• Aucun résultat trouvé

B/ Conditions de forme

136. En exposant ces conditions, on remarquera qu’elles restent assez souples aussi,

même si certaines visent clairement à limiter ces plaintes avec constitution de partie civile, mais seulement dans la mesure où elles seraient abusives ou simplement dilatoires. Ces contraintes concernent le dépôt de plainte (1) et l’obligation de verser une consignation (2).

1 Crim. 3 mars 1980, n° 78-91.949, Bull. crim. n°321

2 Art. L. 626-16 du C. Com ; seul le ministère public ou sur constitution de partie civile, l’administrateur, l’administrateur, le représentant des créanciers, le commissaire à l’exécution du plan ou le liquidateur peuvent mettre en mouvement l’action publique.

! Q"!

1/ Les formalités relatives au dépôt de la plainte

137. Le dépôt de plainte est un nécessaire préalable à la constitution de partie civile

puisque la Cour de cassation estime que la victime acquiert la qualité de partie civile « par le

dépôt d’une plainte auprès de la juridiction compétente contenant la manifestation expresse du plaignant de se constituer partie civile »1. Cette plainte se différencie de la plainte simple

en ce qu’elle comporte la volonté de se constituer partie civile. Ses effets sont donc différents puisque la plainte simple ne confère à la victime qu’un rôle passif. En effet, une fois déposée, c’est le procureur qui décidera de la suite de la procédure en raison du principe d’opportunité des poursuites contenu dans l’article 40 du Code de procédure pénale. Il peut décider de classer sans suite, d’enclencher une procédure alternative aux poursuites ou de poursuivre en saisissant un juge d’instruction ou directement la juridiction compétente. Dans ce dernier cas, si la victime souhaite avoir un rôle plus actif dans la procédure, elle pourra toujours se constituer partie civile par voie d’intervention. Cependant, si le procureur décide de ne pas poursuivre l’affaire, la partie lésée lorsqu’elle est victime d’un délit pourra enclencher la procédure pénale en se constituant partie civile devant le juge d’instruction compétent sous certaines conditions. En effet, la recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile en cas de délit est subordonnée à l’inaction du procureur ou au refus des poursuites depuis une loi du 5 mars 20072. La victime doit laisser passer un délai de trois mois « depuis le dépôt de

la plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou depuis qu’elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire »3 avant de se constituer partie civile devant le juge d’instruction. La doctrine est partagée quant à l’efficacité de cette loi qui a pour but d’organiser un filtre des constitutions de partie civile, le doyen Chr. GUERY pense que cette loi améliore le système même s’il reste convaincu qu’il faut envisager une réforme bien plus profonde4 et propose de distinguer le droit au juge du droit au juge d’instruction et instaurer un filtre sur la recevabilité des plaintes avec

1 Crim. 13 décembre 1983, Bull. crim. n° 338

2 Loi n°2007-291 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, JORF n°55 du 6 mars 2007 p. 4206, art. 21-I ; E. MATHIAS, « Action pénale privée : cent ans de solitude- à propos de la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale », Procédures, 2007, n°5, p. 6 et s. ; Chr. GUERY, « La loi du 5 mars 2007 et l’instruction préparatoire », AJ. Pénal 2007, p. 105 et s., cette loi se conforme aux recommandations du « rapport Magendie » sur la célérité et la qualité de la justice, préc.; intégré dans l’art. 85 al. 2 CPP

3 Art. 85 CPP, al. 2.

! Q#!

constitution de partie civile1. Cependant, Madame SEGAUD, docteure en droit, affirme quant

à elle, que ce texte est inutile et qu’il ne remplira pas les objectifs escomptés2.

138. Cela étant, la victime doit d’abord déposer une plainte préalable et patienter pendant

le délai de trois mois lorsque la plainte concerne un délit sauf le cas de ceux prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou encore certains délits concernant des infractions au Code électoral3.

139. La loi du 15 juin 2000 a même réduit le formalisme du dépôt de cette plainte

puisqu’elle admet désormais la constitution de partie civile par voie de télécopie4. De plus, le dépôt de d’une plainte qu’elle soit simple ou qu’elle soit celle prévue pour une éventuelle constitution de partie civile, est d’autant plus facilité depuis le décret intervenu le 1er novembre 2008, puisqu’il permet à la victime d’une infraction d’atteinte aux biens dont l’auteur est inconnu, d’effectuer une déclaration en ligne et d’obtenir ainsi un rendez-vous auprès d’un service de la police nationale ou d’unité de la gendarmerie nationale de son choix pour déposer et signer sa plainte5. Le dispositif a pour but d’alléger les délais d’attentes auxquelles sont confrontées les victimes dans les services chargés de recevoir les plaintes, il a fait l’objet d’une expérimentation dans les départements de la Charente-Maritime et des Yvelines. Selon un avis de la CNIL, « il en ressort que peu de « pré-plaintes » ont finalement

été déposées ; la perception du dispositif par les différents intervenants est néanmoins très positive »6. Suite à cette avis, un Arrêté du ministère de l’intérieur datant du 30 novembre

2011 portant autorisation d’un traitement automatisé de données à caractère personnel

1 Chr. GUERY, « Le juge d’instruction et le voleur de pomme », D. 2003, p.1575

2 J. SEGAUD, Essai sur l’action publique, Thèse préc., n° 435

3 L’article 85 CPP procède à un renvoi aux articles L. 86, L. 87, L. 91 à L. 100, L. 102 à L. 104, L. 106 à L. 113 du Code électoral.

4 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des

victimes, préc., art 111; Art. 420-1 CPP

5 Décret n° 2008-1109 du 29 octobre 2008 portant création à titre expérimental d’un traitement automatisé

dénommé « pré-plainte en ligne », JORF n° 0255 du 31 octobre 2008, p. 16531

6 Délibération n° 2011-333 du 25 octobre 2011 portant avis sur un projet d’arrêté portant autorisation d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « pré-plainte en ligne », JORF du 11 décembre 2011, Texte 126

! Q$!

dénommé « pré-plainte en ligne », prévoit la généralisation de ce système à l’ensemble du territoire français1.

140. Ainsi, on peut remarquer que le dépôt de plainte est de plus en plus facilité. Pour être

recevable, celle-ci doit toutefois comporter la manifestation de la volonté non équivoque du plaignant d’exercer son action civile. Celle-ci n’est pas obligatoirement écrite, elle peut être orale, lorsqu’elle est exprimée devant le juge d’instruction qui en dresse un procès verbal2. Elle peut aussi être déposée par un avocat au nom de la victime3. Cependant, en absence de protocole passé entre le tribunal et le barreau de la juridiction4, la date de réception de la plainte ne peut être attestée que par la mention du greffier5.

La signature de la plainte n’est pas une condition de recevabilité6, en pratique la plainte contient les faits reprochés, leur qualification, et les textes d’incriminations relatifs aux faits visés7. Cependant, le juge d’instruction peut pallier les insuffisances de la plainte dans son réquisitoire introductif8.

La déclaration d’adresse n’est pas non plus une condition de recevabilité de la plainte mais « faute par elle d'avoir déclaré une adresse, la partie civile ne peut opposer le défaut de notification des actes qui auraient dû lui être notifiés aux termes de la loi »9.

141. Toutefois, en règle générale, la victime est tenue de verser une consignation fixée par

le juge d’instruction pour acquérir la qualité de partie civile1.

1 Arrêté du Ministère de l’intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’immigration, portant

autorisation d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « pré-plainte en ligne » du

30 novembre 2011, JORF du 11 décembre 2011, Texte 24

2 Crim. 2 octobre 1979, Bull. Crim. n° 265

3 Crim. 6 mars 1979, Bull. Crim. n° 97, RSC 1979, p. 860, Obs. J. ROBERT ; Art. 420-1 CPP

4 Prévu à l’art. D. 591 CPP

5 Crim. 2 mars 2010, n° 09-85.124, AJ pénal 2010, p. 342, Obs. J. LASSERRE CAPDEVILLE ; pour des raisons de prescription de l’action publique, la date peut être décisive dans la recevabilité de la plainte

6 Crim. 15 mai 2002, n° 01-83.337, D. 2003, p. 23, obs. J. PRADEL

7 S. GUINCHARD ET J. BUISSON, Procédure pénale, préc., n° 1661 ; P. BONFILS, « Partie civile », préc., n°100

8 Crim. 22 janvier 1985, Bull. crim. n° 34

! QA!

2/ La consignation

142. Cette consignation est prévue à l’article 88 et s. du Code de procédure pénale. Selon

l’article 88-1 du même Code, elle vise à garantir le paiement de l’amende prévue en cas de constitution de partie civile abusive ou dilatoire.

143. Le juge d’instruction constate par ordonnance le dépôt de la plainte et fixe le montant

de la consignation en fonction des ressources de la victime. Ce montant est fixé librement par le juge2. Cependant la Cour européenne des droits de l’homme estime que le fait d’exiger une somme très élevée et disproportionnée par rapport aux ressources du requérant revient à le priver de son droit au juge d’instruction3. Le juge peut aussi dispenser le plaignant de cette consignation4. La victime peut interjeter appel de l’ordonnance de consignation5 et la chambre d’instruction aura la possibilité de réduire ce montant si elle estime qu’il est trop élevé par rapport aux ressources du plaignant.

144. Par ailleurs, le juge d’instruction fixe un délai dans lequel la victime est tenue de

verser la consignation. Tant que la consignation n’a pas été versée, le plaignant peut toujours saisir directement une juridiction de jugement par la voie de la citation directe6. Il faut préciser que la personne bénéficiant de l’aide juridictionnelle est dispensée du versement de cette somme même si elle l’obtient après saisine du juge d’instruction dans le délai fixé pour le versement7. Cette dispense s’impose, que l’aide juridictionnelle accordée soit totale8 ou simplement partielle9.

1 Crim. 13 décembre 1983, Bull. crim. n° 338 ; Crim. 15 mai 2002, n° 01-83.937, Bull n° 116, D. 2003, Somm. 29, obs J. PRADEL

2 Crim. 7 juin 2000, Bull. crim. n° 214

3 Arrêt Aït-Mouhoub préc., § 57, RSC 1999, p. 399, Chron. R. KOERING-JOULIN ; F. SUDRE et J.-P. MARGUENAUD, J. ANDRIANTSIMBAZOVINA, A. GOUTTENOIRE et M. LEVINET, Les grands arrêts de

la CEDH, 2011, Paris : PUF, Thémis droit, 6ème éd., p. 216 et s.

4 Art. 88 CPP

5 Art. 186 CPP

6 Crim. 11 janvier 2011, Bull. crim. n° 10

7 Crim. 4 février 1998, n°97-84.324, Bull. crim. n° 43

8 Ibid.

! QL!

Par ailleurs, le versement de la somme fixée par le juge dans le délai imparti confère à la victime la qualité de partie civile rétroactivement au jour du dépôt de la plainte et non au moment du versement de la consignation1.

145. Enfin, la consignation étant prévue dans le cas ou une amende serait prononcée pour

constitution de partie civile abusive ou dilatoire. Le montant de l’amende étant de 15000 euros maximum2, il faut considérer logiquement d’une part, que le montant de la consignation ne peut pas excéder cette somme, et d’autre part, que cette somme doit être restituée à la fin de l’information lorsque cette amende n’a pas été prononcée. Ce remboursement est prévu par l’article 88-1 du CPP. Le professeur Philippe BONFILS fait aussi remarquer qu’en cas d’ordonnance de renvoi définitive, il faudrait de même restituer la consignation à la partie civile car l’amende prévue à l’article 177-2 ne peut plus être prononcée à son encontre3.

146. Pour conclure, les conditions de recevabilité d’une plainte avec constitution de partie

civile sont bien prévues par le législateur mais ces dernières restent souples. Il suffit de présenter une plainte préalable à cette saisine du juge, puis, lorsque le procureur ne se manifeste pas ou fait savoir à la victime qu’il ne souhaite pas déclencher des poursuites dans un délai de trois mois, elle peut s’adresser au juge d’instruction pour palier l’inertie de ce dernier. Une consignation est ensuite prévue afin de prévenir les abus mais le plaignant peut tout de même y échapper lorsque ses ressources sont faibles. Il apparaît donc que ce mode d’action est ouvert largement aux victimes. Pourtant, lorsqu’elle est recevable, la plainte avec constitution de partie civile conduit à des effets considérables et s’analyse comme un contrepoids à l’opportunité des poursuites.

Outline

Documents relatifs