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Chapitre V : LA STRUCTURE SPATIALE DES MARCHES FONCIERS

1. APPROCHE THEORIQUE DE LA STRUCTURE SPATIALE DES MARCHES FONCIERS ET IMMOBILIERS

1.1 L E CONCEPT ECONOMIQUE DE MARCHE ET LES FACTEURS DE LA STRUCTURATION SPATIALE DES ECHANGES

1.1.1 Précision du concept de marché

« Le marché d’un bien (produit, service ou facteur) est la rencontre d’un ensemble d’offres et de demandes de ce bien, donnant lieu à un échange sur base d’un prix » (A. Jacquemin et H. Tulkens, 1989, p. 135).

Quatre caractéristiques découlent de la définition du marché donnée ci-dessus :

1. La nature du bien : les conditions dans lesquelles se négocient et finalement se déroulent les échanges sont sensiblement influencées par les caractéristiques du bien lui-même : caractéristiques physiques intrinsèques telles que durable ou périssable, homogène ou hétérogène ...

2. Le nombre d’acheteurs et de vendeurs : certains marchés mettent en présence un très grand nombre d’agents économiques, d’autres n’en voient se rencontrer que quelques uns.

3. Le degré d’information : la connaissance que les acheteurs et les vendeurs ont des prix pratiqués et de la qualité des biens peut être très diverse ; les conditions de fonctionnement du marché en seront affectées.

4. La mobilité des vendeurs et des acheteurs : le comportement des offreurs et des demandeurs éventuels variera selon leurs possibilités d’obtenir ailleurs de meilleures conditions d’échange.

En économie, le classement des structures de marché s’établit sur base des quatre critères venant d’être présentés. Par exemple, la structure d’un marché est celle de la concurrence parfaite lorsque ces quatre critères sont remplis de la manière suivante :

1. Atomicité de l’offre et de la demande : les offreurs et les demandeurs sont suffisamment nombreux pour que les décisions d’un agent en particulier n’influencent pas le comportement des autres agents.

2. Homogénéité du bien économique échangé : sur le marché de chaque bien, toutes les unités de celui-ci offertes par les divers vendeurs sont considérées comme identiques par les acheteurs.

3. Transparence du marché : tous les offreurs et demandeurs sont parfaitement au courant des conditions de prix en vigueur, sur le marché et ailleurs, ainsi que des quantités disponibles et des caractéristiques du produit ; en d’autres termes, leur information est complète.

4. Mobilité parfaite des offreurs et des demandeurs : il y a libre entrée dans le marché et absence d’obstacle à le quitter.

Les caractéristiques des biens fonciers et immobiliers et les caractéristiques des marchés afférents sont en général bien éloignées des postulats de la concurrence parfaite (V. Renard, 1975). Que les mécanismes concrets de formation des prix fonciers et immobiliers divergent de ce que peut laisser supposer une lecture au premier degré des « lois » établies sur base du modèle de la concurrence parfaite ne doit dès lors guère nous surprendre. Le caractère spécifique des biens fonciers et immobiliers est un élément à la fois fondamental et bien connu1, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir ci-dessous. Au

1 En matière d’économie immobilière, les ouvrages de synthèse consacrent souvent – et à juste titre – une partie

importante de leur premier chapitre à la description des caractéristiques des biens fonciers et immobiliers. Voir par exemple : J.-J. Granelle, 1998, pp. 4-8 ; I. Nappi-Choulet, 1999, pp. 8-12.

stade actuel, ne relevons que le caractère localisé des biens. Pour les offreurs, ce caractère empêche une quelconque mobilité. Pour les demandeurs, il implique que les offres physiquement accessibles ne sont disponibles qu’en quantité limitée.

En économie, les termes présentés dans le tableau V.1 renvoyant aux types de structure de marché en fonction du nombre d’acteurs sont aujourd’hui classiques :

- un seul offreur et un grand nombre de demandeurs forment une structure de monopole, - un seul demandeur et un grand nombre d’offreurs forment une structure de monopsone, - un seul offreur et un seul demandeur forment une structure de monopole bilatéral,

- un petit nombre d’offreurs et un grand nombre de demandeurs forment une structure d’oligopole,

- un petit nombre de demandeurs et un grand nombre d’offreurs forment une structure d’oligopsone,

- un grand nombre d’offreurs et de demandeurs forment une structure de marché concurrentielle.

Tableau V.1 : Structure de marché selon le nombre d’offreurs et de demandeurs

Grand nombre

d’offreurs Petit nombre d’offreurs de l’offre Unicité

Grand nombre de demandeurs Concurrence Oligopole Monopole

Petit nombre de demandeurs Oligopsone Oligopole bilatéral Monopsone contrarié Unicité de la demande Monopsone Monopsone contrarié Monopole bilatéral

Par un « petit nombre » d’offreurs ou de demandeurs, l’on entend une situation où chaque offreur ou demandeur se considère comme obligé de tenir compte du fait que ses concurrents situés du même côté du marché que lui réagissent à ses décisions de prix et/ou de quantités. En revanche, l’on entend par un « grand nombre » d’offreurs ou de demandeurs une situation dans laquelle chaque offreur ou demandeur agit comme s’il n’y avait pas de réaction de la part de ses concurrents. Le fait que ceux-ci soient nombreux l’amène en effet à considérer que ses décisions sont négligeables et qu’elles n’influencent pas leur comportement. Les adjectifs « petit » et « grand » ne désignent donc pas un dénombrement précis des agents économiques en cause ; ils renvoient plutôt à la manière qualitativement différente selon laquelle ces agents anticipent l’effet de leurs décisions individuelles sur celles de leurs concurrents.

L’étude des multiples « marchés » fonciers et immobiliers montre que le nombre des agents en présence peut être très variable. Par exemple, les mécanismes d’échanges entre propriétaires et lotisseurs vont en général correspondre à un marché très étroit, quelques propriétaires désireux d’aliéner y proposant leurs biens à un nombre limité de promoteurs fonciers. La structure de marché est alors celle de l’oligopole bilatéral. Pour l’échange de lots constructibles au sein d’une zone périurbaine, la structure de marché pourra être celle de l’oligopole, l’offre correspondant ici à un nombre limité de lotisseurs et la demande à un « grand nombre » de ménages1. Par contre, pour le marché des logements de seconde

main, le grand nombre de particuliers concernés détermine une structure concurrentielle. La théorie économique prend également en compte le critère de l’homogénéité pour identifier et qualifier les structures de marché. Le régime dit de concurrence monopolistique fait référence à des structures concurrentielles (« grand nombre » d’offreurs ou de demandeurs) et à des biens de nature hétérogène. Chaque offreur est donc à la fois en monopole, car il est seul à offrir un bien différencié, et en concurrence, car les clients

peuvent rechercher des biens substituts. L’hypothèse d’hétérogénéité du produit peut aussi s’appliquer à l’oligopole (oligopole monopolistique). Les marchés du logement correspondent souvent au cas de la concurrence monopolistique. Pour le marché des maisons d’habitation, un « grand nombre » de particuliers offreurs et de particuliers demandeurs visent ainsi à s’échanger des immeubles que différencient de très nombreuses caractéristiques. Comme nous en rendrons compte ci-dessous, les développements de l’approche hédonique ouvrent des solutions intéressantes afin de prendre en compte le caractère hétérogène des biens. En économie politique, il n’y a pas de terminologie générale admise afin de distinguer les marchés selon le degré d’information de leurs participants, mais on appelle souvent opaques les marchés dans lesquels l’information est faible. En dépit de la « visibilité » des biens fonciers et immobiliers, il n’est pas risqué d’affirmer que les marchés correspondants sont en général plutôt opaques (V. Renard, 1996, p. 90).

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