• Aucun résultat trouvé

Chapitre IV : LA PRODUCTION DE L’URBANISATION MORPHOLOGIQUE

3. LE POSITIONNEMENT DANS LA RESSOURCE FONCIÈRE ET LA TENDANCE VERS L’ÉTALEMENT

3.3 E TALEMENT ET INSCRIPTIONS SOCIO SPATIALES

3.3.2 La situation au sein des autres régions fonctionnelles

Le graphique IV.27 porte sur les cinq principales régions fonctionnelles belges. Nous y reprenons la variable du revenu moyen par habitant en fonction de l’éloignement au foyer urbain. Concernant le regroupement des communes, précisons que nous avons choisi d’agréger les 19 communes de la Région de Bruxelles-Capitale au sein de la première classe, même si, pour certaines entités, la distance euclidienne au centre de Bruxelles est légèrement supérieure au seuil des 5 kilomètres. A propos du classement des communes bruxelloises, signalons aussi que la première classe relative aux distances comprises entre 0 et 5 kilomètres ne compte que les 19 communes de la région capitale.

A l’image de la situation bruxelloise, le graphique IV.27 montre qu’il est nécessaire de combiner deux gradients afin de décrire l’organisation socio-spatiale des différentes régions fonctionnelles prises en compte. A quelques nuances près (notamment pour Liège), ces cinq territoires sont articulés par un noyau central paupérisé, par une première couronne périurbaine fortement valorisée et par une décroissance des niveaux de richesse avec l’éloignement à cette première couronne.

C’est au sein des régions fonctionnelles de Bruxelles et d’Anvers que cette géographie est la plus clairement inscrite dans les structures socio-spatiales. Le premier facteur explicatif de la nette structuration spatiale des revenus à Bruxelles et à Anvers tient à l’importance quantitative des phénomènes urbains, très conséquents en comparaison des situations liégeoise, gantoise et caroloringienne. En plus d’être très peuplées, les deux régions fonctionnelles de Bruxelles et d’Anvers sont également socio-économiquement favorisées. Corollairement à l’importance du phénomène urbain, la présence de nombreuses populations disposant de hauts revenus et fréquemment désireuses de développer un mode de vie périurbain est également un facteur qui intensifie la concurrence pour occuper les espaces périphériques les plus valorisés. La forte structuration socio-spatiale des régions fonctionnelles de Bruxelles et d’Anvers est sans doute aussi déterminée par les problèmes de mobilité. En raison de la congestion vers les pôles d’emplois, les hauts revenus acceptent aisément d’accroître les enchères résidentielles afin de bénéficier des sites accessibles de la première couronne.

Par rapport à la configuration anversoise, l’extension spatiale de la couronne périurbaine favorisée est plus conséquente à Bruxelles. A Bruxelles, la couronne « dorée » s’étend

désormais sur les gammes de communes situées entre 5 et 20 kilomètres du foyer urbain1.

Par contre, à Anvers, seules les communes positionnées entre 10 et 15 kilomètres se démarquent par des niveaux de revenus significativement supérieurs à la moyenne régionale. En plus du différentiel de taille entre les deux régions, le meilleur maintien de la richesse au sein de la ville d’Anvers est aussi un facteur susceptible d’expliquer cette situation (la paupérisation est bien plus nette à Bruxelles-Capitale que le long des rives de l’Escaut). En effet, l’installation des hauts revenus en frange périurbaine résultant très largement de transferts depuis le noyau urbain, l’épaississement de la couronne privilégiée ne peut se produire que via l’exurbanisation. Pour Bruxelles et Anvers, les territoires d’enrichissement et d’homogénéisation sociale « par la haut » pourraient sans conteste faire l’objet d’intéressantes études monographiques, visant notamment à étudier les dommageables mécanismes d’éviction des populations non dotées de hauts revenus. Il faudrait alors préciser le profil de ces populations « évincées » et déterminer les lieux vers lesquels elles émigrent. Parallèlement, l’on pourrait aussi analyser les processus immobiliers, en déterminant si l’enrichissement résulte uniquement de la construction neuve (effet levier des valeurs foncières sur les réalisations immobilières) ou si la réhabilitation participe également au processus.

Graphique IV.27

Variabilité du revenu moyen par habitant en fonction de l’éloignement au foyer urbain

8.000 € 8.500 € 9.000 € 9.500 € 10.000 € 10.500 € 11.000 € 11.500 € 12.000 € 12.500 € 13.000 € 13.500 € 0-5 km 5-10 km 10-15 km 15-20 km 20-25 km 25-30 km 30-35 km 35-40 km 40-45 km 45-50 km 50-60km

Distance au foyer urbain des différentes régions fonctionnelles

R ev en u m oy en p ar h ab ita nt e n 19 99 (e ur o de 1 99

8) Région fonctionelle de Bruxelles

Région fonctionnelle d'Anvers Région fonctionnelle de Liège Région fonctionnelle de Gand Région fonctionnelle de Charleroi

Source : INS (statistiques financières)

Le graphique IV.28 sur la région fonctionnelle de Liège montre que l’évolution de la répartition spatiale des revenus moyens entre 1977 et 1999 s’y caractérise par un retournement de gradient. En 1977, la région de Liège répond toujours au canevas « pré- périurbanisation » de la diminution du revenu en fonction de l’éloignement par rapport au centre-ville (modèle de la ville latine). Par contre, en 1999, la configuration est complètement inversée et les populations sont désormais d’autant plus favorisées qu’elles sont éloignées de la commune centrale ! L’inversion du gradient tient tout d’abord à la paupérisation qui affecte la commune centrale (il faut toutefois constater que l’appauvrissement s’est

1 Comme en rend compte le graphique IV.26, les communes les plus favorisées sont en fait positionnées entre 8

interrompu entre 1994 et 1999). Pour les entités situées entre 5 et 10 kilomètres, c’est-à-dire des communes dont les urbanisations sont héritières des développements industriels du XIXe siècle et du début du XXe siècle, la situation est stable. Cette catégorie se maintient en

position de « pivot », à des niveaux de richesse proches de la moyenne régionale (entre 1985 et 1999, on note toutefois un léger appauvrissement relatif, de 102,7 % à 99,8 %). Si la région fonctionnelle de Liège s’inscrit dans une situation identique aux configurations bruxelloise et anversoise pour la paupérisation des espaces centraux, elle s’en écarte par contre quant à l’émergence d’une première couronne périurbaine fortement valorisée. Alors que la ceinture des hauts revenus tend à se maintenir entre 5 et 20 kilomètres pour Bruxelles et Anvers, les hauts revenus liégeois sont bien moins concentrés. Même si le processus de forte valorisation du proche périurbain y existe pour quelques communes, il ne prend pas ici une ampleur régionale.

Graphique IV.28

Evolution de la structure socio-spatiale de la région fonctionnelle de Liège

75 80 85 90 95 100 105 110 0-5 km 5-10 km 10-15 km 15-20 km 20-25 km 25-30 km 30-40 km Distance au centre de Liège

R ev en u m oy en p ar h ab ita nt (v al eu r m oy en ne p ou r la r ég io n = 10 0) 1977 1985 1991 1994 1999

Source : INS (statistiques financières)

Afin d’expliquer pourquoi la région liégeoise n’est pas marquée par l’émergence d’une ceinture périurbaine fortement valorisée et discriminante, nous pouvons d’abord relever la structure de l’urbanisation morphologique le long de l’axe mosan. Il en résulte une forte hétérogénéité quant aux groupements de communes et certaines entités importantes situées à plus de 10 kilomètres de Liège sont peu attractives pour les hauts revenus (par exemple Flémalle, Grâce-Hollogne ou Engis). Plutôt que de s’installer au sein de ces communes du bassin industriel, les hauts revenus préfèrent s’éloigner le long des grands axes de périurbanisation, cela principalement en rive droite de la Meuse. Pour les hauts revenus, bien moins nombreux qu’à Bruxelles ou à Anvers, ces territoires relativement vierges sont suffisamment vastes pour ne pas entraîner une concurrence foncière susceptible de les rabattre vers les zones suburbaines de tradition industrielle. En outre, par rapport à Bruxelles et à Anvers, les problèmes de congestion routière sont bien moindres en région liégeoise, ce qui limite le désir des hauts revenus locaux pour une installation en première couronne. Ces différents éléments à caractère « intra-urbain » permettent d’expliquer les forts enrichissements à l’est et au sud de la région fonctionnelle, principalement pour des

communes positionnées entre 15 et 20 kilomètres (notamment Dalhem, Nandrin ou Aywaille). Par contre, afin d’expliquer l’enrichissement de nombreuses entités éloignées de plus de 15-20 kilomètres et positionnées dans le grand nord-ouest de la région fonctionnelle (Remicourt, Donceel, Oreye, Verlaine, Faimes), c’est à une logique interurbaine à laquelle il faut cette fois faire référence, celle de l’accessibilité par rapport aux pôles d’emplois de Bruxelles et, dans une moindre mesure, de Namur. Nous vérifions ici par la prise en compte des statistiques fiscales que de nombreux ménages économiquement favorisés choisissent de se positionner en position intermédiaire entre différents grands bassins d’emplois, ce qui corrobore la grille de lecture de l’étalement de conurbation fonctionnelle précédemment commentée.

Pour les régions fonctionnelles de Gand et de Charleroi, l’on observe, comme à Bruxelles et à Anvers, l’existence d’une première couronne périurbaine valorisée, suivie ensuite d’un gradient de décroissance des revenus vers la grande périphérie1. A la différence de Liège,

cette configuration s’y maintient entre 1977 et 1999, ce qui peut s’interpréter comme un indicateur de non-saturation de la première couronne. A Gand, la non-saturation est liée à la faible paupérisation urbaine. Plus qu’à Anvers et bien plus qu’à Bruxelles, la ville centrale a la capacité de maintenir et d’attirer les revenus élevés, ce qui réduit d’autant la pression sur les franges périphériques. Dans une situation d’exode urbain plus massif, la région gantoise aurait également connu un épaississement centrifuge de la couronne favorisée. Comme pour Anvers, la forte exurbanisation observée en Flandre à la fin des années quatre-vingt a d’ailleurs initié un tel processus. Plutôt que de se poursuivre, cette tendance de l’exurbanisation des hauts revenus s’est ensuite inversée, ce qui semble résulter de l’attractivité résidentielle du noyau urbain. A l’instar des premières couronnes bruxelloises et anversoises en voie d’homogénéisation sociale, une monographie fine sur le renouvellement urbain gantois serait sans conteste très intéressante. A Charleroi, la non-saturation de la première couronne périurbaine se maintient en dépit d’une paupérisation centrale assez marquée, ce qui nous semble résulter de la faible importance du phénomène urbain et, surtout, des faibles niveaux de richesses. Dans cette région fonctionnelle, les populations susceptibles de développer un mode de vie périurbain ne sont pas suffisamment nombreuses pour y déterminer un élargissement de la couronne favorisée, ce qui tranche par rapport à la situation observée dans les parties est et sud de la région de Liège, où la saturation semble davantage caractériser les communes d’ancienne périurbanisation.

A Charleroi, la saturation de la couronne favorisée des 10-15 kilomètres est d’autant moins marquée qu’elle est statistiquement gommée par les transferts nord-sud. En effet, l’on observe que certains hauts revenus se repositionnent désormais dans le nord de la région urbaine, en relation avec la progressive intégration de cette partie du Hainaut dans la logique métropolitaine bruxelloise. Sans conteste, l’influence croissante de la métropolisation bruxelloise ayant précédemment été évoquée pour la région fonctionnelle de Liège marque donc également les espaces traditionnellement sous l’influence de Charleroi. A la différence de la configuration liégeoise, où l’éloignement de Bruxelles conduit à générer la dynamique à plus de 15-20 kilomètres du noyau urbain, le positionnement de la région caroloringienne explique que la dynamique métropolitaine bruxelloise peut ici profiter à certains territoires distants de moins de 15 kilomètres de son centre-ville (Pont-à-Celles et Les Bons Villers notamment). Concernant l’influence de Bruxelles, la configuration caroloringienne est symétrique à la configuration anversoise. A Anvers, l’on observe également une progression importante des revenus pour les entités caractérisées par une bonne accessibilité vers Bruxelles. Au sein de ces deux régions fonctionnelles, l’influence bruxelloise grandissante conduit à un repositionnement des inscriptions socio-spatiales. En effet, à Charleroi comme à Anvers, ce sont les espaces éloignés de Bruxelles qui, traditionnellement, sont peuplés par les segments économiques les plus favorisés. En l’occurrence, rappelons qu’il s’agit du nord

1 A Gand, les communes périurbaines les plus favorisées sont voisines de la ville centrale. Par contre, comme

pour la région de Liège, l’existence d’une couronne suburbaine héritée de l’industrialisation de la fin du XIXe siècle et de début du XXe siècle explique pourquoi les espaces périurbains valorisés de la région de Charleroi ne se positionnent qu’à partir des 10 kilomètres d’éloignement.

pour Anvers et du sud pour Charleroi. Des quatre régions fonctionnelles « provinciales », c’est à Gand que la métropolisation bruxelloise perturbe le moins la traditionnelle géographie sociale des espaces périurbains. A Gand, les espaces les plus valorisés des périphéries sud bénéficient d’une bonne accessibilité vers Bruxelles, comme en atteste l’importance des flux de populations actives se rendant quotidiennement à Bruxelles depuis Latem-Saint-Martin et De Pinte (G. Juchtmans et al., 1999, p. 123).

CONCLUSION DU CHAPITRE IV

Outline

Documents relatifs