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A/ La prescription de la voie à suivre par la loi

102. Dans certains cas, la victime sera dépourvue de son option procédurale car la loi va

l’obliger à intenter son action devant la juridiction civile (1) ou au contraire lui imposer le recours au juge pénal (2).

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1/ L’interdiction de porter l’action civile devant le juge pénal

103. Il existe plusieurs situations dans lesquelles la victime ne pourra pas porter son

action devant les juridictions pénales. Tout d’abord, le législateur prohibe toute constitution de partie civile devant certaines juridictions qui, par leur nature, sont incompétentes pour se prononcer sur l’action civile. Ainsi, la victime est contrainte de porter son action devant le juge civil lorsque l’affaire relève de la Cour de justice de la République1. Comme le précise l’article 13 de la loi organique du 23 novembre 1993, la constitution de partie civile ainsi que l’action en réparation des dommages résultant de ces infractions relèvent des juridictions de droit commun2. Il en est de même devant la Haute Cour compétente pour juger le président de la République3. Selon l’article 27 de l’ordonnance du 2 janvier 19594, « la constitution de

partie civile n'est pas recevable devant la Haute Cour. Les actions en réparation de dommages ayant résulté de crimes et délits poursuivis devant la Haute Cour ne peuvent être portées que devant les juridictions de droit commun ». De manière analogue, la voie pénale

est fermée à la victime devant les tribunaux maritimes commerciaux5.

104. Par ailleurs, « l'action civile en réparation du dommage causé par l'une des

infractions qui sont de la compétence des juridictions des forces armées en temps de guerre appartient à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. La partie lésée ne peut toutefois mettre en mouvement l'action publique »6. On

comprend par là que seule la constitution de partie civile par voie d’intervention7 est admise s’agissant d’infractions par nature militaire commise en temps de guerre.

105. Enfin, on rencontre une troisième situation dans laquelle les juges peuvent recevoir

l’action civile de la victime mais n’ont pas compétence pour statuer sur une demande de

1 L’article 68-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 édicte la compétence exclusive de la Cour de justice de la République pour juger les membres du gouvernement pour « les actes accomplis dans l’exercice de leurs

fonctions et qualifiés de crimes où délits au moment où ils ont été commis ».

2 Loi du 23 novembre 1993 n° 93-1252 sur la Cour de Justice de la République JORF du 24 novembre 1993, p. 16168 ; cf. aussi pour l’application de cette règle par la Cour de cassation, Cass. ass., plén., 21 juin 1999, n°99-81.927, Bull. crim. n°139, JCP 2000, I, p. 241, obs. G.VINEY

3 Art. 67 et 68 de la Constitution du 4 octobre 1958

4 Ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute Cour de justice, JORF du 3 janvier 1959, p. 179

5 Art. 92 C. discipl. et pén.

6 Art L. 212-34 CJM

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réparation. La victime peut donc participer au procès pénal mais devra par la suite saisir une juridiction civile ou administrative afin d’être indemnisée pour le dommage qu’elle a subi. Il s’agit par exemple du cas des délits commis par un agent d’administration lorsque la faute à l’origine de l’infraction est constitutive d’une faute de service, ou encore les cas des demandes d’indemnisation des dommages provoqués par un accident de transport, un accident nucléaire, ou un accident de travail1.

106. Ainsi, dans les hypothèses exposées ci-dessus, la voie pénale sera fermée à la victime

et elle devra porter son action devant le juge civil, il existe cependant la situation inverse dans laquelle les juridictions pénales sont non seulement ouvertes à la victime mais elles sont surtout imposées à celle-ci. C’est la voie civile qui est dans ce cas prohibée.

2/ L’interdiction de porter l’action civile devant le juge civil

107. Il existe des cas de figures dans lesquelles la victime est obligée de porter son action

devant le juge pénal.

Deux hypothèses se présentent en l’espèce. La première concerne certaines infractions de diffamations régies par la loi du 29 juillet 1981 relative à la liberté de la presse. En effet, selon l’article 46 de cette loi, « l'action civile résultant des délits de diffamation prévus et punis par

les articles 30 et 31 ne pourra, sauf dans les cas de décès de l'auteur du fait incriminé ou d'amnistie, être poursuivie séparément de l'action publique »2. Ce dernier procède donc à un

renvoi aux articles 30 et 31 de la loi sur la liberté de la presse qui dressent quant à eux, la liste des délits pour lesquelles la victime ne pourra pas porter son action devant une juridiction d’une nature autre que pénale. Il s’agit des diffamations commises envers les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l'air, les corps constitués et les administrations publiques3 ou encore celles perpétrées à l’encontre des membres du Ministère, des parlementaires, d’un fonctionnaire public, d’un dépositaire ou agent de l'autorité publique, d’un ministre des cultes salarié par l'Etat, d’un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat

1 Pour aller plus loin, cf. M. DANTI-JUAN, Action civile, préc. n° 92 à 95

2 Loi n°1881-07-29 du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, Bulletin Lois n° 637, p. 125

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public temporaire ou permanent, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité. Cette règle concerne aussi les diffamations commises envers un juré ou un témoin, à raison de sa déposition1.

Le second cas de figure concerne les affaires dans lesquelles la responsabilité d’un membre de l’enseignement est engagée en raison d’un dommage causé ou subi par un élève ou un étudiant qui a été confié à ce dernier. Dans pareil cas, la responsabilité de l’Etat se substitue à celle de l’enseignant, l’action sera donc dirigée contre le représentant de l'Etat dans le département et portée devant le tribunal de l'ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé2. En effet, dans cette situation, l’action intentée contre l’Etat ne peut pas être poursuivie devant les juridictions civiles, la jurisprudence admet la constitution de partie civile devant la juridiction pénale saisie, mais seulement en ce qu’elle tend à « établir la culpabilité du

prévenu », l’action en réparation poursuivie contre l’enseignant n’est quant à elle, pas

admise3.

108. Ainsi, dans ce genre de situations, la victime dans les hypothèses présentées sera

tantôt obligée de porter son action devant les instances civiles tantôt devant les juridictions pénales, la liberté de choix est donc restreinte par les différents cas de figures exposés ci-dessus. Par ailleurs, l’option offerte à la victime pour le choix de la nature de la juridiction à laquelle elle s’adresse se voit de même limitée par le principe de l’irrévocabilité du choix de la voie civile.

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