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L

E CONSTAT D

UNE CERTAINE ABONDANCE FONCIERE

Les relations étroites qu’entretiennent les pratiques de mobilité et les évolutions territoriales mettent en évidence le caractère brutal de la banalisation de la conduite automobile. Suite à cette évolution lourde, la performance des réseaux de transport a profondément modifié la notion de proximité physique, qu’il est désormais opportun d’apprécier, non plus en distances spatiales, mais en distances temporelles. Aujourd’hui, les possibilités d’occupation de l’espace excèdent largement les besoins et le relâchement des contraintes de mobilité est tel qu’il existe une surabondance de terrains intégrables dans les aires de la quotidienneté urbaine. En d’autres termes, il existe désormais une surabondance de l’offre foncière physiquement urbanisable, surabondance qui a permis la banalisation du modèle périurbain de la maison « quatre-façades » sise sur sa vaste parcelle. La dynamique dispersive de la mobilité relâchée qui alimente les développements périurbains belges depuis la seconde moitié du vingtième siècle est commune à de nombreux pays. Toutefois, comme en attestent les comparaisons internationales sur les choix politiques en matière de transport, cette dynamique est particulièrement forte en Belgique, où l’on a opéré un choix clair en faveur de la conduite automobile. Cette politique foncière « d’offre physiquement urbanisable » est un premier élément susceptible d’expliquer pourquoi la Belgique est un territoire où la production de l’urbanisation contemporaine est particulièrement éclatée.

En plus de la politique foncière « d’offre physiquement urbanisable », la « généreuse » politique foncière « d’offre juridiquement urbanisable » est également un élément à intégrer lorsqu’il s’agit de rendre compte de la périurbanisation diffuse qui caractérise aujourd’hui la Belgique. Différentes raisons expliquent pourquoi les zones juridiquement urbanisables ont été délimitées de façon si peu parcimonieuse. Parmi ces raisons, la plus profonde correspond aux relations que la société entretient avec la ressource foncière et le droit de propriété. A la différence de pays comme le Danemark, la Suisse ou les Pays-Bas, le sol n’est pas considéré en Belgique comme une ressource rare à préserver. Rendue possible par l’abondance des terres utiles, mais héritée de facteurs historiques que nous ne faisons encore qu’entrevoir, la conception dominante en Belgique consiste plutôt à considérer le sol comme une marchandise ordinaire, comme une possibilité de plus-value à valoriser, comme une source potentielle d’enrichissement. C’est en grande partie cette conception qui explique le succès mitigé de la tentative d’endiguement par les plans de secteur, cela en raison des revendications individuelles des propriétaires et de l’interventionnisme inconscient de certains politiciens, mais également en raison du risque juridique de l’indemnisation des servitudes d’urbanisme, cette institutionnalisation de la privatisation de la rente foncière d’urbanisation.

Bien qu’elles soient à l’origine d’un éclatement urbain dont il apparaît de plus en plus clairement qu’il est en accrochage vis-à-vis des principes stratégiques du développement durable, les « généreuses » politiques d’offre physiquement accessible et d’offre juridiquement constructible n’en présentent pas moins certains avantages pour quelques catégories d’acteurs, notamment les ménages des classes moyennes et supérieures, qui peuvent ainsi accéder au sol périphérique, bénéficier d’un environnement dédensifié et s’éloigner des problèmes urbains. En permettant de répondre aux aspirations des ménages de la classe moyenne, ces politiques agissent en fait comme un substitut au renforcement de dispositifs urbanistiques qui, pour réussir le défi de la densité qualitative, devraient obligatoirement s’appuyer sur une préalable politique foncière et, dès lors … remettre en cause un droit de propriété très profondément enraciné.

V

ERS UNE POLITIQUE DE PRODUCTION FONCIERE

?

Jadis rendue obligatoire par la faible performance des réseaux de transport, ce sont aujourd’hui les surcoûts collectifs de la dispersion anarchique qui rappellent aux hommes pourquoi leur agglomération dans l’espace demeure une nécessité. Après des siècles d’histoire urbaine marqués par de fortes contraintes de mobilité et, dès lors, par de fortes limitations en terrains physiquement urbanisables, le confort engendré par l’accroissement des vitesses de déplacement nous place aujourd’hui devant un problème opposé de surabondance foncière. Afin de structurer le territoire pour mieux concilier le développement urbain et les principes stratégiques de la durabilité, c’est cette surabondance foncière qu’il faut désormais assumer et gérer, ce qui nous oblige notamment à mieux discerner les caractéristiques des différents types d’offre foncière.

Lors des dernières décennies, l’autorité publique en Belgique ne s’est encore préoccupée que de l’offre physiquement urbanisable et de l’offre juridique potentielle. Au vu des surcoûts économiques et urbanistiques qu’engendre l’incapacité des marchés fonciers à se réguler sans l’intervention de la collectivité, il faut désormais porter la réflexion sur les modalités d’une intervention collective également appliquée à l’offre effective. Il apparaît donc opportun de réorienter l’héritage de la politique « d’offre juridiquement urbanisable » vers une politique de « production foncière », cela afin de produire des parcelles qui permettent de répondre aux besoins des particuliers pour le court terme, mais qui soient aussi localisées et configurées en fonction de critères prenant mieux en compte l’intérêt de la collectivité pour le long terme. Sur terres vierges, plutôt que d’accroître encore les zones potentiellement urbanisables sans s’assurer de leur mise en oeuvre, la production foncière apparaît comme une nécessité afin de canaliser les développements morphologiques en limitant les surcoûts d’une géométrie urbaine anarchique. Au sein des tissus préexistants, la production foncière s’impose aussi si l’on cherche à réussir le défi urbanistique de la densité qualitative. Se pose ici la question du recyclage de l’offre foncière : comment « reconstruire la ville sur la ville » (ADEF, 1998) plutôt que de la laisser s’étendre à l’infini ?

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