• Aucun résultat trouvé

Une différenciation limitée lors de l’application des peines

Dans le document La place de la victime dans le procès pénal (Page 137-145)

B/ Un droit différencié en fonction de la qualité de la victime

2/ Une différenciation limitée lors de l’application des peines

239. Le législateur utilise tantôt le terme victime, puis l’expression partie civile ou encore

les deux en même temps dans la rédaction des dispositions instaurant le droit de la victime à être informée tout au long de la phase de l’exécution des peines. Ces distinctions sont toujours

1 Circulaire du 14 mai 2004 « de présentation des dispositions de procédure pénale immédiatement applicables

de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité », Crim.

2004-04 E8, JUSD0430092C, n°1.2.1°.

2 Rapport de l’Assemblée nationale, n°856, sur le projet de loi (N° 784), portant « adaptation de la justice aux

évolutions de la criminalité », chap. II, p.10.

! "$M!

présentes que ce soit par rapport à l’obligation d’informer la victime quant à son droit à être indemnisée (a) ou encore quant aux modalités d’exécution de la peine du condamné (b).

a/ L’information de la partie civile en rapport avec son droit à être indemnisée

240. Selon l’article 706-15 du Code de procédure pénale, lorsqu’une juridiction condamne

l’auteur d’une infraction susceptible d’être indemnisée par la C.I.V.I, elle doit informer la victime partie civile de la possibilité de saisir cette commission. Afin de déterminer si celle-ci doit ou non bénéficier de cette information, le juge est tenu de prendre en compte d’une part, la seule nature de l’infraction en cause et, d’autre part, la durée de l’incapacité de travail s’agissant des infractions d’atteintes à la personne. Il ne doit pas rechercher si la victime remplit ou non les conditions relatives à sa situation personnelle, cette vérification se fera devant la commission mais non au stade du jugement1. Cette information est d’un grand intérêt puisque le délai de saisine de la commission ne courra qu’à compter de la notification de cet avis2. La circulaire du 14 mai 2001 précise les modalités suivant lesquelles cette information devra être délivrée. Lorsque la partie civile est présente à l’audience, cette information pourra être donnée verbalement par le président de la juridiction de jugement. De plus, le jugement ou l’arrêt civil de la cour d’assises devra mentionner que cette information a été communiquée, il pourra ainsi comporter la mention suivante : “ le Président informe la

partie civile de son droit de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions ”.

La circulaire prescrit aussi de remettre à la victime certains formulaires l’informant du déroulement de la procédure devant la C.I .V.I qu’elle soit présente ou non à l’audience.

241. Par ailleurs, un décret de 20043 a mis en place, au sein de chaque Tribunal de grande instance, des bureaux d’exécution des peines (BEX). Une des missions attribuées au BEX est de renseigner la victime sur le contenu de la décision de la juridiction de jugement, l’orienter vers la C.I.V.I ou le Service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions (SARVI)4. Ainsi, lorsque la partie civile est présente au moment où la condamnation est rendue, un

1 Circulaire de 14 mai 2001 « de présentation des dispositions de procédure pénale immédiatement applicables

de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 », préc, n°1.1.4

2 Art. 706-5 du CPP

3 Décret du 13 décembre 2004, n°2004-1364, JORF n° 300 du 26 décembre 2004, p. 22031

! "$O!

greffier, notamment dans le cadre d’un BEX1, pourra la recevoir, à l’issue de l’audience de jugement afin de remplir la mission ci-dessus mentionnée2.

242. De plus, un décret de 20073 vient compléter le premier en ajoutant que le greffier devra également informer la victime partie civile de sa possibilité de saisir le juge délégué aux victimes (JUDEVI)4. Ce dernier est chargé en vertu de l’article D. 47-6-12, de vérifier les conditions dans lesquelles la partie civile est informée de ses droits en vertu de l’audience. Le décret ne fait pas de distinction entre les différents contenus de l’information à délivrer. Il s’agit de l’information de tous ses droits s’agissant de l’audience. Le JUDEVI va donc intervenir pour vérifier celle relative à son droit d’être indemnisé mais aussi celle en rapport avec les modalités d’application de la peine.

243. Enfin, si le procureur de la République amène à exécution une peine

d’emprisonnement dans les cas prévus par l’article D. 49-71 du Code de procédure pénale et que le détenu a été condamné à verser des dommages et intérêts à la victime qui s’est constituée parte civile, celle-ci peut être avisée de « sa possibilité de demander le versement

des sommes susceptibles de figurer dans le compte nominatif du détenu et affectées à l'indemnisation des parties civiles »5.

244. Ainsi, on observe que lors de cette phase, seule la victime partie civile bénéficie des

informations en rapport avec l’obtention de son indemnisation et la procédure à suivre à cette fin. En réalité, ceci est cohérent, lorsque la victime réclame l’indemnisation de son préjudice devant la juridiction répressive, on l’a vu6, cette demande équivaut à une constitution de partie civile. Finalement, la juridiction répressive, ne condamnera l’auteur à des dommages et intérêts que si la victime a la qualité de partie civile. Il est donc normal que l’information relative aux modalités de recouvrement de l’indemnisation ne bénéficie qu’à la victime partie civile à ce stade. En effet, les victimes qui n’ont présenté aucune demande d’indemnisation et qui désirent l’obtenir en marge du procès pénal ont déjà été informées de cette possibilité au

1 Art. D. 48-3 CPP ; Décret du 13 décembre 2004, n°2004-1364, préc., Art. 24

2 D. 48-4 CPP ; décret, ibid. note préc

3 Décret n°2007-1605, du 13 novembre 2007, instituant le juge délégué aux victimes, JORF n°265 du 15 novembre 2007 ; art. D. 48-3 al. Dernier CPP

4 Cf. infra n° 491 et s.

5 Art. D. 49-71 du CPP

! "$Q!

stade de l’enquête1.

Par contre, concernant les modalités d’exécution des peines autres que celles relatives à l’indemnisation de la victime, le raisonnement du législateur est différent.

b/ L’information de la victime quant aux modalités d’exécution de la peine du condamné

245. La loi du 15 août 20142 a modifié l’article 707 du Code de procédure pénale relatif à l’individualisation des peines et y a introduit le droit pour la victime « d'être informée, si elle

le souhaite, de la fin de l'exécution d'une peine privative de liberté, dans les cas et conditions prévus » dans le Code de procédure pénale. En réalité, cet article de loi est général et vise la

victime sans condition de statut.

246. Avant de lister le contenu du droit de l’information de la victime quant aux modalités

d’exécution de la peine, il est important de préciser que la victime bénéficie à ce stade de la procédure d’un droit de « non-information »3. En effet, la victime qu’elle soit constituée partie

civile ou non, peut communiquer à tout moment au parquet de la juridiction qui a prononcé une peine privative de liberté, son souhait de ne pas être avisée des modalités d’exécution de la peine ou de la libération du condamné4. De même, lorsque l’auteur de l’infraction est condamné à une peine privative de liberté et que son incarcération n’est pas immédiate, la victime peut demander de ne pas être informée lors de la mise à exécution de la peine5. Le législateur a en effet, prévu le droit de la victime de renoncer à son droit à être informée sur les modalités d’exécution de la peine afin de consacrer son droit à l’oubli, « afin de prévenir

les effets psychologiques néfastes provoqués par la connaissance de la désincarcération de

1 Cf. supra n° 212 et n° 213

2 Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des

sanctions pénales, JORF n° 0189 du 17 août 2014, p.13647

3 Expression utilisée par G. ROYER, in « La victime et la peine », D. 2007, p. 1745 ; cf. à ce sujet, M. MAYEL, « La place de la victime dans le procès pénal », mémoire de Master II, Paris II Panthéon-Assas, septembre 2010, p.44 et s.; M. GIACOPELLI, « Réforme du droit de l’application des peines », D. 2004, p. 2589

4 Art. D. 49-72 CPP ; décret du 27 octobre 2010, n° 2010-1277, JORF n° 0251 du 28 octobre 2010, Art. 8.

5 Art. D. 49-73 du CPP ; l’article D. 49-71 prévoit en effet, que « le procureur de la République ou le procureur

général, lorsqu'il ramène à exécution une peine d'emprisonnement dans le cas prévu par les deuxième et troisième alinéas de l'article 723-15-2 et par l'article 723-16, peut en informer la victime, sauf s'il a été fait application des dispositions des articles D. 49-72 ou D. 49-73 ».

! "AT!

l'auteur de l'infraction »1. En réalité, le droit à ne pas être informé du déroulement de la procédure avait été imposé par le Conseil de l’Europe dans une décision-cadre du 15 mars 20012. Le texte aborde l’information concernant le déroulement de toute la procédure, à partir des suites données à la plainte de la victime jusqu’à la décision de libération définitive du condamné en cas d’incarcération. Toutefois, en France, le législateur n’a prévu le droit de la victime de choisir de ne pas être informée que pour la phase d’application des peines. Or, il serait intéressant de l’envisager à d’autres stades du procès pénal car il est évident qu’en fonction de la personnalité de la victime, de ses attentes, du but de son intervention au sein du procès pénal, le droit à l’oubli peut être accordé bien avant le prononcé de la peine3.

247. Par ailleurs, concernant l’information délivrée pendant cette phase du procès entendu

au sens large, les deux dispositions principales se retrouvent aux articles 712-16-1 et 712-16-2 du Code de procédure pénale. Celle-ci va s’articuler autour de la décision de cessation temporaire ou définitive de l’incarcération de la personne condamnée à une peine privative de liberté. Le régime juridique qui va s’appliquer en amont ou en aval de cette décision n’est pas identique4. En effet, avant toute décision visant à la cessation temporaire ou définitive de l’incarcération de l’auteur de l’infraction avant la date d’échéance de la peine privative de liberté, si les juridictions de l’application des peines « l’estiment opportun », elles « peuvent » informer la victime ou la partie civile qu’elle a la possibilité de présenter des observations par écrit dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette information5. Peut-on réellement parler de droit lorsque la mise en œuvre de celui-ci est laissée à la discrétion du juge ? En réalité, cette information est une simple faculté, le verbe pouvoir en témoigne. De plus, le juge l’accorde à la victime s’il l’estime opportun ; la référence à ce droit en terme d’opportunité « constitue la marque légistique du pouvoir discrétionnaire du juge »6. Selon le

Professeur Guillaume ROYER, cette règle confirmerait l’esprit de l’article 712-16 du Code de procédure pénale qui offre au juge de l’application des peines la possibilité de procéder à toute mesure « permettant de rendre une décision d’individualisation de la peine ou de

s’assurer qu’un condamné respecte les obligations qui lui incombent suite à une telle

1 G. ROYER, « La victime et la peine », préc. p. 1745 et s.

2 Décision-cadre du Conseil du 15 mars 2001 relative « au statut des victimes dans le cadre de procédures

pénales » n°2001/220/JAI, Art. 4.4, J.O n° L.082 du 22 mars 2001

3 Cf. infra n° 915

4 Cf. à ce sujet, G. ROYER, « La victime et la peine », préc.

5 Art. 712-16-1 CPP

! "A"!

décision »1. C’est même la jurisprudence qui ferait prospérer l’idée contenue dans l’article

712-16 du Code de procédure pénale2. Monsieur ROYER est donc convaincu que « la victime

n’est informée en amont de la décision que si elle est susceptible d’éclairer l’office du juge »

et que la victime est ainsi « mise au service de la justice » et non comme on risque de le croire, placée en tant que « protagoniste au centre de la justice »3. Il est logique de penser que

la juridiction d’application des peines n’informera la victime de cette possibilité que si elle suppose que celle-ci sera en mesure d’orienter sa décision en fonction des commentaires recueillis. Toutefois, il faut bien garder à l’esprit que lorsque la victime est invitée à se prononcer, le juge est bien conscient que les observations qu’elle tendra à formuler seront celles relatives à sa sécurité, à sa crainte de nouvelles représailles par l’auteur de l’infraction. En cas de réel danger, elle pourra alors présenter au juge les preuves se rapportant aux éventuelles pressions ou menaces démontrant le risque qu’elle encourt en cas de mise en liberté. La victime est donc probablement mise au service de la justice mais au bénéfice de sa propre protection.

248. Cependant, le raisonnement parait différent à première abord s’agissant de

l’obligation d’information postérieure à la décision d’aménagement de la peine puisque c’est dans la rédaction même de la loi qu’apparaît la distinction. En effet, dans l’article 712-16-2 du Code de procédure pénale 4, le législateur parait imposer à la juridiction ayant prononcé une décision entrainant la cessation de l’incarcération assortie d’une interdiction de rencontrer la victime, une obligation d’en aviser la victime ou la partie civile. Toutefois, elle peut en être dispensée lorsque la personnalité de la victime le justifie ou lorsque celle-ci s’y est opposée antérieurement. Encore une fois, le législateur laisse une grande marge de manœuvre au juge pour décider s’il doit informer ou non la victime puisque la notion de « personnalité » reste très abstraite.

249. Enfin, pour les demandes de libération conditionnelle concernant les personnes

condamnées à une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans ou égale à une

1 Art. 712-16 CPP

2 Ord. JAP, TGI Sables-d'Olonne 17 mars 2005, n° 200500005905, cité par G. ROYER, « La victime et la peine », préc.

3 G. ROYER, « La victime et la peine », préc., p. 1745 et s. ; cf. aussi en ce sens, M. HERZOG-EVANS, Droit

de l'application des peines, Paris :Dalloz, Dalloz Action, 2005, 2e éd., n° 252 à 262

4 Al. 2 : « La juridiction adresse à la victime un avis l'informant de cette interdiction ». Le verbe pouvoir n’est plus employé, l’avis apparaît donc comme une obligation positive imposée à la juridiction.

! "A#!

peine de réclusion criminelle, lorsque l’avocat de la partie civile a fait connaître qu’il souhaitait assister au débat contradictoire devant la juridiction d’application des peines, l’article D. 49-74 du Code de procédure pénale oblige celle-ci à l’informer de la date d’audience au plus tard dix jours avant la date du débat.

250. Nonobstant ce dernier cas, on remarque que l’information délivrée à la victime en

rapport avec les modalités d’exécution de la peine autre que la condamnation de l’auteur à lui verser une indemnisation du préjudice qu’il a occasionné à son encontre va bénéficier en général à toute victime qu’elle soit constituée partie civile ou non. Là aussi, le raisonnement du législateur est cohérent puisque les droits dont la victime est avisée à ce stade participent à sa sécurité, il est donc normal que la loi accorde cette information à toute victime sans distinction de statut.

251. Ainsi, après l’énumération qui a précédé, on observe bien que la victime est informée

de ses droits et des modalités d’exécution de ceux-ci dès le début du procès jusqu’à son achèvement total. Bien entendu, il apparaît à travers le développement précédent, que ce devoir est attribué en force au juge d’instruction, durant le déroulement de la phase dont il est en charge, au bénéfice de la seule victime qui s’est constituée partie civile. L’étendue de l’information délivrée à la victime varie en fonction de ses droits. Seule la victime devenue partie au procès bénéficie de droits importants pendant la phase de l’instruction qui concentre l’essentiel de la recherche de la vérité au cours du procès pénal. Toutefois, l’information de la victime en amont et en aval du déroulement de l’instruction a été jugée nécessaire afin d’améliorer la situation de celle-ci. Il s’agit d’une sorte d’accompagnement de la victime désorientée du fait de la commission de l’infraction à son encontre. En outre, la notification des prérogatives de la victime est surtout jugée nécessaire puisque la mise en œuvre de ses droits va concourir à la recherche de la vérité. En effet, la victime qui s’est constituée partie civile va pouvoir intervenir dans la procédure et influer de la sorte sur la manifestation de la vérité.

! "A$!

§II/ Un véritable pouvoir d’intervention participant à la

recherche de la vérité

252. Le système juridique français, semi-accusatoire, semi-inquisitoire, va donner toute sa

place à la victime pour la participation à la recherche de la vérité. Cependant, il faut être vigilant car « recherche de la vérité » ne signifie pas forcément « manifestation de la vérité ». En participant à l’investigation, la partie lésée va essayer de démontrer sa vérité. C’est pourquoi le système inquisitoire vient atténuer les risques de confusion de la vérité absolue avec celle prétendue par les parties. Toutefois, on ne peut pas nier l’apport de la contribution des parties à la recherche de la vérité puisqu’elles sont en principe plus proches des faits réels ayant constitués l’infraction. La victime possède de ce fait un véritable droit de contestation au sein de la procédure (A) et peut produire en justice les preuves qu’elle a collectées (B).

A/ Un droit de contestation

1

au sein de la procédure

253. En principe, c’est le juge d’instruction qui est investi du pouvoir d’investigation en

vue de la manifestation de la vérité2 mais dans « le souci d’accroître l’efficacité de la

procédure en donnant au juge d’instruction un aiguillon supplémentaire à son action »3, la

partie civile, au même titre que la personne mise en cause, va pouvoir lui demander de procéder à certains actes poursuivant la même finalité (1). La loi lui a par ailleurs, octroyé un droit de regard sur la procédure (2) lui permettant de remettre en cause certains de ses aspects qui pourraient nuire à la manifestation de la vérité.

1 Ph. BONFILS, « Partie civile », Rép. pén. préc., n°188

2 Cf. Titre troisième du CPP, spéc. Art. 81 CPP

! "AA!

Dans le document La place de la victime dans le procès pénal (Page 137-145)

Outline

Documents relatifs