• Aucun résultat trouvé

Chapitre III : LA VARIABILITE DES PRIX FONCIERS

1. LA VARIABILITE TEMPORELLE DES PRIX FONCIERS

1.3 E VOLUTION DU COUT DE LA CONSTRUCTION NEUVE

Après avoir pris en compte les principales variables qui dictent l’évolution du prix des terrains à bâtir, nous pouvons maintenant nous intéresser à l’évolution du coût de la construction résidentielle neuve. Afin de confronter l’évolution des capacités financières des ménages aux exigences qu’impose la construction neuve, il n’est pas suffisant de tenir compte de l’évolution des prix fonciers, il faut aussi tenir compte du coût de la construction, en additionnant le montant de l’acquisition foncière et le montant nécessaire à l’édification d’un immeuble. Pour les coûts de construction, nous nous basons sur un scénario budgétaire de 100000 euros de 1998, c’est-à-dire un montant correspondant à une construction unifamiliale de base en configuration d’auto-promotion. En vue de produire une analyse évolutive, ce montant de 100000 euros est à moduler dans le temps en fonction de l’indice Abex. Etabli pour l’ensemble de la Belgique, l’indice Abex permet aux professionnels de la construction de suivre l’évolution des prix dans ce secteur d’activité. Il intègre le coût salarial et le coût des matériaux, la marge bénéficiaire des entrepreneurs et la TVA2. Nous

observons que l’indice Abex est tendanciellement inférieur à l’indice des prix à la consommation. Alors que l’inflation augmente de 122 % entre 1977 et 2000, l’indice Abex ne progresse lui sur la même période que de 97 %.

Le graphique III.4 confronte l’évolution du coût de la construction neuve à l’évolution du prix par parcelle et par maison de seconde main. On y trouve pour le milieu de la décennie quatre-vingt des ruptures de pente importantes pour la ligne brisée relative à la construction neuve. Ces ruptures s’expliquent simplement par l’impact sur l’indice Abex des fluctuations de la TVA. Entre 1977 et 2000, le coût de la construction neuve progresse moins que le prix par maison ancienne. Sur base de nos postulats, le montant nécessaire à une opération de construction neuve est donc de moins en moins important par rapport au prix d’une habitation de seconde main. En 1977, le coût nécessaire à une opération de construction neuve (153 407 euros de 1998) représentait 218 % du prix moyen d’une habitation ancienne (70 211 euros de 1998). Par contre, en 2000, le coût d’une opération de construction neuve (157 732 euros de 1998) ne représente plus que 153 % du prix moyen d’une habitation ancienne (103 294 euros de 1998). L’évolution du prix des terrains étant à peu près identique à l’évolution du prix des maisons anciennes, c’est l’évolution des coûts de construction qui explique ce différentiel. Méthodologiquement, le résultat de l’évolution différenciée entre le prix d’une maison ancienne et le coût d’une construction neuve peut s’expliquer par la non prise en compte de la possible amélioration des nouvelles réalisations. S’il existe une tendance significative vers de nouvelles résidences de plus en plus luxueuses et coûteuses, se pose donc ici un problème méthodologique quant au fait de considérer l’indice Abex pour rendre compte de l’évolution du coût moyen des nouvelles constructions. La divergence entre le prix par maison ancienne et le prix par maison neuve se creusant en quelques années, nous pouvons toutefois fortement relativiser cette crainte. Il est donc peu probable que le facteur de la qualité croissante des nouvelles réalisations fausse la

1 Texte original : « Wat het RSV tot nu toe heeft bewerkstelligd, is een toenemende schaarste aan bouwgrond. Dit

heeft tot gevolg dat niet alleen de bouwgrondenprijzen maar ook de verkoopprijzen voor de bestaande woningen sterker stijgen dan het inflatieritme ».

conclusion selon laquelle le coût d’une opération de construction neuve soit de moins en moins important par rapport au prix d’une habitation de seconde main.

Graphique III.4

Evolution du prix par maison de seconde main et du coût par maison neuve

Ensemble de la Belgique 40 60 80 100 120 140 160 180 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 E vo lu tio n re la tiv e (1 97 7 = 10 0)

Capacité d'emprunt (euro constant) Prix par terrain à bâtir (euro constant)

Prix par maison de seconde main (euro constant) Prix par maison neuve (euro constant)

Sources : INS (statistiques financières) et Abex

Afin d’interpréter l’évolution différenciée entre le prix d’une maison ancienne et le coût d’une construction neuve, une autre hypothèse explicative est celle des différences de comportements entre les demandeurs fonciers et les demandeurs immobiliers. L’idée est ici que les demandeurs immobiliers sont, en comparaison des demandeurs fonciers, plus facilement enclins à suivre l’évolution de la capacité d’emprunt. Lorsque les demandeurs sur le marché secondaire préparent leurs acquisitions, ils connaissent très précisément le montant qu’ils sont financièrement aptes à mobiliser pour l’acquisition de leur futur logement, cela simplement via le calcul de la capacité de remboursement. Par contre, pour les ménages candidats à l’auto-promotion, l’estimation du montant maximum à débourser pour le terrain est plus malaisée, en raison de la marge d’incertitude et du degré de liberté subsistant pour le poste construction. Par rapport aux demandeurs immobiliers, les demandeurs fonciers seraient donc plus résistants à la dynamique haussière que détermine la croissance de la capacité d’emprunt et qu’amplifie la faible progression des coûts techniques de construction.

La progression plus faible des coûts de construction en comparaison des prix fonciers signifie que la part de la charge foncière tend à se renforcer dans le coût total représenté par une opération immobilière d’auto-promotion. Le graphique III.5 montre que d’approxi- mativement 25 % à la fin des années septante, la charge foncière représente à la fin des années nonante une part de 35 % du budget nécessaire à la construction d’une maison unifamiliale. Ce renforcement de la charge foncière peut s’analyser à la lumière du mécanisme intitulé « effet levier des prix fonciers sur les prix immobiliers ». Ce mécanisme a été mis en évidence pour des opérations où des promoteurs professionnels ont à acquérir un sol-support (T. Vilmin, 1991). Dans cette situation, les promoteurs déterminent le prix maximum d’acquisition du site-support en fonction, d’une part, des coûts de production (construction, frais de personnels …) et, d’autre part, en fonction des niveaux attendus pour la commercialisation de leur produit immobilier. En d’autres termes, les promoteurs réalisent

un « calcul à rebours » (C. Topalov, 1974, p. 202). Le calcul à rebours impliquant une amplification relative des prix fonciers par rapport aux prix immobiliers, c’est en ce sens que l’on peut parler d’un effet levier des prix immobiliers sur les prix fonciers. Par exemple, pour une configuration initiale où la charge foncière représente approximativement 30 % du coût de revient total, une hausse de 30 % du prix des produits immobiliers (mètres carrés d’appartements ou mètres carrés de bureaux par exemple) pourra aboutir à un doublement des prix fonciers (c’est-à-dire à une augmentation de 100 %). Mis en évidence pour des développements du type « filière promoteur professionnel », nos traitements indiquent que le même effet multiplicateur des prix immobiliers sur les prix fonciers est observable pour un contexte où domine la filière de l’auto-promotion. Plus précisément, il s’agit ici d’un effet levier de la croissance des capacités financières de la demande sur les prix fonciers. Pour la période 1993-2000, on assiste à une hausse des prix fonciers de 62 % qui résulte d’une progression de la capacité d’emprunt d’approximativement 40 %. En d’autres termes, le fonctionnement du marché et la limitation de la croissance des coûts de construction ont transformé la progression de la capacité d’emprunt en rente foncière.

Graphique III.5

Evolution des parts de la charge foncière et de la construction immobilière dans le coût d’une maison neuve

Ensemble de la Belgique 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 Part de la construction immobilière Part de la charge foncière

Sources : INS (statistiques financières) et Abex

Nous pouvons nous appuyer sur le raisonnement que nous venons d’élaborer afin de préciser comment, lors de la décennie nonante, une hausse continue des prix fonciers peut coexister avec la baisse des quantités échangées. La réduction du nombre de transactions révélant en fait une baisse d’activité pour le secteur économique de la construction résidentielle neuve, nous pouvons en déduire que la faible progression de l’indice Abex s’explique notamment par la modération salariale et par la baisse des marges bénéficiaires qu’induit la concurrence entre firmes. Cette faible progression des charges de construction générant ensuite de la marge pour l’acquisition foncière, il n’est dès lors pas incohérent d’observer un marché foncier cher avec un volume d’activité de plus en plus réduit.

Outline

Documents relatifs