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Les justifications des restrictions entourant l’accès au dossier : le secret de l’instruction l’instruction

Dans le document La place de la victime dans le procès pénal (Page 162-165)

A/ L’accès au dossier de la procédure

2/ Les justifications des restrictions entourant l’accès au dossier : le secret de l’instruction l’instruction

298. Toute personne qui concourt à la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction

est tenue au secret en vertu de l’article 11 du CPP, « sauf dans les cas où la loi en dispose

autrement et sans préjudice des droits de la défense ». Quelle est la valeur de la règle du

secret ? Qu’en est-il de la nécessité de respecter les droits de la défense de la partie civile ?

« Le secret n’est pas une fin en soi, il se porte garant d’autres valeurs »3. Le secret tend à

la protection des intérêts privés et participe à la manifestation de la vérité4. En réalité, intérêts privés et manifestation de la vérité sont étroitement liés. Si l’on craint que la recherche de la

1 Circulaire du 3 août 2001 relatif à la délivrance des copies des pièces pénales, n° SJ 2001-05 B3/03-08-2001, B.O n° 83

2 Loi n°2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, art. 18, préc.

3 J.-P. DARTIGUELONGUE, Le secret dans les relations juridiques, Thèse, Bordeaux, 1968, n°11, p. 20

4 Cf. sur la protection de la présomption d’innocence de la personne mise en cause par le secret de l’instruction, V. VALETTE, La personne mise en cause, Thèse Bordeaux IV, 2001, n° 106, p. 88 ; J.-M. CARBASSE, « Secret et justice, les fondements historiques du secret de l’instruction », in Clés pour le siècle, Paris : Dalloz, collectif, 2000, p. 1243 et s.

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vérité soit compromise, c’est tout d’abord en vue d’une bonne administration de la justice et la sauvegarde de l’ordre public, mais aussi, dans l’optique d’éviter qu’une erreur judiciaire soit préjudiciable à la victime ou à la personne qui a été mis en cause lors de la procédure en question1. La non divulgation des éléments de la procédure permet aussi de sauvegarder le principe de présomption d’innocence. De plus, ce secret participe à la sécurité de toutes les personnes impliquées dans la procédure qu’elles soient de simples témoins ou même parfois parties en évitant d’éventuelles pressions ou intimidations qui nuiraient à la recherche de la vérité.

299. Le secret de l’enquête et de l’instruction est donc imposé afin de garantir les valeurs

sociales supra-mentionnées. Cependant, l’article 11 du CPP qui impose ce devoir, limite cette obligation aux personnes qui « concourent » à la procédure. Peut-on considérer que la partie civile doit être observée comme collaborant à la procédure ? Le verbe « concourir » signifie « collaborer, coopérer, participer » et « tendre à un but commun »2. Cependant, les professeurs Jean PRADEL et André VARINARD expliquent que « concourir à

l’instruction » signifie « participer à l’instruction de manière objective, dans le sens de l’intérêt général »3. Ainsi, la partie civile ne serait pas astreinte au secret pendant

l’instruction. C’est cette solution qui a été retenue par la chambre criminelle dans un arrêt du 9 octobre 19784. Au vu du même raisonnement, l’avocat de la partie civile ne concourt pas à la procédure, il n’est pas astreint au secret tel qu’il est imposé par l’article 11 du CPP. Cependant, il reste tenu au secret professionnel en vertu des articles 226-13 du CPP et 160 du décret du 27 novembre 1991 sur la profession d’avocat5. La protection de la procédure est-elle assurée lorsque le dossier pénal est communiqué par l’avocat à la partie civile ? En effet, préalablement à la loi du 27 mai 20146, avant la transmission des pièces en question, l’avocat devait établir par écrit qu’il a pris connaissance des dispositions de l’article 114-1 du CPP. En réalité, le 6ème alinéa l’article 114 du CPP prévoit que la partie civile ne peut communiquer au tiers que les rapports d’expertise. Par contre, en application de l’article 114-1 du CPP, la

1 Cas d’une condamnation d’une personne innocente par exemple, cf. affaire d’Outreau ; cas aussi d’un acquittement d’une personne coupable qui priverait la victime de la réparation de son préjudice.

2 J. RE-DEBOVE, A. REY, Le petit Robert, Paris : Nouvelle édition, Millésime, 2013, p. 499

3 J. PRADEL et A. VARINARD, « Les grands arrêts de la procédure pénale », préc., p. 286

4 Arrêt Julan, Crim. 9 octobre 1979, n° 76-92.075, Bull. crim. n° 263 ; RSC 1979 p. 560, Obs. G. LEVASSEUR ; Ibid, p. 821, Obs. J. LARGUIER ; cf. aussi Ibid. note précédente

5 Cf. crim. 28 octobre 2008, n° 08-81.432, Bull. crim. n° 215 ; D.2009, p. 2243, Obs. J. PRADEL ; AJ Pénal 2009, p. 26, obs. C. PORTERON

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communication de tout autre acte reproduit et transmis à l’avocat ou à la partie civile était punie de 3750 euros d'amende1. La protection du secret était ainsi assurée sous l’ancienne rédaction de l’article 114 du Code de procédure pénale. Aujourd’hui, cette protection est renforcée puisque la partie civile doit fournir une attestation à son avocat préalablement à la transmission des pièces du dossier précisant qu’elle a pris connaissance de telles dispositions. L’amende sanctionnant l’inobservation des dispositions interdisant la transmission des pièces du dossier à des tiers a été portée 10 000 euros2.

300. Qu’en est-il lorsque la partie civile prend connaissance des documents

personnellement ? Avant la loi du 27 mai 2014, la communication directe de certaines pièces essentielles à la défense de la partie civile était défendue au nom de la protection du secret. En effet, il n’existait pas de texte réprimant la divulgation par la partie civile des pièces du dossier qui seraient obtenues sans l’intermédiaire de son avocat, celle-ci n’était donc pas admise à en prendre connaissance directement3. Depuis la modification de l’alinéa 4 de l’article 114 du Code de procédure pénale, la victime, partie au procès peut directement se faire délivrer tout ou partie des pièces du dossier sous condition d’attester qu’elle a pris connaissance des dispositions de l’article 114-1 du Code de procédure pénale. La victime est donc directement astreinte au secret et les valeurs sociales protégées par ce principe sont ainsi sauvegardées. Cette modification est bienvenue car elle permet de rétablir une égalité relativement au respect des droits de la défense à l’égard de la victime ayant décidé de recourir à un conseil et celle qui a préféré se défendre seul. De même, pour respecter le principe du contradictoire, il est nécessaire que la victime, devenue partie, puisse connaître les éléments du dossier4. Or, aucune communication du dossier pénal n’apparaît au stade de l’enquête. De même, lors de l’instruction lorsque la qualité de partie civile de la victime est contestée5 celle-ci ne pourra pas prendre connaissance des pièces du dossier. En réalité, en cas de contestation relative à la qualité de partie civile de la victime, son avocat pourra consulter

1 Avant la modification de cette disposition par la loi du 27 mai 2014 préc., art. 7

2 Modification de cette disposition par la loi du 27 mai 2014 préc., art. 7

3 Hors le cas des rapports d’expertises, mais ces documents ne sont pas soumis à la protection du secret puisqu’ils peuvent être communiqués à des tiers pour les besoins de la défense ; Art. 114 Al. 6 CPP

4 En ce sens, J. BELOT et W. JEANDIDIER, Les grandes décisions de la jurisprudence, procédure pénale, Paris : PUF, Thémis, 1986, p. 185

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le dossier1, mais la transmission des pièces contenues dans celui-ci à son client, ne pourra se faire qu’avec l’autorisation du juge d’instruction2.

301. Ainsi, les restrictions exposées se justifient par la règle du secret de l’instruction.

Toutefois, il faut noter que depuis la loi du 27 mai 20143, celles-ci deviennent très limitées. la victime dès lors qu’elle s’est constituée partie civile, qu’elle soit assistée ou non d’un conseil pourra connaître le contenu du dossier de la procédure pendant la phase de l’instruction sous certaines conditions. Ensuite, devant les juridictions de fond, comme le secret de la procédure est levé, certaines pièces du dossier lui seront délivrées sans restriction et sans l’intermédiaire de l’avocat. Elle pourra ainsi intervenir en connaissance de cause.

Il est cependant regrettable que la partie civile se trouve empêchée d’intervenir efficacement en raison du refus de son accès au contenu du dossier de la procédure pendant la pendant la phase de l’enquête4. Cela étant, la victime va pouvoir participer au débat contradictoire tout au long de la procédure.

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