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Chapitre V : LA STRUCTURE SPATIALE DES MARCHES FONCIERS

1. APPROCHE THEORIQUE DE LA STRUCTURE SPATIALE DES MARCHES FONCIERS ET IMMOBILIERS

1.2 L’ APPROCHE HEDONIQUE DES MARCHES FONCIERS ET IMMOBILIERS 1 Approche hédonique et évaluation des prix fonciers et immobiliers

1.2.2 Formulation du modèle

La fonction hédonique : lieu des équilibres du marché

L’application immédiate du principe fondamental de l’approche hédonique énoncé ci-dessus permet de formaliser la relation à établir entre les caractéristiques d'un bien et son prix : si les consommateurs tirent utilité des caractéristiques d'un bien, on peut en effet s'attendre à ce que ces caractéristiques « expliquent » (statistiquement parlant) le prix de ce bien. Effectivement, la théorie des prix hédonique postule l'existence d'une fonction numérique F(X) qui associe, à toute combinaison de caractéristiques, le prix qu'un individu doit payer pour se procurer la dite combinaison. Il s’agit de la fonction hédonique.

Dans le cas qui nous occupe, une combinaison n'est rien d'autre qu’un bien foncier ou immobilier qui, selon l'approche hédonique, se réduit à la liste des différentes quantités de caractéristiques auquel il correspond. Chaque variété est donc représentée dans l'espace des caractéristiques par un vecteur de dimension k.

Dans le modèle de Rosen, on suppose que les variétés présentes sur le marché sont suffisamment nombreuses pour que :

1. les différentes caractéristiques puissent être considérées comme continues ;

1 Voir ci-dessus le point 3.2.1. du chapitre III.

2 Adapté de S. Rosen, 1974 ; N. Gravel et al., 1997b ; B. Gachet, 1995 ; I. Maleyre, 1995 et 1997 ; J.-J. Granelle,

2. les transactions puissent être considérées comme des transactions liées sur l'ensemble des caractéristiques.

Si l'on appelle P le prix que devra payer un ménage pour se procurer une combinaison offrant les quantités (x1, x2,..., xk) des caractéristiques 1, 2,..., k, on aura :

P = F (X) = F (x1, x2,..., xk)

Cette fonction F (x1, x2,..., xk) correspond à la fonction hédonique. Elle associe un prix à

chaque combinaison de caractéristiques et décrit l'ensemble des lieux d'équilibre des agents individuels. Elle est supposée connue par l'offreur et par le demandeur au moment où ils font leurs choix. De ce point de vue, la modélisation de Rosen s'inscrit explicitement dans un contexte concurrentiel où les demandeurs et offreurs sont censés prendre les prix pour des données, c'est-à-dire des éléments non soumis à leur contrôle. En conséquence, la fonction hédonique joue pour les agents individuels le rôle paramétrique dévolu au prix des biens dans la théorie traditionnelle de la demande. Elle est en fait représentative de l'équilibre du marché d'un bien différencié, au même titre que le prix unique pour un bien homogène. L'équilibre du demandeur : la fonction d’enchère (E)

Si le demandeur est suffisamment « petit » par rapport au marché pour ne pas être en mesure d'influer sur les prix de manière significative, il considère la fonction hédonique comme une donnée. En d'autres termes, Rosen postule que les consommateurs peuvent prendre des décisions d’optimalisation complexes car ils sont supposés connaître la fonction F (X) au moment où ils font leurs choix. Appliqué aux biens fonciers ou immobiliers, cela consiste à considérer que les ménages connaissent à la fois les différentes caractéristiques des biens, ainsi que leurs prix sur le marché.

Si les marchés sont efficaces dans la détermination des prix et des quantités d’équilibre, la fonction F sera telle que, pour tout bien offrant les quantités (x1, x2,..., xk) des

caractéristiques 1, 2,..., k, le nombre de ménages souhaitant se procurer cette unité au prix P = F (x1, x2,..., xk) sera égal au nombre de ces unités offertes sur le marché.

Afin de créer le lien entre la fonction hédonique et le demandeur, S. Rosen construit une fonction d'enchère, qui détermine le prix maximum que chaque ménage est disposé à payer pour tout X :

E (X ; U, Y) Formellement, le problème du consommateur s'écrit :

Max U = U (q', X) = U (q', x1, x2,..., xk)

sous les contraintes :

Y = q' + P P = F (x1, x2,..., xk)

avec U = utilité du consommateur

q' = autres biens consommés (bien composite) ; X = vecteur des k caractéristiques du bien analysé xi = caractéristique i du bien analysé

Y = revenu

F (x1, x2,..., xk) = fonction hédonique

Afin de décrire la fonction d'enchère, les postulats traditionnels sont utilisés. Tout d'abord la normalité : la demande pour les caractéristiques du bien analysé et pour le bien composite augmentent suite à l'accroissement du revenu1. Ensuite la concavité de la fonction d'utilité :

1 Lorsque la consommation d’un bien augmente avec le revenu, ce bien est qualifié de normal. A l’inverse, on

appelle inférieurs des biens dont la consommation décroît lorsque le revenu grandit. Le consommateur n’achète de tels biens que lorsque son revenu est bas. Lorsque son revenu s’élève, il en abandonne la consommation.

l'utilité dérivée d'un bien – ou d'une caractéristique d'un bien – augmente avec la quantité consommée, mais moins rapidement que n'augmente cette quantité consommée.

A partir de ces postulats, S. Rosen démontre que : E / xi > 0 2

E / (xi) 2

< 0

En intégrant simultanément la fonction hédonique et la fonction d'enchère, nous relevons que la localisation optimale du ménage correspond à la tangence entre les surfaces F (X) et E (X ; U, Y), c'est-à-dire lorsque :

E (X ; U, Y) = F (X)

L'équilibre du propriétaire-vendeur : la fonction d’acceptation (A)

Afin de compléter son modèle, S. Rosen analyse la manière dont le vendeur est susceptible de maximaliser son profit. Pour ce faire, il intègre les prix des facteurs et la technologie de production. C'est cette intégration qui va ensuite permettre de construire une fonction d'acceptation. Cette fonction d'acceptation décrit le prix minimum exigé par le vendeur pour mettre sur le marché les différentes combinaisons de caractéristiques :

A (X ; , ) avec X = vecteur des k caractéristiques du logement

= profit

= paramètre représentant les prix des facteurs et la technologie de production Sur base des postulats traditionnels, S. Rosen démontre que :

A / xi > 0 2

A / (xi) 2

> 0

De manière tout à fait symétrique à l'équilibre du demandeur, l'équilibre du vendeur est déterminé par la fonction hédonique et par la fonction d'acceptation. La localisation optimale du vendeur correspond à la tangence entre les deux surfaces F (X) et A (X ; , ), c'est-à- dire lorsque :

A (X ; , ) = F (X)

Nous l'avons constaté ci-dessus, à l'équilibre, la fonction hédonique était déjà tangente à la fonction d'enchère. En conséquence, l'équilibre se caractérise par la tangence entre les trois fonctions hédonique, d'enchère et d'acceptation.

Représentation graphique du modèle de Rosen1

Le graphique V.2 illustre le résultat de Rosen pour la caractéristique x1 :

aux points X et Y, les fonctions d'enchère E1 et E2

sont tangentes aux fonctions d'acceptation A1

et A2 .

Sont ainsi simultanément déterminés : deux points de la fonction hédonique et les vecteurs de caractéristiques choisis et offerts. L'ensemble de la fonction hédonique est alors décrit lorsqu'il existe une infinité de ménages (ou de types de ménages), chacun ayant sa propre fonction d'enchère. Autrement dit, et ceci est également un résultat important, l'analyse hédonique est incompatible avec l'hypothèse du consommateur représentatif, fréquemment retenue dans l'analyse économique traditionnelle.

Graphique V.2

La fonction hédonique : lieu d’équilibre des agents individuels

1 Sur base de : I. Maleyre, 1997.

Quantité Prix Fonction hédonique E1 X Y A1 E2 A2 Source : S. Rosen, 1974

Incidemment, le graphique V.2 montre que la forme de la fonction hédonique dépend des positions respectives de l'ensemble des courbes d'enchère et d'acceptation, c'est-à-dire des comportements d'offre et de demande propres à chaque marché. Que les fonctions hédoniques diffèrent d'un marché à l'autre ne doit donc pas surprendre. Sur ce point, nous pouvons suivre A.W. Evans lorsqu’il observe que : « the price of an amenity which is fixed in location will vary from location to location because of the varying characteristics of the population » (1995, p. 21).

L'approche graphique permet également de constater que les caractères respectivement concaves et convexes des fonctions d'enchère et d'acceptation ne préfigurent en rien de la forme de la fonction hédonique. En conséquence, le postulat probable de l'utilité marginale décroissante qui, rappelons-le, est relatif au comportement individuel, ne détermine pas nécessairement une fonction hédonique strictement concave. Pour autant, aboutir à une fonction concave est tout à fait cohérent avec le modèle développé par S. Rosen (M.L. Wolverton, 1997).

1.2.3 La différenciation entre les déterminants « inter-marché » et les

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