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Chapitre III : LA VARIABILITE DES PRIX FONCIERS

3. LA VARIABILITE SPATIALE DES PRIX FONCIERS

3.2 L A VARIABILITE DES PRIX FONCIERS EN FONCTION DE L ’ ACCESSIBILITE A LA CENTRALITE URBAINE

3.2.2 Vérification empirique pour les principales régions fonctionnelles belges

C’est le niveau spatial des cinq principales régions fonctionnelles du pays auquel nous ferons référence afin d’empiriquement tester la variabilité des prix fonciers en fonction de l’accessibilité à la centralité urbaine. Ces régions fonctionnelles que structurent les villes de Bruxelles, Anvers, Liège, Gand et Charleroi représentent approximativement 60 % de la population nationale. La sélection des communes reprises au sein des régions fonctionnelles (carte III.9) a été élaborée sur base de deux conditions suffisantes. Y ont été sélectionnées

1 Les autres critiques adressées aux modélisations néo-classiques ont notamment porté sur leur caractère

généralement monocentrique. Cela a conduit différents auteurs à proposer la prise en compte de configurations urbaines polycentriques (D.A. Griffith, 1981 ; C. Maurice-Beaumont, 1992 ; K.A. Small et S. Song, 1994). D’autres critiques, plus fondamentales, ont remis en cause le lien entre domicile et travail comme moteur de localisation résidentielle (S. Hanson et G. Pratt, 1988). Sur le plan empirique, différents travaux ont montré l’incapacité de ce genre de modèles à prédire les trajets quotidiens qui traversent la ville (B.W. Hamilton, 1982 ; 1989 ; K.A. Small et S. Song, 1992 ; G. Giuliano et K. Small, 1993). De nombreux auteurs s’accordent aujourd’hui à affirmer que les modèles de la nouvelle économie urbaine sont peu efficaces pour décrire la géographie résidentielle des agglomérations urbaines (L.S. Bourne, 1981 ; S. Hanson et G. Pratt, 1988), ce qui se traduit notamment chez les tenants de ce courant de recherche à de constantes re- formulations des hypothèses de base (voir à ce propos : F. Gannon, 1994), moins pour améliorer la qualité des modèles, que pour adapter ceux-ci à la complexification croissante des dynamiques territoriales.

les entités intégrées au sein du complexe résidentiel urbain au sens de l’INS (H. Van der Haegen et al., 1996)1 et, parallèlement, les communes intégrées au sein du bassin d’emploi

au sens du SES de la Région wallonne (Y. De Wasseige et al., 2000). La délimitation des bassins d’emploi réalisée par le SES présente l’avantage d’avoir été établie de manière homogène sur l’ensemble du pays, cela à partir des données collectées lors du recensement INS de 1991 sur les migrations pendulaires de travail. La méthodologie utilisée par les chercheurs du SES est celle de la classification hiérarchique ascendante. Elle consiste dans la constitution d’un arbre organisant, de manière hiérarchisée, les relations entre toutes les communes du pays. Le traitement a conduit à sélectionner 46 bassins d’emplois relativement indépendants les uns des autres en matière de navettes de travail. L’assemblage des bassins repris en carte III.8 couvre la totalité du Royaume.

La délimitation empirique des bassins d’emploi illustre le constat théorique que nous venons de rappeler concernant la dimension des zones résidentielles et le nombre de consommateurs (M. Fujita et J.-F. Thisse, 2003, p. 113). En effet, l’étendue de ces bassins est directement déterminée par l’importance de la ville centrale qui les structure. Pour certains bassins, le nombre de communes est très limité, à l’image de bassin de Tongres qui ne compte que deux communes (Tongres et Herstappe). A l’inverse, le bassin le plus important correspond au bassin de Bruxelles. Il intègre 123 communes et il est le seul qui exerce une influence significative sur les trois régions du pays. Après Bruxelles, suivent ensuite en importance les bassins d’Anvers et de Liège, comptant respectivement 63 et 56 communes.

Nous avons construit le graphique III.15 afin d’empiriquement tester la variabilité des prix fonciers en fonction de l’accessibilité à la centralité urbaine. Y a été rassemblé, pour les cinq régions fonctionnelles analysées, le prix des parcelles constructibles en fonction de l’éloignement aux foyers urbains. Nous intéressant uniquement au marché foncier organisé pour le produit immobilier de la maison unifamiliale isolée, nous avons, de nouveau, uniquement considéré les transactions correspondant à des superficies comprises entre 360 et 1500 mètres carrés. A propos de l’élaboration du graphique III.15, notons aussi que les valeurs monétaires sont exprimées en euros de 1998 et que ce sont les transactions enregistrées lors des années 1999 et 2000 qui sont prises en compte.

Les traitements réalisés en vue de produire le graphique III.15 n’ont porté que sur les parties wallonnes et flamandes de la région fonctionnelle de Bruxelles. En n’intégrant pas Bruxelles- Capitale, nous évitons de considérer de nombreux lots dont la destination ne correspond pas au produit immobilier de la maison unifamiliale isolée. Relevons toutefois que les transactions foncières enregistrées au sein des 19 communes de Bruxelles-Capitale correspondent à un prix moyen de 153000 euros, soit plus du double du prix moyen recensé pour les communes situées entre 5 et 10 kilomètres du foyer urbain (approximativement 70000 euros). Rappelons que les très hauts niveaux fonciers bruxellois tiennent à l’intensité spatiale des produits immobiliers développés dans la capitale. Alors que la maison unifamiliale en lotissement demeure le produit immobilier dominant en proche périphérie, les transactions foncières bruxelloises sont par contre menées avec l’objectif de commercialiser des immeubles de bureaux ou de logements collectifs.

Entre la première couronne périurbaine bruxelloise des 5-10 kilomètres et la très lointaine périphérie située au-delà des 50 kilomètres, la décroissance des niveaux de prix est régulière. Cette structure des prix en fonction de la distance à Bruxelles confirme l’hypothèse de la décroissance des prix avec l’accessibilité au foyer urbain. En lointaine périphérie, les échanges fonciers se concluent à des niveaux de prix légèrement inférieurs à 20000 euros, ce qui représente moins de 30 % des valeurs de la première couronne. Pour autant, ces prix demeurent du même ordre de grandeur que les valeurs qui caractérisent les communes les plus coûteuses des régions fonctionnelles de Liège et de Charleroi.

1 Rappelons que la typologie des communes selon le phénomène des régions urbaines et des complexes

Graphique III.15

Prix des lots constructibles en fonction de l’éloignement au foyer urbain

Terrains échangés en 1999-2000 pour les superficies comprises entre 360 et 1500 m2 Bruxelles-Capitale n’a pas été considéré pour la région fonctionnelle de Bruxelles

0 € 10.000 € 20.000 € 30.000 € 40.000 € 50.000 € 60.000 € 70.000 € 80.000 € 90.000 € 0-5 km 5-10 km 10-15 km 15-20 km 20-25 km 25-30 km 30-35 km 35-40 km 40-45 km 45-50 km 50-60 km

Distance au foyer urbain des différentes régions fonctionnelles

P rix (e ur o co ns ta nt d e 19 98 )

Région fonctionnelle d'Anvers Région fonctionnelle de Bruxelles Région fonctionnelle de Gand Région fonctionnelle de Liège Région fonctionnelle de Charleroi

Pour les communes les plus proches du centre-ville d’Anvers, la décroissance des prix en fonction de l’éloignement est moins régulière qu’à Bruxelles. C’est à la fois le découpage communal irrégulier1 et le caractère asymétrique du phénomène urbain anversois

(développement orienté vers l’est en rive droite de l’Escaut) qui expliquent cette situation. Néanmoins, entre les classes de distance comprises entre 10-15 kilomètres et 40-45 kilomètres, la tendance structurante de la diminution des prix est très régulière, ce qui corrobore la vision théorique de l’arbitrage entre coût du terrain et coût du déplacement. Les prix anversois sont, à l’exception de la couronne des 5-10 kilomètres, systématiquement supérieurs aux prix bruxellois. La supériorité se maintenant lorsque les seules communes flamandes de la région bruxelloise sont prises en compte, elle ne s’explique pas uniquement par le différentiel de niveaux fonciers entre les parties flamandes et wallonnes des territoires placés sous l’orbite de la capitale.

A l’instar de la situation anversoise, les irrégularités observées pour la ligne brisée relative à la région fonctionnelle de Gand sont à interpréter en fonction des spécificités du découpage communal et des particularités de la géographie sociale. Sans entrer dans les détails, relevons que la valeur relative aux communes positionnées entre 5 et 10 kilomètres tient à l’influence de l’entité d’Evergem sur un groupement qui ne compte que trois communes. Au- delà des 10 kilomètres, on retrouve par contre une décroissance régulière des niveaux de prix avec l’éloignement. Les lignes brisées relatives aux régions fonctionnelles de Liège et de Charleroi pourraient également être interprétées en fonction des particularités socio- spatiales. Vis-à-vis de notre analyse sur les relations entre prix fonciers et accessibilité à la centralité urbaine, n’épinglons ici que la régulière décroissance des prix au-delà des communes marquées par l’héritage de l’industrialisation lourde (à partir de 5-10 kilomètres). A propos des configurations liégeoises et caroloringiennes, c’est aussi le différentiel de prix moyen par rapport aux trois autres régions fonctionnelles qu’il s’agit d’épingler. Ce différentiel est en parfaite cohérence avec nos précédentes conclusions quant aux très fortes disparités foncières observées de part et d’autre de la frontière linguistique.

Au final, les données empiriques rassemblées pour le graphique III.15 vérifient le caractère structurant des relations entre prix et accessibilité. Lorsqu’il est tenu uniquement compte des territoires où le marché foncier est organisé pour le produit immobilier de la maison unifamiliale isolée, il est manifeste que le prix de la parcelle constructible décroît avec la distance au centre-ville. Nos analyses empiriques menées sur le gradient de décroissance des prix en fonction de l’éloignement aux foyers urbains permettent aussi de vérifier la concordance entre l’extension spatiale des gradients de prix et l’extension spatiales des régions fonctionnelles analysées. De ce point de vue, l’échelle de la région fonctionnelle semble correspondre à l’échelle de formation des niveaux de prix et à l’échelle de structuration du marché foncier.

Avec le graphique III.15, nous avons traité du constat théorique de la décroissance du prix avec l’éloignement au centre-ville. Avec le graphique III.16, nous traitons du constat de l’accroissement de la superficie avec l’éloignement au centre-ville. Le graphique III.16 porte sur la seule région fonctionnelle de Bruxelles2. Pour les trois variables du prix par

transaction, du prix par mètre carré et de la superficie moyenne par transaction, nous y reprenons l’influence de la distance au foyer urbain. Ces trois variables sont exprimées en comparaison d’une moyenne régionale fixée à 100. L’hypothèse de l’accroissement de la consommation en services résidentiels se vérifie à la lecture du graphique III.16 : globalement, les lots sont plus vastes pour les communes éloignées de Bruxelles. En première couronne, la superficie est approximativement de 750-800 m2. Par contre, en

lointaine périphérie, la superficie moyenne est de 900 à 950 m2. La variabilité de la superficie

en fonction de l’accessibilité est toutefois bien moindre que la variabilité des prix en fonction

1 Pour Anvers, il n’y a que deux communes reprises au sein des catégories « 0 – 5 kilomètres » et « 5 – 10

kilomètres » : Anvers et Zwijndrecht pour la catégorie « 0 – 5 kilomètres » ; Stabroek et Beveren pour la catégorie « 5 – 10 kilomètres ».

de l’accessibilité. Alors que l’écart du prix par parcelle entre la lointaine périphérie et la première couronne représente ± 70 %, la variabilité en superficie n’est que de ± 20 %. Pour la variable de la superficie des parcelles, il est probable que la structure spatiale soit dépendante de niveaux territoriaux plus fins, la micro-accessibilité des parcelles pouvant être très hétérogène au sein d’un même noyau morphologique.

Graphique III.16

Influence de l’éloignement au foyer urbain sur le prix et la superficie des lots constructibles

Terrains échangés en 1999-2000 pour les superficies comprises entre 360 et 1500 m2 au sein des parties wallonnes et flamandes de la région fonctionnelle de Bruxelles

20 40 60 80 100 120 140 160 5-10 km 10-15 km 15-20 km 20-25 km 25-30 km 30-35 km 35-40 km 40-45 km 45-50 km 50-60 km Distance au centre de Bruxelles

N iv ea u de s ca ra ct ér is tiq ue s (m oy en ne ré gi on al e = 10 0)

Prix par transaction Prix par mètre carré Superficie moyenne par transaction

CONCLUSION DU CHAPITRE III

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