• Aucun résultat trouvé

Les justifications tendant à la suppression de l’article 575 du CPP

Dans le document La place de la victime dans le procès pénal (Page 180-183)

B/ L’élargissement du droit de recours de la partie civile par l’abrogation de l’article 575 du CPP

1/ Les justifications tendant à la suppression de l’article 575 du CPP

340. Avant de condamner cette dépendance injustifiée de la partie civile à l’égard du

ministère public concernant les pourvois qu’elle était autorisait à former auprès de la chambre d’instruction, les requérants ont suivi des fausses pistes qui n’ont pas été validées par le pouvoir judiciaire. Puis, c’est en examinant le grief de l’atteinte au principe de l’égalité devant la justice examiné à l’aune des droits de la défense que le Conseil constitutionnel a allégé le Code de procédure pénale de cette disposition.

341. Dans un premier temps, s’est posée la question de l’inégalité engendrée par

l’article 575 du CPP entre la partie civile et le ministère public et donc, celle de la compatibilité de cette disposition avec la Convention européenne des droits de l’homme concernant, d’une part, le droit à un procès équitable en vertu de l’article 6§1 de la dite

! "OT!

convention et, d’autre part, le droit pour toute personne d’un recours effectif devant une instance nationale en vertu de son article 13. Sur ce sujet, la Cour de cassation a considéré que l’article 575 du CPP n'était « pas incompatible avec les dispositions de l'article 13 de la

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales »

car la victime dispose toujours « d'un recours devant les juridictions civiles ou

administratives pour faire valoir ses droits »1. Quelques années plus tard, une nouvelle décision intervient concluant cette fois-ci à la conventionalité de cette disposition avec les exigences du procès équitable telles qu’elles découlent de l’article 6§1 de la CESDH2. Ensuite, cette solution est réaffirmée par la Cour européenne3 des droits de l’homme puis, par le Conseil d’état4. En effet, la justification retenue s’attache au caractère accessoire de l’action civile exercée devant les juridictions répressives et à la possibilité offerte à la victime de faire valoir ses droits devant le tribunal civil. Plus précisément, la CEDH a formulé sa solution dans les termes suivant : « si le ministère public ne juge pas utile de former un pourvoi contre

l’arrêt de la chambre de l’instruction attaqué, l’intérêt général ne justifie pas que la partie civile dispose également de cette faculté, à moins que la décision en cause ne nuise gravement à ses intérêts. Si la partie civile disposait d’un droit illimité à l’exercice du pourvoi en cassation (…) et alors même que le ministère public, qui représente l’accusation, aurait estimé ne pas devoir se pourvoir –, il existerait alors un risque pour l’accusé d’être exposé à des procédures dilatoires ou abusives, malgré la présomption d’innocence dont il doit bénéficier. En tout état de cause (…), la partie civile conserve toujours la possibilité d’agir devant les juridictions civiles »5.

342. Ensuite, après la mise en place de la procédure de la « question prioritaire de

constitutionnalité (QPC), le conseil constitutionnel a été saisi sur la question. Les requérants invoquaient les mêmes griefs6, le premier relatif au droit à un recours juridictionnel effectif7 et le second en rapport avec le principe de l’égalité des parties devant la justice8. Le premier grief semble avoir été rejeté sur la base de la décision du Conseil constitutionnel interdisant la

1 Crim. 30 avril 1996 n° 95-82.500, Bull. crim. n° 178

2 Crim. 23 novembre 1999, n° 99-80.794, Bull. crim. n°268

3 CEDH, 3 décembre 2002, Berger c/ France, Req. n° 48221/99, § 26, 30 à 39

4 CE 6 juillet 2007, 1ère et 6ème sous-sections réunies, Req. n° 282094

5 CEDH, Berger c/ France, préc., §26 et §35

6 DC du 23 juillet 2010, QPC, n° 2010/15-23 QPC, JO n° 0169, du 24 juillet 2010, cons. n° 3

7 Issu de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789

8 Le Conseil semble examiner cette question sur le fondement de l’article 6 de la DDHC de 1789, et celui de la garantie des droits de la défense, qui repose sur son article 16.

! "O"!

constitution de partie civile de la Cour de justice de la République1. En effet, « si le

législateur peut instituer une procédure dans laquelle il interdit la constitution de partie civile, il peut également permettre la constitution de partie civile avec certaines limites dès lors que celles-ci ne privent aucunement la partie civile de son droit d’agir devant la juridiction civile »2. De même, le principe d’égalité devant la justice examiné de manière

autonome a été éclipsé. En effet, le Conseil constitutionnel admet que le législateur puisse prévoir des règles de procédure différentes « selon les faits, les situations et les personnes

auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées »3. En l’espèce, il considère que l’inégalité opérée est justifiée puisque

« c’est dans l’exercice de l’action publique, c’est-à- dire de prérogatives qui lui sont propres, que le ministère public apprécie s’il y a lieu de former un pourvoi en cassation »4.

343. Toutefois, une seconde condition est exigée pour qu’une différence de traitement

entre les justiciables soit déclarée conforme à la Constitution. Il faudrait encore que celle-ci respecte l’équilibre des droits des parties, notamment les droits de la défense de chacune5. La garantie des droits de la défense est considérée comme une composante du principe du procès équitable, notamment à travers celui de l’égalité des justiciables.

Tout d’abord, dans sa décision du 23 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a pris le soin de rappeler les droits de la partie civile et spécialement les droits de recours dont elle dispose6, notamment la possibilité d’interjeter appel d’une décision de non-lieu. Il en déduit dès lors que : l’article 575 du CPP prive la partie civile de la possibilité de faire constater et censurer par la Cour de cassation les éventuelles violations de la loi par les décisions de la chambre de l’instruction « statuant sur la constitution d'une infraction, la qualification des

faits poursuivis et la régularité de la procédure » en l’absence du pourvoi du ministère

1 Cf. Les Cahiers du Conseil constitutionnel, « Commentaire de la décision n° 2010-15/23 QPC-23 juillet 2010,

cahier n° 30, à propos de la Décision n° 93-327 DC du 19 novembre 1993, Loi organique sur la Cour de justice de la République », cons. 12., concernant l’interdiction de la constitution de partie civile devant la Cour de

justice de la République, p. 4

2 Ibid.

3 Décision n° 2009-590, DC du 22 octobre 2009, « Loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et

artistique sur internet », JORF du 29 octobre 2009, p. 18292, Rec. p. 179, cons. 10 ; Décision DC du 23 juillet

2010, QPC, préc., considérant n°6

4 Les Cahiers du Conseil constitutionnel, Commentaire de la décision n° 2010-15/23 QPC-23 juillet 2010, cahier n° 30, p. 7

5 DC du 23 juillet 2010, QPC, n° 2010/15-23 QPC, JO n° 0169, du 24 juillet 2010, cons. n° 3

! "O#!

public. "En privant ainsi une partie de l'exercice effectif des droits qui lui sont garantis par le

Code de procédure pénale devant la juridiction d'instruction1, cette disposition apporte une restriction injustifiée aux droits de la défense ; que, par suite, l'article 575 de ce code doit être déclaré contraire à la Constitution »2.

344. Ainsi, après ce long combat des parties civiles, cette disposition a été immédiatement

abrogée. Il faut cependant souligner que beaucoup d’auteurs ont réagi à cette décision, il est donc intéressant d’étudier brièvement leurs remarques.

Dans le document La place de la victime dans le procès pénal (Page 180-183)

Outline

Documents relatifs