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A/ Conditions de fond

124. Il convient ici de rappeler que pour toute constitution de partie civile, la personne qui

entend exercer l’action civile au pénal doit d’abord satisfaire aux conditions édictées par l’article 2 du Code de procédure pénale, c’est-à-dire présenter un préjudice actuel et certain, personnel et direct. Elle doit par ailleurs démontrer qu’elle a la capacité d’agir et vérifier que l’action qu’elle souhaite intenter ne soit pas prescrite1. Si toutes ces conditions sont réunies, elle peut choisir d’utiliser la plainte avec constitution de partie civile pour remédier à une éventuelle inertie du procureur de la République, encore faut-il que son action puisse s’insérer dans le champ d’application de cette dernière (1) et ne pas faire partie du domaine d’exclusion de celle-ci (2).

1/ Le domaine d’application de la plainte avec constitution de partie civile

125. Il convient de rappeler que toute constitution de partie civile est interdite devant la

Cour de Justice de la République2, devant la Haute Cour3, devant les juridictions militaires en période de guerre, les tribunaux maritimes commerciaux et les tribunaux administratifs statuant en matière de contraventions de grandes voiries4.

126. Cependant, en dehors de ces interdictions absolues, on peut considérer que la

constitution de partie civile est admise largement devant les juridictions pénales puisque selon l’article 85 du Code de procédure pénale, ce sont toutes les personnes qui se prétendent lésées par un crime ou un délit qui peuvent saisir le juge d’instruction par le biais de la constitution de partie civile. On peut donc en déduire que ce mode d’action est possible en matière criminelle ou correctionnelle sauf disposition contraire. C’est ainsi qu’il a été jugé qu’aucune dérogation à l’article 85 du Code de procédure pénale n’ayant été prévue par l’article 7 al.1 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, la constitution de partie civile

1 Cf. infra n° 89

2 Loi organique n°93-152, 23 novembre 1993, préc., Art. 13; Ass. Plén., 21 juin 1999, Procédures, p. 212, note J. BUISSON

3 Ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959, préc., Art. 27.

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contre un mineur par toute personne lésée par un crime ou un délit commis par ce dernier est recevable devant le juge d’instruction compétent. Aucun texte ne réserve l’exclusivité de l’engagement des poursuites au procureur1.

127. Par ailleurs, comme on l’a indiqué, la plainte avec constitution de partie civile est

possible en cas de délit ou de crime. En cas de délit, la victime aura le choix, elle pourra utiliser les deux modes de déclenchement de l’action publique selon le cas d’espèce. L’instruction n’étant pas obligatoire pour les délits, la victime peut citer directement la personne mise en cause devant la juridiction de jugement2. Cependant, « l’instruction

préparatoire est obligatoire en matière de crime »3, la plainte avec constitution de partie civile est « la voie de procédure exclusive » pour la victime se constituant par la voie de l’action4.

128. Ainsi, on peut observer que le champ d’application de la plainte avec constitution de

partie civile reste assez large. Cependant, il existe certains domaines dans lesquels ce mode d’action est exclu.

2/ Le domaine d’exclusion de la plainte avec constitution de partie civile

129. On l’aura bien compris, les contraventions sont exclues du champ de l’application de

la plainte avec constitution de partie civile tout d’abord parce qu’elles ne nécessitent pas l’ouverture d’une information5 mais aussi parce que l’article 85 du CPP qui définit le domaine de ce mode d’action les exclues. Cependant, c’est le déclenchement des poursuites qui est prohibé par cette voie, mais la constitution de partie civile par intervention est toujours possible si l’action publique a été déjà mise en mouvement6. De plus, comme le fait remarquer le Professeur Philippe BONFILS, le plaignant peut toujours contourner cette règle en qualifiant l’infraction de crime ou de délit ; le juge d’instruction aura ainsi l’obligation

1 Crim. 19 oct. 1999, n° 98-87.630, Bull. crim. n° 221, D. 2000, p. 824, note J. CASTAIGNEDE

2 Art. 79 CPP; cf. aussi infra n° 164

3 Ibid.

4 Cf. en ce sens, S. GUINCHARD ET J. BUISSON, Procédure pénale, préc., 2011, n° 1663

5 Sauf sur réquisitions spéciales du procureur de la République en vertu de l’art. 79 CPP

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d’examiner la plainte. En effet, selon la Cour de cassation, « le juge d’instruction saisi par

une plainte avec constitution de partie civile, de faits dénoncés comme constituant un délit ne peut, par le seul examen abstrait de l’inculpation visée par le plaignant se prononcer sur le caractère délictuel ou contraventionnel de ces faits et décider que ceux-ci ne constituent qu’une contravention pour laquelle la constitution de partie civile est irrecevable »1 . Cette décision s’apparenterait à un refus d’informer, or le législateur a limitativement réservé ce refus à certains cas précis prévu dans l’article 86 du Code de procédure pénale2.

130. Le législateur a aussi réservé les cas d’ouverture d'une information pour recherche

des causes de la disparition d’un mineur ou un majeur protégé3 ou encore pour recherche des causes de la mort en cas de découverte d’un cadavre4 à la seule initiative du procureur de la République. Il s’agit d’une information spéciale pour laquelle la plainte avec constitution de partie civile ne peut être recevable.

131. De même, l’article 113-8 du Code pénal donne seule compétence au procureur de la

République pour requérir l’ouverture d’une information lorsqu’un délit est commis à l’étranger5. Cette requête doit être précédée d'une plainte de la victime ou de ses ayants droit

ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis6. La victime

peut donc porter plainte, il s’agit même d’une condition nécessaire pour que le procureur puisse requérir une information mais elle ne peut pas déclencher elle-même l’action publique7.

132. De plus, depuis la loi du 17 mai 20118 relative à la simplification et l’amélioration de la qualité du droit, la victime ne peut plus porter l’action civile devant les juridictions répressives en matière de propriété littéraire et artistique. En effet, l’article L 331-1 du CPI,

1 Crim. 18 mai 1971, Bull. crim. n° 160 ; Crim. 5 octobre 1999, n° 98-87.593, Bull. crim. n° 203

2 Ph. BONFILS, « Partie civile », préc., n° 9

3 Art. 74-1 CPP

4 Art. 74 CPP

5 Crim. 7 avril 1967, Bull. crim. n° 107

6 Art. 113-8 CP

7 Crim. 11 juin 2003, n° 02-83.576, Bull. crim. n°119

8 Loi n°2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, JORF du 18 mai 2011, p. 8537

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donne compétence exclusive aux TGI déterminés par voie réglementaire pour connaître des actions civiles et des demandes relatives à ce domaine.

133. De même, en vertu de 47 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, seul le

ministère public est autorisé à déclencher l’action publique en ce qui concerne les délits commis par voie de presse ou par tout autre moyen de publication. La jurisprudence habilite certaines associations s’agissant du délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence prévu par l’article 24, al 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse1.

134. Ce mode de mise en mouvement de l’action publique est aussi restreint en matière de

banqueroute et des délits qui lui sont connexes, puisque l’initiative des poursuites est réservée au ministère public et certaines personnes limitativement énumérées2.

135. Ainsi, on peut en conclure que la plainte avec constitution de partie civile est

largement ouverte à la personne lésée lorsqu’elle se prétend victime d’un délit ou d’un crime, seules subsistent quelques limitations exceptionnelles. Cependant, pour que cette plainte soit recevable, encore faut-il que les conditions de formes exigées soient remplies.

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