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B/ Les caractères du dommage exigé pour introduire l’action civile devant les juridictions pénales

93. Ces caractères ont été dégagés par la jurisprudence sur le fondement de l’article 2 du

Code de procédure pénale. Les juges vont rechercher d’un côté, si le dommage invoqué est actuel et certain (1), et d’autre part, s’il présente les caractères d’un dommage direct et personnel (2) tel qu’il est exigé par la loi.

1/ L’exigence d’un dommage actuel et certain

94. Pour intenter une action civile au titre de l’article 2 du Code de procédure pénale, la

jurisprudence a édicté la règle selon laquelle, la victime doit avoir subi un préjudice actuel et certain1.

Tout préjudice présentant un caractère simplement éventuel ou purement hypothétique est donc totalement exclu2. Cela étant, la jurisprudence a fait preuve d’une grande souplesse dans l’interprétation de cette règle et a élargi les cas de recevabilité de certaines actions présentant au magistrat un préjudice simplement probable3.

Pour être reçue, l’action civile de la victime portée devant les juridictions pénales doit en outre, exposer un dommage ayant été causé directement par l’infraction dénoncée et ayant atteint personnellement le demandeur.

2/ L’exigence d’un dommage personnel et direct

95. Pour que le préjudice invoqué par la victime soit réparé, il faut qu’il présente une

causalité directe avec l’infraction commise, il faudra donc opter pour l’une des théories de

1 Cf. par exemple, crim. 23 juillet 1974, Bull crim n° 263 ; crim 13 juin 1978, D. 1979, IR, p. 9

2 Cf. crim. 26 juin 1973, Bull crim. n° 299 ; crim. 23 mai 1977, Bull crim. n°182

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causalité qui existent1 à savoir la théorie de la causalité adéquate ou celle de l’équivalence des conditions qui apparaît comme celle privilégié par le juge pénal2.

96. Selon Michel DANTI-JUAN3, les juges relèveraient trois sortes de causalités ne présentant pas le caractère direct exigé par l’article 2 du Code de procédure pénale. Le premier cas concerne la situation ou le lien de causalité est « douteux, voire inexistant »4, il

donne ainsi l’exemple du fils qui s’est suicidé avec une arme à feu volée par le prévenu qui l’avait remis à ce dernier. Le préjudice subit par la mère en raison du décès de son fils a été considéré comme ayant un lien indirect avec le vol commis5.

Ensuite, il distingue le cas où le préjudice n’est pas occasionné par l’infraction elle-même mais existe en raison de l’exécution d’une obligation contractuelle. L’exemple le plus courant est celui de l’assureur de la victime qui désire recouvrir l’indemnité qu’il a versée à cette dernière en réparant le dommage qu’elle a subi en raison d’une infraction causée à son encontre6.

Enfin, Michel DANTI-JUAN relève l’hypothèse qui se rapproche de la précédente mais dans laquelle cette fois-ci la cause directe du préjudice réside dans l’exécution d’une obligation légale7. Il s’agit par exemple de la dépense acquittée par l’héritier en raison de l’obligation légale concernant le versement des droits de mutation après décès8 ou encore celle relative à l’acquittement de la charge de la rente qui servait son ayant cause à titre de prestation compensatoire9.

1 Ph. CONTE, P. MAISTRE DU CHAMBON, Procédure pénale, préc., n°196 ; C. AMBROISE-CASTEROT, « Action civile », Rép. pén. 2002, n°123

2 G. VINEY ET P. JOURDAIN, Traité de droit civil, les conditions de responsabilité, Paris : LGDJ, Traités, 1998, 2e éd., n°333 et s.; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations, T.2 : le fait juridique, Paris : Armand Colin, U Droit, 2001, 9ème éd., n° 156 et s.; cités par C. AMBROISE-CASTEROT, cité note préc.

3 M. DANTI-JUAN, « Action civile », préc., note 49 et s.

4 Ibid. note 49

5 Crim. 25 octobre 2005, Bull. Crim. n°262

6 Exemple cité par M. DANTI-JUAN, « Action civile », préc. , note 50 ; par C. AMBROISE-CASTEROT, « Action civile », préc., note 126 ; Crim. 26 décembre 1961, Bull. Crim. n°552 ; Crim. 8 avril 1986, Bull. Crim. n°116 ; Crim. 26 mars 1990, Bull. Crim. 130

7 M. DANTI-JUAN, « Action civile », préc., note 51

8 Crim. 28 février 1996, Bull. Crim. n° 97

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97. Ainsi, le préjudice subi par la victime doit satisfaire à cette condition de causalité

directe mais il faut souligner d’un côté, pour caractériser le lien de causalité, certaines décisions font preuves de divergences inexplicables1 mais aussi ce lien peut être perçu différemment selon que l’action est introduite devant la juridiction civile ou plutôt devant le juge pénal qui se montre plus sévère2.

98. En outre, les juges vérifient de même si le préjudice invoqué correspond à un ou

plusieurs dommage(s) souffert(s) personnellement par le demandeur. Ce caractère est aussi exigé sur le fondement de l’article 2 du CPP. Cela signifie simplement que la victime a le droit à la réparation du dommage qu’elle a elle-même subi dans son intégrité physique, patrimoniale ou même psychologique3. Telle est la définition du dommage personnel en procédure civile mais, en droit pénal, il faut ajouter que le dommage subit par le demandeur doit être « en totale adéquation »4 avec celui subit par la société, il doit correspondre au

« résultat pénal » visé dans l’incrimination. Ainsi, le demandeur à l’action civile fondée sur la

réparation du préjudice d’autrui est irrecevable5.

99. De même, pour refuser l’accès du demandeur au prétoire pénal, la jurisprudence a

élaboré la théorie dite des « infractions d’intérêt général ». Selon cette dernière, il existe des infractions dont le résultat ne peut causer de préjudice à un individu mais les dommages qui en résultent atteignent la société toute entière, dans son ensemble. Cela concerne par exemple le crime de faux en écriture6 ou encore le délit d’outrage aux bonnes mœurs7. Cette théorie a tout de même été fortement critiquée et par la suite assouplie par la jurisprudence8.

1 Pour plus de détail, cf. M.-L. RASSAT, Procédure pénale, Paris : Ellipses Marketing, Universités droit, 2010, note 191

2 Cf. C. AMBROISE-CASTEROT, « action civile », préc., note 124

3 Cf. infra n° 463

4 Ph. CONTE ET P. MAISTRE DU CHAMBON, Procédure pénale, préc., n°198

5 Cf. pour quelques exemples : concernant l’action civile fondée sur l’article 1166 C. civ. relatif à l’action oblique et exercée devant la juridiction pénale : Crim. 19 janvier 1964, Bull. Crim n° 16, D. 1964, p. 194 ; concernant l’utilisation frauduleuse de la carte bancaire d’une personne décédée : la veuve n’est pas admise à faire état d’un préjudice subit personnellement devant les juridictions pénales: Crim. 30 janvier 1992, Bull. Crim. n°44

6 Crim 5 décembre 1973, Gaz. Pal. 1974, 1, p. 129

7 Crim. 25 juillet 1913, DP 1915, p. 150, note A. NAST

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100. Enfin, si toutes les conditions exposées dans cette partie sont réunies, la victime aura

donc le choix de porter indifféremment son action devant les juridictions civiles ou pénales. Cela étant, ce choix n’est pas totalement discrétionnaire, il apparaît limité dans certaines situations.

§2/ L’encadrement du droit d’option de la victime

101. Nous avons déjà exposé les conditions exigées afin de pouvoir bénéficier de l’option

offerte à la victime pour intenter une action en justice. Ainsi, en principe, si la victime fait état d’une infraction pénale punissable et d’un dommage personnel découlant directement de cette dernière, les voies pénales ou civiles sont ouvertes indifféremment à la partie lésée. Cependant, cette liberté de choix a été encadrée par le législateur et la jurisprudence. On peut distinguer deux catégories de règles entourant le droit d’option de la victime; les premières concernent les différents cas dans lesquels la voie juridictionnelle est imposée par la prohibition de l’accès à l’une ou l’autre des deux sortes de juridictions (A), les secondes tiennent aux limites résultant du choix de la voie civile (B). Il s’agit par exemple des règles relatives à l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ou encore celles entourant la maxime Electa una via, non datur recursus ad alteram1 qui implique qu’une fois une voie

choisie, on ne peut plus revenir à l’autre. Cette limitation sera imposée même si les conditions énoncées ci-dessus sont remplies.

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