent de faire une longue promenade. ii. ?Il a ´et´e intelligente dans la mani`ere dont il a fait sa

promenade.

A mon sens, si les ´enonc´es (3.181)-(3.182) bloquent la lecture [i] dans un contexte normal, c’est parce que l’individu que d´enote le sujet ne prend g´en´eralement pas lui-mˆeme la d´ecision d’effectuer l’action que d´ecrit Si.

L’hypoth`ese propos´ee est que sous cette lecture, c’est l’action (implicite) de d´ecider de faire l’action d´ecrite dans la premi`ere partie qui g´en`ere l’´etat s (qui est l’occasion d’ˆetre dans l’´etat s).27

27

Fait int´eressant, Ernst (2002) propose une analyse similaire pour une des lectures d’un adverbe comme calmement :

(3.183) She calmly had left the room.

Ernst dit que sous la lecture qu’il appelle (( intentionnelle )) de l’adverbe calmly en (3.183), (( it is her decision to leave that is calm )) (cit´e par Geuder (2004), p. 146). Il faudrait dans la suite poursuivre l’analogie entre les diff´erentes lectures des adjectifs distingu´ees ici et les diff´erentes lectures des adverbes (analogie d´ej`a entam´ee par Geuder (2000), qui se concentre cependant davantage sur les adverbes.

Appellons donc cette premi`ere lecture la lecture-d.

En faveur de cette hypoth`ese, on note que lorsque cette lecture est la seule disponible, et que le contexte pr´ecise que l’Agent n’a pas pris la d´ecision lui-mˆeme d’effectuer l’action, l’´enonc´e devient marqu´e. C’est ce qu’il se passe, notamment, lorsqu’il est entendu que l’Agent ne fait qu’ob´eir aux ordres d’un tiers :

(3.184) #Marie a fait une sieste avant le r´ecital. Elle a ´et´e intelligenteS. C’est sa m`ere qui le lui a ordonn´e.

(3.185) #Pierre a c´ed´e sa place `a une vieille dame dans le tram. Il a ´et´e g´en´ereuxS. C’est le conducteur qui le lui a ordonn´e.

(3.186) # Pierre a donn´e sa veste `a Jean. Il a ´et´e g´en´ereuxS. C’est le chef qui lui a ordonn´e de la donner. (lecture-d)

Clairement, l’individu ne peut se voir attribuer la qualit´e morale que s’il d´ecide lui-mˆeme d’effectuer son action.

Evidemment, le probl`eme de (3.186) disparaˆıt une fois que la lecture-m rede-vient possible, car l’agent qui n’a pas d´ecid´e lui-mˆeme d’effectuer l’action peut toutefois instancier une certaine qualit´e morale dans la mani`ere de l’effectuer : (3.187) Pierre a donn´e des bonbons `a Jean. Il a ´et´e g´en´ereuxS. C’est le chef

qui lui a ordonn´e d’en donner. (lecture-m)

La diff´erence entre (3.186) et (3.187) s’explique comme suit : il est plausible de se montrer g´en´ereux dans la mani`ere de donner des bonbons, mais pas dans la mani`ere de donner une veste. Donc, en (3.187), la lecture-m est autoris´ee, mˆeme si la lecture-d est bloqu´ee vu le contexte.

Le probl`eme disparaˆıt ´egalement lorsqu’il est entendu que l’Agent suit un conseil, car cela n’empˆeche pas de rester maˆıtre de ses d´ecisions. La lecture-d reste d`es lors accessible (cp. (3.184)-(3.185) et (3.188)-(3.189)) :

(3.188) Marie a fait une sieste avant le r´ecital. Elle a ´et´e intelligenteS. C’est sa m`ere qui le lui avait conseill´e.

(3.189) Pierre a c´ed´e sa place `a une vieille dame dans le tram. Il a ´et´e g´en´ereuxS. C’est sa petite amie qui le lui avait sugg´er´e.

Rien ne s’oppose `a ce qu’un ´enonc´e re¸coive simultan´ement les deux lectures. Pierre peut ˆetre g´en´ereux en d´ecidant de distribuer des bonbons et en distribuant des bonbons. Mais chaque lecture est autonome. On a d´ej`a vu plus haut que certains ´enonc´es re¸coivent exclusivement la lecture-d (cf. (3.98)). De mˆeme, la lecture-m peut ˆetre la seule disponible, comme en (3.187).

La lecture-m est ´egalement la seule disponible avec les pr´edicats d’´etat endo-actionnel de type 2 comme bruyant, d´enotant un ´etat qui ne peut se manifester `a travers une prise de d´ecision :

(3.190) Marie a parl´e `a Paul. Elle a ´et´e bavardeS.

i. *Marie a ´et´e bavarde en d´ecidant de parler `a Paul. ii. Marie a ´et´e bavarde en parlant `a Paul.

En r´esum´e, les pr´edicats d’´etat endo-actionnel de type 1 peuvent prendre soit la lecture-m, soit la lecture-d, soit les deux. En revanche, les pr´edicats d’´etat endo-actionnel de type 2 ne peuvent prendre que la lecture-m.