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Chapitre V : LA STRUCTURE SPATIALE DES MARCHES FONCIERS

1. APPROCHE THEORIQUE DE LA STRUCTURE SPATIALE DES MARCHES FONCIERS ET IMMOBILIERS

1.3 E FFETS SPATIAUX ET MODELISATION ECONOMETRIQUE DES PRIX FONCIERS ET IMMOBILIERS

1.3.4 La diffusion de l’information et la dépendance spatiale

Comme nous l’avons précisé ci-dessus, nous avons choisi de différencier les deux expressions de la dépendance spatiale et de l'autocorrélation spatiale en fonction de la prise en compte de la dimension statistique. Pour rappel, nous utilisons l’expression « autocorrélation spatiale » pour faire référence à une mesure statistique de corrélation et, complémentairement, l’expression « dépendance spatiale » pour faire référence aux processus d’interactions concrets qui expliquent pourquoi les observations pourraient être spatialement corrélées. Soit xi (i = 1,..., n) les valeurs prises par la variable X dans les divers

lieux i. Il y a autocorrélation spatiale si X, sur base d’un ordonnancement géographique des données, est statistiquement corrélée à elle-même. Parallèlement, il y a dépendance spatiale si une valeur quelconque xi dépend, dans une certaine mesure, d'autres valeurs prises

« ailleurs » par la même variable. Par l’utilisation du verbe « dépendre », nous exprimons l’idée que la valeur xi considérée ne serait pas identique si les autres valeurs n’avaient pas

exercées une influence. En particulier, mais pas nécessairement toujours, cet « ailleurs » est constitué par les lieux géographiquement voisins du lieu considéré : ce qui s'observe en A dépend bien souvent de ce qui s'observe « à proximité » de A.

Dans le cadre d’un modèle de régression établi à partir de données spatialisées, l’autocorrélation spatiale peut apparaître à deux niveaux distincts qu’il est opportun de bien discerner : d’une part, celui des variables initiales (dépendante comme indépendante(s)) et, d’autre part, celui des résidus. En considérant par exemple une application empirique de la théorie hédonique, il est hautement probable que l’organisation de l’espace induise une autocorrélation spatiale des niveaux de prix et, simultanément, une autocorrélation spatiale des caractéristiques (intrinsèques comme extrinsèques) susceptibles de les expliquer. Sur le plan de l’inférence statistique, l’autocorrélation des variables initiales n’est pas forcément problématique. Ce n’est, en effet, que le maintien de l’autocorrélation au niveau des résidus qui est susceptible d’affecter la robustesse de l’inférence statistique. Rappelons sur ce thème que le modèle économétrique de base suppose que les termes d'erreurs aléatoires ne soient pas corrélés deux à deux. Cette hypothèse est très restrictive, car elle exclut la possibilité que deux résidus relatifs à des localisations proches auront davantage tendance à se ressembler que deux résidus correspondant à des localisations éloignées.

En terme d’autocorrélation spatiale, le défi de l’économétrie immobilière consiste à intégrer l'autocorrélation spatiale des variables initiales (dépendante et indépendante(s)) pour aboutir à des résidus non corrélés. Pour construire un modèle opérationnel, il ne faut donc pas uniquement veiller à maximiser le pouvoir explicatif des variables dépendantes, mais il faut également veiller à minimiser l'autocorrélation des résidus. En conséquence, à l'issue de la construction du modèle, il est indispensable de tester si les résidus présentent cette caractéristique et les résultats de ce test doivent être considérés comme un indicateur de la qualité du modèle, au même titre, par exemple, que le coefficient de détermination. In fine, ce n'est qu'à la condition d'une absence d'autocorrélation au sein des résidus que le modèle pourra être considéré comme « une acceptable description de la réalité » (A.D. Cliff et J.K. Ord, 1981, p. 67).

Pour ce point consacré à l’autocorrélation spatiale et à la dépendance spatiale, nous différencierons et commenterons deux types de causes susceptibles d’expliquer pourquoi une régression visant à expliquer des prix fonciers ou immobiliers peut être affectée par une autocorrélation spatiale des résidus. Le premier type de causes correspond à l’inadéquate prise en compte des variables indépendantes et le second à l’inadéquate prise en compte de la variable dépendante en tant que facteur autorégressif.

1.3.4.1 L’inadéquate prise en compte des variables indépendantes

Lors de la réalisation d’une modélisation visant à statistiquement expliquer des prix fonciers ou immobiliers, il existe de nombreux risques d’erreurs susceptibles de conduire à une autocorrélation spatiale des résidus. Parmi ces risques, l’on trouve notamment l’inadéquate formulation mathématique du modèle. Concernant les variables indépendantes, la mauvaise formulation mathématique peut résulter de la non prise en compte des deux possibilités d’une variabilité de l’accroissement marginal et, parallèlement, de mécanismes d’interactions entre variables. Par variabilité de l’accroissement marginal, nous entendons une situation où l’influence sur le prix de la modification d’une variable indépendante varie avec la quantité de cette variable indépendante. En pareil cas, il est souvent nécessaire de procéder à une transformation des données si l’on tient à prévenir l’autocorrélation spatiale des résidus (A.D. Cliff et J.K. Ord, 1973, p. 87 ; J. Johnston, 1983, p. 308). Par mécanisme d’interactions, nous faisons ici référence au fait que l’influence d’une variable explicative puisse dépendre de la quantité d’autres variables régresseurs (E. Casetti, 1972).

Au-delà de la mauvaise formulation mathématique des variables indépendantes, c'est sans doute l’omission d'une variable explicative importante qui correspond au risque le plus courant d’une inadéquate prise en compte des variables initiales. Un modèle qui n'intégrerait pas une variable explicative importante est, en effet, susceptible d'être affecté par une autocorrélation spatiale des résidus si la variable omise est elle-même spatialement autocorrélées (D.A. Griffith, 1992, p. 273 ; C. Beckerich, 2001, pp. 168-169).

Lorsque la modélisation est en élaboration, la mise en évidence d’une autocorrélation des résidus est généralement très utile. En effet, cette dernière pouvant fréquemment résulter d’une inadéquate prise en compte des variables initiales, sa détection est considérée comme un moyen opérationnel d’améliorer le modèle. Par exemple, une cartographie des résidus est un puissant outil afin de repérer l'existence de variables significatives, mais non encore prises en compte (D.A. Griffith, 1992).

1.3.4.2 L’autocorrélation spatiale de comparaison et l’élaboration de modèles autorégressifs

Pour les marchés fonciers et immobiliers, nous savons que c’est la méthode des points de comparaison qui, explicitement ou implicitement, est utilisée lorsque les offreurs et les demandeurs préparent leurs négociations. Rappelons que la méthode des points de comparaison est intimement liée à ce facteur de structuration spatiale des marchés qu’est la

disponibilité en information. Il résulte de la pratique des points de comparaison que des mécanismes de dépendances spatiales concourent à la formation des prix. Idéalement, ces mécanismes doivent être pris en compte par les modélisateurs désireux de rendre compte des niveaux de prix. Sans cette prise en compte, il est en effet possible qu'un modèle intégrant les variables indépendantes de manière adéquate demeure affecté par une autocorrélation résiduelle (A. Can, 1990, p. 259), autocorrélation résiduelle que nous choisissons de dénommer autocorrélation spatiale de comparaison. La problématique de l’autocorrélation spatiale de comparaison illustre parfaitement l’idée selon laquelle « relever le défi de l’autocorrélation spatiale » (H. Beguin, 1979, p. 37) ne se limite pas à un exercice statistique.

Faisons ici de nouveau référence à l’approche hédonique pour constater que la méthode des points de comparaison tend à simultanément influencer les offreurs et les demandeurs. Lorsque les participants au marché sont influencés par des points de comparaison, c’est en fait, en terminologie hédonique, les fonctions d’enchère et d’acceptation qui sont influencées. Illustrons ce propos en observant que l’existence d’une autocorrélation spatiale de comparaison est susceptible de conduire à l’identification de « sous-marchés ». Ainsi, dans son analyse du marché des logements à Cardiff, S. Orford (1999, p. 194) établit un parallélisme entre le phénomène de l’autocorrélation spatiale de comparaison et la segmentation de la ville en différents sous-marchés. A la suite d’une modélisation hédonique, il observe, en effet, que la variabilité des résidus au sein des 26 districts de la ville est moins importante que la variabilité des résidus entre districts différents. Selon Orford, cet élément s’explique par le fait que les agences immobilières font référence aux données du district au sein duquel les biens sont localisés pour définir le prix d’offre sur les annonces. Il découle de cette pratique que ces intermédiaires entre offreurs et demandeurs tendent à spatialement structurer les mécanismes d’échanges.

Afin de prévenir l’autocorrélation spatiale de comparaison, il est nécessaire d’élaborer des modèles qui soient spatialement autorégressifs dans leur structure. Rappelons que par modèle spatialement autorégressif, nous entendons une régression qui inclut une variable explicative autorégressive, c’est-à-dire une variable qui, en chaque unité d’observation, dépend des valeurs prises ailleurs par la variable dépendante. Ce sont précisément des modèles autorégressifs qui ont été utilisés lorsque nous avons préparé la section suivante consacrée à l’approche empirique de la structure spatiale des marchés fonciers.

2. APPROCHE EMPIRIQUE DE LA STRUCTURE SPATIALE DES

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