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Chapitre IV : LA PRODUCTION DE L’URBANISATION MORPHOLOGIQUE

3. LE POSITIONNEMENT DANS LA RESSOURCE FONCIÈRE ET LA TENDANCE VERS L’ÉTALEMENT

3.3 E TALEMENT ET INSCRIPTIONS SOCIO SPATIALES

3.3.1 L’organisation socio-spatiale de la région fonctionnelle de Bruxelles

Trois modèles de base bien connus sont généralement utilisés pour décrire les organisations socio-spatiales au sein des régions urbaines : le modèle concentrique de Burgess, le modèle en secteurs de Hoyt et le modèle en noyaux multiples de Harris et Ullman (B. Mérenne- Schoumaker, 1996, p. 61). Pour la région fonctionnelle de Bruxelles, différents travaux ont montré la nécessité de combiner le modèle par secteurs au modèle concentrique afin de décrire l’organisation socio-spatiale, les développements périphériques y étant traditionnellement différenciés selon l’orientation en quadrants (C. Vandermotten, 1971 et 1983 ; C. Kesteloot, 1990). Appréhender la géographie sociale de l’aire métropolitaine bruxelloise via un indicateur aussi simple que la distance au centre de l’agglomération peut donc paraître inapproprié. Pour autant, sa prise en compte est tout à fait riche d’enseignements, comme en atteste le graphique IV.26, qui porte sur l’ensemble de la région fonctionnelle bruxelloise en combinant le revenu moyen par habitant et la distance au foyer urbain pour les 133 communes – bruxelloises, flamandes et wallonnes – qui la compose. Les travaux d’écologie urbaine héritiers de la grille concentrique de Burgess conduisent généralement à différencier deux modèles quant à la répartition des groupes sociaux : d’une part, celui de la ville nord-américaine, caractérisée par des banlieues riches et des centres- villes pauvres ; d’autre part, celui de la ville latine, caractérisée par des banlieues pauvres et des centres-villes riches (J.K. Brueckner et al., 1999). Cette lecture simple et duale de l’organisation spatiale urbaine repose sur le caractère monotone – soit croissant, soit décroissant – de la relation entre l’éloignement et les niveaux sociaux. Or, le graphique IV.26 montre qu’il est nécessaire de combiner deux gradients si l’on tient à décrire l’actuelle organisation socio-spatiale bruxelloise. Comme pour les autres principales régions urbaines belges, la paupérisation ayant affecté les quartiers centraux imprime désormais une tendance à la croissance des revenus avec l’éloignement par rapport au centre-ville. Dans le futur, ce gradient pourrait toutefois être partiellement déformé par des logiques émergentes de « gentrification » (M. Van Criekingen, 2001). En s’éloignant de Bruxelles, on observe ensuite un second gradient de revenus, décroissant cette fois avec l’éloignement au centre- ville ou, plus exactement, décroissant avec l’éloignement à une première couronne périurbaine fortement valorisée.

La très forte valorisation sociale concerne les communes positionnées entre 8 et 17 kilomètres du centre de Bruxelles, soit la zone d’ancienne périurbanisation. Pour cette gamme de distance, les ménages favorisés contribuent à hausser les enchères afin de bénéficier d’un compromis avantageux entre l’urbanisation morphologique et l’urbanisation fonctionnelle. En effet, ce positionnement détermine simultanément une artificialisation relativement peu importante du territoire (minimisation de l’urbanisation morphologique) et une bonne accessibilité aux pôles d’activités urbains (maximisation de l’urbanisation fonctionnelle). Pour expliquer le haut niveau de revenu moyen qui caractérise cette partie relativement centrale du territoire métropolitain, nous pouvons en fait faire référence aux mécanismes fonciers et immobiliers mis en évidence précédemment. Rappelons d’abord qu’en raison du prix des parcelles constructibles qui caractérise cette couronne « dorée », les acquéreurs fonciers moyennement favorisés sont immanquablement repoussés vers des franges plus externes de l’hinterland bruxellois. Parallèlement, de nombreux demandeurs présents sur le marché des logements de seconde main sont, eux aussi, contraints de rechercher un bien en périphérie plus lointaine. C’est ici notamment à l’effet levier des valeurs foncières sur la qualité des réalisations immobilières auquel nous faisons référence puisque, en première couronne, la majorité des biens sont trop luxueux pour les classes moyennes. In fine, il n’est dès lors guère étonnant que l’immigration récente au sein de ce territoire se limite à des migrants qui appartiennent à des segments sociaux très favorisés (T. Eggerick et C. Capron, 2001).

Graphique IV.26

Revenu moyen par habitant en fonction de l’éloignement au centre de Bruxelles

Communes wallonnes, flamandes et bruxelloises de la région fonctionnelle de Bruxelles

4.000 € 6.000 € 8.000 € 10.000 € 12.000 € 14.000 € 16.000 € 0 10.000 20.000 30.000 40.000 50.000 60.000 Distance au centre de Bruxelles (mètre)

R ev en u m oy en p ar h ab ita nt e n 19 99 (e ur o de 1 99 8)

Source : INS (statistiques financières)

Néanmoins, d’autres mécanismes que les seuls tris imposés par les marchés du logement pourraient avoir participé à la configuration du gradient de décroissance des revenus avec l’éloignement à la première couronne périurbaine. La répartition spatiale des revenus à un moment donné est, en effet, influencée tout autant par les émoluments des migrants récents que par l’évolution longue du revenu des ménages autochtones ou installés sur place depuis de nombreuses années. Sur ce point, il conviendrait d’approfondir l’analyse, cela notamment

en s’interrogeant sur les différentiels évolutifs entre les parties flamandes et wallonnes du territoire analysé.

A l’échelle des communes de la « couronne dorée », la consolidation des niveaux de revenus moyens s’accompagne d’une homogénéisation des structures sociales. Après plusieurs décades de périurbanisation, les inégalités qui s’étaient creusées lors des premières phases de développement tendent désormais à se réduire (M.-L. De Keersmaecker, 2002, p. 120). Comme nous l’avons observé au chapitre II, il s’agit ici d’un processus d’homogénéisation sociale « par le haut », les revenus inférieurs à moyens représentant une part de plus en plus congrue des populations locales1.

L’homogénéisation sociale se développant alors même que les logements de petite taille demeurent financièrement accessibles pour des tranches relativement larges de la population, nous pouvons ici aussi faire référence à l’effet levier des valeurs foncières sur la qualité des réalisations immobilières. En effet, on peut déduire de ces éléments qu’au sein de la couronne « dorée », les biens de petite taille représentent une portion de plus en plus limitée d’un parc immobilier local progressivement dominé par des immeubles de standing mis en place par la périurbanisation des « riches colons » (M. Oris, 2000, p. 57).

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