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Le droit de regard de la partie civile

Dans le document La place de la victime dans le procès pénal (Page 148-152)

B/ Un droit différencié en fonction de la qualité de la victime

2/ Le droit de regard de la partie civile

265. Lorsqu’une entrave à la manifestation de la vérité risque de se présenter, la partie

civile est autorisée à remettre en question les acteurs en jeu et la procédure en générale (a). Elle peut aussi discuter la qualification des faits (b).

1 Loi préc., art. 21-I

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a/ Le droit de regard sur la procédure en général

266. Tout d’abord, en application de l’article 330 du Code de procédure pénale, devant la

cour d’assises, la partie civile peut s’opposer à l’audition d’un témoin si son nom ne lui a pas été signifié ou si la signification a été effectuée de manière irrégulière1. A ce titre, la victime joue un rôle dans la recherche de la vérité puisqu’elle peut empêcher un témoignage utile à la manifestation de la vérité.

267. Par ailleurs, elle peut aussi récuser un juge d’instruction ou même un magistrat de la

juridiction du fond. Sa requête doit préciser les moyens et toutes les justifications utiles2. La partie civile peut demander le dessaisissement du juge d’instruction au profit d’un autre juge d’instruction dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice3. Elle peut aussi dessaisir une juridiction d’instruction ou de jugement et demander le renvoi devant un autre juge du même degré pour cause de suspicion légitime4 lorsqu’elle pense qu’il existe un risque de partialité du juge en charge de l’affaire5. Ainsi, lorsqu’elle estime que la manifestation de la vérité est susceptible d’être entravée par les acteurs en jeu, elle est admise à contester leur présence au sein de la procédure et sa demande peut aboutir à exclure certains participants.

268. De plus, la partie civile a le droit de vérifier si l’instruction se déroule sans

discontinuité et ainsi, accélérer ou même mettre en mouvement la recherche de la vérité. En effet, l’article 221-2 du Code de procédure pénale lui permet de saisir la chambre de l’instruction lorsqu’un délai de quatre mois s’est écoulé depuis le dernier acte d’instruction. Celle-ci pourra activer la poursuite de l’information soit elle-même en application des articles 201, 202, 204 et 205 du Code de procédure pénale, soit en renvoyant le dossier à un juge d’instruction. Si le dossier est renvoyé au juge initialement saisi et aucun acte d’instruction n’a été accompli depuis deux mois à compter de la date de renvoi, la chambre d’instruction

1 Le président de la juridiction pourra toujours l’entendre à titre de renseignement s’il estime que la demande est fondée en vertu de son pouvoir discrétionnaire (art. 330 du CPP)

2 Art. 669 CPP

3 Art. 84 CPP

4 Art. 662 CPP

5 Pour exemple sur la notion de suspicion légitime, Crim. 3 novembre 1994, n° 94-84.753, Bull. crim. n° 352 ; Crim. 24 janvier 1996, n° 96-80.266, Bull. crim. n° 47 ; Crim. 21 août 1990, n° 90-84.352, Bull. crim. n°305 ; RSC 1991, p.375, obs. A. BRAUNSCHWEIG

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peut à nouveau être saisie dans les mêmes conditions. Toutefois, dans ce cas, si elle décide le renvoi du dossier, il doit s’effectuer à destination d’un autre juge d’instruction.

269. Enfin, la partie civile peut demander au juge d’instruction de se prononcer sur la

prescription publique en application de l’article 82-3 du Code de procédure pénale. Celui-ci doit rendre une ordonnance motivée qui est susceptible de recours devant la chambre de l’instruction1.

270. Ce droit de regard sur la procédure accordé à la victime ayant la qualité de partie au

sein du procès participe à une bonne administration de la justice et par là-même à la manifestation de la vérité dans des conditions efficientes. En effet, face à un juge impartial ou de mauvaise foi ou même seulement un juge passif, la manifestation de la vérité serait obstruée. De même, lorsqu’un crime est masqué en délit pour des questions pragmatiques, la victime pourra remettre en cause la qualification des faits.

b/ Le droit de regard sur la qualification des faits

271. La partie civile possède un droit de regard sur la qualification des faits. En effet,

lorsque des poursuites sont engagées, le parquet ou la juridiction d’instruction va parfois retenir une qualification délictuelle de l’infraction alors que les faits qui y sont relatifs constituent en réalité un crime. Il s’agit là d’une pratique juridique qui « transgresse les règles

d'ordre public régissant la compétence matérielle des juridictions répressives »2. Cette

pratique a été légalisée par la loi du 9 mars 2004 dite Perben II3. En réalité, elle a été consacrée par le législateur en raison de son utilité pratique notamment, à des fins de désengorgement des procédures devant les Cours d’assises et pour des raisons de rapidité de la procédure4. De plus, le Professeur DARSONVILLE précise dans son article consacré à la

1 Art. 186-1 du CPP ; Crim. 18 septembre 2001, n° 01-85.129, Bull. crim. n° 180, D. 2001, IR p. 3398

2 A. DARSONVILLE, « La légalisation de la correctionnalisation judiciaire », Dr. Pénal 2007, n°3, Etude 4

3 Loi du 9 mars 2004, n° 2004-204, préc., arts. 186-3 et 469 CPP combinés

4 Cf. à propos de la correctionnalisation, C. LAPLANCHE, La correctionnalisation judiciaire, Thèse

Montpellier, 1993 ; A. CHAVANNE, « La correctionnalisation », Rev. Pénit. 1956, p. 91 et s.; sur l’utilité pratique de la correctionnalisation, Ph. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Procédure pénale, Paris : Armand Colin, Colin U, 2012, 5ème éd., n° 128; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris : Dalloz, Précis, 21ème

éd., 2008, n° 556, p. 509 ; A. DARSONVILLE, « La légalisation de la correctionnalisation judiciaire », préc.; J. SEGAUD, Thèse préc., n°476 et s.; S. GUINCHARD ET J. BUISSON, Procédure pénale, préc., n° 1206; R.

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légalisation de la correctionnalisation judiciaire, que cette pratique présente aussi des avantages vis-à-vis de la situation de la victime1. En effet, elle explique que pour certaines infractions, notamment sexuelles, la correctionnalisation peut « protéger davantage la pudeur

de la victime, la publicité entourant ce type d'infractions étant moins accentuée devant les tribunaux correctionnels que devant la cour d’assises »2. De plus, elle ajoute que cette

pratique suppose l’accord implicite de toutes les parties au procès, donc celui de la partie civile. En réalité, la victime peut refuser la correctionnalisation en interjetant appel de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel lorsqu’elle estime que les faits constituent un crime et souhaite ainsi la mise en accusation du responsable devant la cour d’assises3. Le Professeur Laurence LETURMY explique quant à elle qu’une partie de la vérité est forcément dissimulée lorsque le juge procède à une correctionnalisation4. Certes lorsqu’on requalifie le crime de vol avec usage d'une arme blanche5 en délit de vol avec violences6 par exemple7, la réalité est transformée. Cependant, il faut envisager la situation comme suit : d’un côté, l’affaire est jugée rapidement par la cour d’assises, parasitée par les médias et le public, et de l’autre côté, la même affaire jugée paisiblement par le Tribunal correctionnel mais sous une autre qualification. La vérité constitue dans ces circonstances, la force de pesanteur permettant de faire vaciller la balance d’un côté ou de l’autre. Il est cohérent de penser que la manifestation de la vérité sera davantage favorisée dans le second cas. En raison des circonstances de l’affaire, la correctionnalisation va donc faciliter la manifestation de la vérité et la victime joue ainsi un grand rôle en donnant son accord tacite à cette pratique.

272. Par ailleurs, en dehors des demandes d’actes et le droit de regard accordés à la

victime en vue de participer à la manifestation de la vérité, la partie civile est autorisée à produire en justice les preuves qu’elle a collectées afin de prouver la culpabilité de la personne responsable de son préjudice.

MERLE, A. VITU, Traité de droit criminel, Paris : Cujas, Procédure pénale, Tome II, 5e éd., 2001, n° 718, p. 824

1 Art. préc.

2 Ibid.

3 Art. 186-3 du CPP.

4 L. LETURMY, La recherche de la vérité et le droit pénal, Thèse Poitiers, 1995, n° 697

5 Art. 311-8 CP

6 Art. 311-4 CP

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B/ Le droit de la partie civile de produire en justice les preuves

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