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Les demandes d’actes nécessaires à la manifestation de la vérité

Dans le document La place de la victime dans le procès pénal (Page 145-148)

B/ Un droit différencié en fonction de la qualité de la victime

1/ Les demandes d’actes nécessaires à la manifestation de la vérité

254. La victime, devenue partie au procès pourra solliciter le juge d’instruction pour qu’il

ordonne des expertises (a) relatives à certains points précis mais aussi un certain nombre d’autres actes utiles à la manifestation de la vérité (b).

a/ Les expertises judiciaires demandées par la parties civiles

255. Les expertises sont des moyens de preuve solide contribuant à l’émergence de la

vérité. Selon le Professeur René GARRAUD, « L'expert collabore à la découverte de la

vérité, qui est l'œuvre judiciaire par excellence, […] il est l'auxiliaire du juge dans la découverte de la vérité »1. L’expertise intéresse des vérifications matérielles2 et peut prendre différentes formes. Elle peut consister en l’analyse balistique de la trajectoire d’une balle, elle peut être médicale, psychologique ou encore graphologique3.

256. En vertu de l’article 156 du Code de procédure pénale, la partie civile peut demander

au juge d’instruction d’ordonner une expertise lorsque se pose une question d’ordre technique. Elle peut préciser les questions qu’elle souhaite poser dans sa demande. Une copie des conclusions de l’expert lui est ensuite transmise et elle dispose d'un délai de dix jours pour demander au juge d'instruction que certaines questions soient modifiées ou complétées ou encore, d’adjoindre un expert de son choix figurant sur une liste dressée par la Cour de cassation ou sur une des listes dressées par les cours d’appels4. Cependant, cette dernière disposition est écartée en cas d’urgence ou lorsqu’il existe un risque d’entrave aux investigations5.

1 R. GARAUD, « Traité d'instruction criminelle et de procédure pénale », 1906 à 1929, Paris : Sirey ; vol. 1, n° 318

2 J.-L. CROIZIER et Chr. GUÉRY, « Expertise », Rép. Pén. 2010, n° 7

3 Pour l’analyse graphologique, cf. Crim. 6 septembre 2006, 06-80.972, Bull. crim. n°213, AJ pénal 2006, p.452, obs. C.GIRAULT ; ces exemples ont été donnés par C. AMBROISE-CASTEROT, « Des contradictions dans le contradictoire en matière d’expertise pénale », in, Mélanges en l’honneur de J-F BURGELIN, Principe de

justice, Paris : Dalloz, Etudes, mélanges, travaux, 2008, p. 27

4 Art. 157 CPP

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257. La partie civile peut par la suite demander une contre-expertise ou un complément

d’expertise. En effet, en application de l’article 167 du Code de procédure pénale, après communication du rapport d’expertise aux parties, le juge d’instruction leur fixe un délai dans lequel elles peuvent présenter des observations ou formuler une demande aux fins de complément d’expertise ou de contre expertise. Ce délai tient compte de la complexité de l’expertise et ne peut être inférieur à quinze jours ou, s’il concerne une expertise comptable ou financière, à un mois. Une fois ce délai écoulé, les parties ne peuvent plus présenter de nouvelles demandes d’expertise, de contre-expertise ou de complément d’expertise sauf si un élément nouveau survient. Le juge d’instruction peut rejeter la demande dans le délai d’un mois. Dans ce cas et dans le cas où il ne statue pas sur cette requête, la partie civile possède un recours devant la chambre d’instruction1. Toutefois, dans certaines situations, la contre-expertise est de droit. En effet, c’est le cas lorsque les conclusions de l’expert sont de nature à conduire le juge à prononcer un cas d’irresponsabilité pénale du suspect en raison d’un trouble mental.

258. Les dispositions ci-dessus exposées et organisant une intervention des parties dans le

domaine des expertises ont été très critiquées notamment en ce qui concerne l’objectif de découverte de la vérité. Le sénateur François ZOCHETTO2 avance que la permission de la divulgation des rapports d’expertises 3 peut entraver la recherche de la vérité mais ce point sera développé ultérieurement4. Par ailleurs, le Professeur Robert VOUIN expliquait déjà en 1956 que la possibilité donnée à une partie d’adjoindre un expert qu’elle choisit personnellement entraine le risque que chaque expert épouse « trop fidèlement la cause de la

partie qui l’a choisi »5. Il explique que dans pareille situation « l’expertise n’aurait rien à gagner à devenir contradictoire »6. Certes, les experts adjoints par les parties pourraient

apparaître superflus dans ce cas, en raison de l’impartialité de ces derniers qui mène nécessairement à une altération de la vérité. Cependant, tout d’abord, l’expert exerce sa profession sous serment7. De plus, les conclusions de l’expert renseignent le juge à titre

1 Cf. infra n°325

2 F. ZOCCHETO, rapport n° 177 sur le projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale,

déposé au Sénat, le 24 janvier 2007, p. 34

3 Cf. infra n° 299

4 Cf. infra n° 908

5 R. VOUIN, « De la contradiction dans l’expertise », RSC, 1956, p. 246

6 Ibid.

7 Art. 6 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires, JORF du 30 juin 1971 p.6300 : « les

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d’avis, il n’est pas tenu de s’y conformer1. Ainsi, si le cas d’un expert partial se présentait, on estime que la crédibilité de son rapport doit de même être soumise à l’appréciation souveraine du juge d’autant plus qu’avant d’adjoindre l’expert choisi par la partie en question, ce dernier a déjà exercé ce pouvoir d’appréciation. Il faut en conclure que ces dispositions ne sont pas source d’entrave à la manifestation de la vérité. Au contraire, leur existence joue un rôle considérable dans la contribution des parties à la recherche de cette vérité.

259. En dehors des expertises, la partie civile pourra solliciter une variété d’actes utiles à

la manifestation de la vérité auprès du juge d’instruction.

b/ Les autres actes nécessaires à la manifestation de la vérité

260. Tout d’abord, la partie civile peut demander au juge d’instruction de procéder « à

tout acte lui permettant d’apprécier la nature et l’importance du préjudice » qu’elle a subi « ou de recueillir des renseignements » sur la personnalité de la victime2. Cette possibilité offerte à la partie civile contribue à la recherche de la vérité dans le sens ou elle permet par les prérogatives qui lui sont offertes « de savoir dans quel contexte s’inscrit l’infraction »3. C’est le cas par exemple, lorsqu’il s’agit de découvrir la vulnérabilité d’une personne lorsqu’elle n’est pas apparente et qu’elle était connue par l’auteur des faits poursuivis dans le cadre d’une répression des infractions d’atteintes à la dignité de la personne prévue aux articles 225-13 et suivants du Code Pénal.

261. De plus, depuis la loi du 4 janvier 19934, la partie civile, au même titre que le suspect, a la possibilité de demander au juge d’instruction qu’il procède à son audition ou son interrogatoire, à l’audition d’un témoin, à une confrontation ou un transport sur les lieux. Ces

rapport et de donner leur avis en leur honneur et conscience » ; cf. aussi, art. 168 du CPP sur le renouvellement

du serment lorsque ces derniers sont entendus à l’audience de jugement.

1 Art. 427 CPP ; Crim. 23 janvier 1964, n° 62-92.440, Bull. crim. n° 27 ; Crim. 28 octobre 1975, 74-93.413 Bull. crim. n°228

2 Art. 81-1 CPP

3 En ce sens, G. LOPEZ, S. PORTELLI, S. CLEMENT, Les droits des victimes, Paris : Dalloz, Etats de droit, 2007, 2ème éd., p. 38

4 Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 « portant réforme de la procédure pénale », JORF n° 3 du 4 janvier 1993, p. 215; art. 82-1 CPP

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actes ont été élargis par la loi du 15 juin 20001 et celle- ci peut désormais demander au juge d’ordonner la production par une des parties d’une pièce utile à l’information ou même de procéder à « tous les autres actes qui lui paraissent utiles à la manifestation de la vérité ». Si le juge d’instruction n’entend pas faire droit à la demande, il doit rendre une ordonnance motivée dans le délai d’un mois à compter de la réception cette demande.

262. Concernant la demande relative à un transport sur les lieux, l’audition d’un témoin

ou d’une autre partie civile ou encore celle tendant à l’interrogatoire de la personne mise en examen, la partie civile peut demander que ces actes soient effectués en présence de son avocat.

263. De plus, lorsque l’affaire présente une gravité ou une complexité, la partie civile peut

demander au président du tribunal de grande instance de désigner un ou plusieurs juges co-saisi afin d’optimiser les recherches tendant à la manifestation de la vérité.

264. Ainsi, grâce à cette panoplie de requêtes mises à la disposition de la partie civile,

celle-ci peut influer le cours des investigations et participer ainsi activement à la manifestation de la vérité. Toujours dans le même ordre d’idée, le législateur lui a offert un droit de regard sur la procédure en cours, elle dispose aujourd’hui d’un « droit de contestation

et critique »2.

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