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Un vocabulaire pour les pratiques compositionnelles aujourd’hu

 L’approche par le témoignage

3. Un vocabulaire pour les pratiques compositionnelles aujourd’hu

Les chorégraphes réuni·e·s pour cette enquête sont : Marco Berrettini, Nathalie Collantes, DD Dorvillier, Myriam Gourfink, Thomas Hauert, Rémy Héritier, Daniel Linehan, Laurent Pichaud, Loïc Touzé et Cindy Van Acker. Le choix de ces artistes s’est fait en fonction des trois constats précédemment mentionnés et de divers critères supplémentaires.

Premièrement, les critères liés à notre premier constat sont d’ordre esthétique : l’émergence d’une curiosité à l’égard de certains travaux concernant leurs soubassements compositionnels. Le choix est donc ici subjectif, limité par nos affinités esthétiques et par notre connaissance même – nécessairement limitée – de la création contemporaine.

Deuxièmement, des critères historiques : par là il ne s’agit pas de dire que nous avons constitué un échantillon représentatif de la création contemporaine, mais que nous nous sommes tournées vers des artistes qui, pour la plupart, avaient un intérêt pour l’histoire de la danse et étaient en mesure de mettre leur travail en perspective avec celle-ci, mais aussi des chorégraphes qui, pour certains, se sont engagés dans la formation de jeunes artistes chorégraphiques – autrement dit, qui se posent les questions de l’ancrage historique comme du

devenir de cet art39. La plupart de ces chorégraphes ont donc plus généralement une propension à l’analyse, à l’explicitation, parce qu’ils sont engagés dans des démarches de transmission. Plus généralement, ce critère historique a conduit à donner une visibilité à des artistes qui ne sont pas forcément dominant sur la scène chorégraphique actuelle, afin de contribuer à rendre compte de modes de composition peut-être moins connus que ceux hérités des grands courants de la modernité ou des courants plus repérés de la danse européenne des années 1980. Nous avons par ailleurs considéré que certain·e·s artistes d’aujourd’hui bénéficiaient déjà d’une visibilité importante de leur travail et que d’autres publications les concernant répondaient (en partie) aux enjeux qui étaient les nôtres. Ainsi des chorégraphes comme Jérôme Bel, Boris Charmatz, William Forsythe, Anne Teresa de Keersmaeker, Xavier Le Roy, Meg Stuart… ont été écartés de l’étude, bien qu’ils représentent évidemment des courants importants de la composition aujourd’hui.

Le troisième critère est de nationalité : si notre connaissance du champ chorégraphique est assurément dépendante de la sélection opérée par les circuits mêmes de diffusion des œuvres en France et de ce fait très limitée, des considérations de nationalité sont intervenues dans nos choix. Tous les chorégraphes de l’étude vivent en Europe, néanmoins ils ont été formés selon différentes traditions et pour certains aux États-Unis. On reste pourtant sur un échantillon occidental. Et tous les chorégraphes réunis parlent français – ce qui n’est pas un détail pour la qualité des échanges. La plupart des chorégraphes sont français : Nathalie Collantes, Myriam Gourfink, Rémy Héritier, Laurent Pichaud, Loïc Touzé. Deux chorégraphes sont américains et vivent en Europe : DD Dorvillier (née à Puerto Rico, vit en France depuis 2010), Daniel Linehan (vit en Belgique depuis 2008). Trois d’entre eux vivent en Suisse ou y séjournent régulièrement : Thomas Hauert (de nationalité suisse), Marco Berrettini (italien et allemand ayant développé sa carrière auparavant en Allemagne, puis en France), Cindy Van Acker (belge). La plupart ont une visibilité internationale.

Le quatrième critère est générationnel : plusieurs des chorégraphes sont né·e·s dans la première moitié des années 1960 (Marco Berrettini, Nathalie Collantes, Loïc Touzé), d’autres ont moins de 40 ans au début de l’enquête (Rémy Héritier est né en 1977, Daniel Linehan en 1982).

Le cinquième critère est de parité.

Le sixième critère est économique et pragmatique : s’en tenir au nombre dix chorégraphes est sans doute arbitraire, mais c’est un nombre relativement important au regard de l’étude que pouvaient conduire les trois chercheuses et réaliste financièrement (les artistes

39 Myriam Gourfink a dirigé le programme de recherche et de composition chorégraphiques (PRCC) à la

fondation Royaumont de janvier 2008 à mars 2013. Thomas Hauert est responsable de la filière du « Bachelor en Contemporary dance - Option Creation » de La Manufacture à Lausanne/Hes-So. Laurent Pichaud (2013-2017) et DD Dorvillier (depuis 2017) ont été successivement les responsables pédagogiques du master ex.er.ce CCN de Montpellier/université Montpellier 3. Nathalie Collantes a enseigné la composition à l’école supérieure du CNDC d’Angers (direction Emmanuelle Huynh 2004-2012). Marco Berrettini, Loïc Touzé enseignent régulièrement dans des écoles supérieures de danse en Europe.

sont rémunérés pour leur contribution). C’est une proportion qui permet aussi d’envisager une discussion collective.

En effet, un dernier critère répond à notre troisième constat : celui de pouvoir échanger collectivement avec fluidité. S’il ne s’agissait pas de conduire à un quelconque consensus, il fallait s’assurer d’un contexte de discussion favorable, qui ne tourne pas à la justification ni à l’auto-promotion, ni à la joute oratoire entre pairs. L’enquête reposait sur la possibilité d’envisager, ensemble et sans frein relationnel majeur, l’état des recherches et questionnements. Cette situation d’enquête était en fait sinon intimidante du moins impressionnante pour les artistes, or il fallait pouvoir ne pas négliger la part des contradictions ou impasses qui peuvent aussi sous-tendre les pratiques, sans pour autant fragiliser ou durcir les positions de chacun·e. On comprend que nous avions donc déjà rencontré auparavant la plupart de ces artistes dans des contextes professionnels, voire tissé des liens amicaux avec certain·e·s. Par ailleurs, ils se connaissaient également entre eux au point d’avoir parfois collaboré ensemble sur des projets (avoir été l’interprète de l’un·e ou de plusieurs des chorégraphes rassemblé·e·s40). Et la plupart avaient en tout cas une connaissance d’une partie de leurs œuvres respectives, en tant que spectateurs, ce qui a favorisé la circulation dans les échanges.

J’ai rédigé avec Myriam Gourfink le questionnaire qui sera le point de départ de cette étude. Il a été envoyé à chacun·e des artistes en vue de la présentation d’un exposé devant tous, sur ses modes de composition. Cette situation engage autrement que des explicitations pour le grand public : elle exige un discours spécialisé, précis, les uns ou les autres étant à même de vérifier le choix du vocabulaire ou de lever les sous-entendus, aussi bien de la pratique que de la façon de la formuler. Il s’agit de tirer parti de la dimension heuristique d’une discussion collective et de l’exigence des exposés entre pairs. La présence d’Yvane Chapuis et moi-même permettait par ailleurs d’éviter les possibles implicites des discussions entre artistes. Ce questionnaire relativement long donnait un cadre aux échanges : il annonçait aux artistes l’endroit de notre enquête ; il exigeait d’eux de revoir les habituelles logiques de présentation de leur parcours ou travail ; il était comme un repère tout au long des échanges pour ne pas dévier du sujet. On pourrait dire à ce titre que chacun·e des participant·e·s a pu veiller à l’orientation des échanges, parce que chacun·e en connaissait le cadre ou qu’une question ou une autre du questionnaire les taraudaient. Voici in extenso le questionnaire envoyé en 2016, quelques mois avant la première rencontre :

40 Nathalie Collantes a été interprète de Laurent Pichaud. Rémy Héritier a été interprète de DD Dorvillier,

La composition chorégraphique aujourd’hui. Quels outils pour quelles positions artistiques ?

Yvane Chapuis, Myriam Gourfink, Julie Perrin

Le questionnaire suivant espère pouvoir susciter l’amorce d’une réflexion collective préalable à nos rencontres. Il est envoyé à chacun à titre préparatoire et peut donc orienter l’exposé que chacun fera. À ce titre, il ouvre un certain nombre de questions sur la composition en danse – ses principes et ses outils – constituant une sorte de trame ou d’arrière-plan susceptible de nous placer dans une exigence commune. Il paraîtra peut-être à certain·e·s inadéquat, imprécis ou au contraire trop précis. Il ne doit pas être pris au pied de la lettre, mais comme un point de départ possible pour nos échanges. Toute considération qui ne semblerait pas entrer dans le cadre même de ce questionnaire ou toute reformulation des questions relatives à la composition sont tout aussi bienvenues… l’objectif commun étant de mettre en lumière les façons diverses de concevoir et mettre en pratique la composition en danse. Quels outils de composition vous êtes-vous fabriqués ? Quels principes compositionnels découlent de vos idées artistiques ?

Le questionnaire est organisé en sous-sections, mais il est probable que chacun préférera un autre ordre pour son exposé ; il est d’ailleurs assez facile de sauter d’une section à l’autre sans s’en rendre compte. Ces sections sont au nombre de cinq : principes de composition ; place de la composition dans le processus de création ; pratiques de composition ; composition, geste et interprétation ; culture de la composition.

 Principes de composition

- À quelles questions (ou à quels défis ou problèmes chorégraphiques) répondent vos

principes de composition ? [Exemple : Comment faire une pièce sans pas ?]

- Comment décririez-vous les formes ou structures compositionnelles auxquelles vous

avez abouties ?

- Avez-vous élaboré un lexique ou glossaire pour désigner les différentes formes qu’ont

pu prendre vos pièces ? Ou pour décrire les outils de composition que vous vous êtes fabriqués ?

- Pourriez-vous nommer les opérations d’agencement les plus représentatives de votre

pratique compositionnelle ?

- Pouvez-vous dégager les points de votre méthode de composition qui vous semblent

singuliers ?

- Que signifie pour vous « composer » ?

- Utilisez-vous le terme « composition » ou préférez-vous lui substituer d’autres

termes ? Le(s)quel(s) ?

 Place de la composition dans le processus de création :

La composition est susceptible de se mettre en place ou se redéfinir à différents stades du processus de création :

- Comment se forment les conditions de l’élaboration de la composition ? - Où commence la composition pour vous ?

- Comment s’effectue la collecte des éléments et outils chorégraphiques d’une pièce ? - Sur quel (s) plan(s), sur quelle(s) couche(s) de la pièce (performance, spectacle)

opérez-vous avec un processus de composition ?

- Quelles seraient les grandes étapes du processus de composition ?

- Pouvez-vous préciser la temporalité du processus de création et la place prise par

l’élaboration de la composition en son sein : durée du processus, temps de travail avec les collaborateurs et à quel rythme ?

- À partir de quand la composition est-elle mise en jeu avec d’autres ? Avec qui

(collaborateurs, compositeurs, danseurs, dramaturge…) ? Et sous quel mode ?

- Dans quelle mesure le choix des interprètes concerne-t-il la composition ? À quel

moment intervient-il ?

- La composition est-elle aussi susceptible de faire surgir de nouveaux matériaux ? - Le training est-il pour vous lié à la composition ? Si c’est le cas, est-ce que le training

ou la pratique induit un mode de composition ? Quelle est alors la nature de ce

training considéré comme « pré-composition » ? Ou inversement, est-ce la

composition pré-élaborée qui viendrait stimuler une pratique d’échauffement particulière ? Comment s’invente alors ce training pour chaque projet ?

- Quand finit le processus de composition ?  Pratiques de composition

- Utilisez-vous l’improvisation pour trouver une forme (et non seulement pour susciter

du geste) ? Comment ? Selon quelles indications ? Comme forme temporaire ou finale ?

- Quel support utilisez-vous pour prévoir la pièce ? Ce support sert-il également à

faciliter la communication de la composition aux interprètes ?

- Quel rôle joue la répétition (au sens de s’exercer) dans votre processus de

composition ? Quelle importance/nécessité y a-t-il à faire et refaire ou voir et revoir ?

- Utilisez-vous la vidéo comme trace des étapes successives ? Quelles conséquences

cela a-t-il sur la composition ?

- Utilisez-vous l’écrit – texte, croquis, partition – ou un autre support – montage vidéo

ou photographique, maquette…– dans votre processus de composition ? Comme préalable, support, ou étape de synthèse ou de clarification… ? Quel est le rôle de ces écrits ou autres outils ?

- Qu’est-ce qui est gardé ou à l’inverse jeté ? Comment la composition prend-elle en

compte les résidus et les couches successives ?

- Comment fonctionne l’autoévaluation de l’œuvre en cours de création ? Quel effet

cela a-t-il sur la composition ?

 Composition, geste et interprétation :

- Comment articulez-vous la production du geste et la composition ?

- L’invention d’une forme (au sens de structure) ou la construction dramaturgique

prévaut-elle sur l’invention du geste ?

- L’interprétation influe-t-elle sur la structure compositionnelle ? Ou inversement, la

composition induit-elle un type d’interprétation bien précis ?

- Votre disposition personnelle à une danse, à un univers gestuel, à une poétique du

geste vous semble-t-elle induire une façon de composer ?

 Culture de la composition/transmission des savoirs de la composition

- Accordez-vous une attention particulière aux éléments suivants, qui historiquement

ont pu constituer des points cruciaux dans le débat sur la composition ? On pourrait poser la question, de manière faussement naïve, de comment vous concevez :

o le pas ? o la phrase ? o la séquence ?

o le rapport entre la partie et le tout41 ? Y a-t-il une hiérarchie entre les parties et le tout ?

41 Historiquement, les débats sur la composition posent la question de la plus petite unité ou partie à

o la tâche42 o le phrasé43

o l’acmé (ou moment photographique) o la transition ?

o la juxtaposition/le collage/le montage44 ? o le rapport aux contrastes ?

o le rapport au récit45 ? o le rythme ?

o l’accent ? o l’unisson ?

o la fin d’une pièce ? o le début d’une pièce ? o la durée d’une pièce ? o la face ?

o l’entrée en scène ?

o le rapport à la coulisse et au hors-champ ?

o la lecture spatiale ? [par exemple, Susan Buirge se réfère à la lecture occidentale de

gauche à droite]

- Avez-vous des modèles de composition ? Sont-ils issus du champ chorégraphique, des

autres arts ou de tout autre domaine ? Est-ce que ces domaines sont nombreux et différents selon les pièces46 ?

- Avez-vous suivi un enseignement en composition à vos débuts ? Comment vous ont

été transmis des outils de composition ? Inversement, enseignez-vous la composition ?

- Quand vous avez commencé à chorégraphier, y a-t-il eu des choses dont vous avez

voulu vous délester ? Que vous avez voulu absolument éviter ?

Chaque artiste a disposé de deux heures trente pour son exposé, incluant les échanges avec tous. Certains ont répondu assez scrupuleusement au questionnaire, d’autres ont préféré une présentation chronologique de leur travail. Il était en fait peu envisageable dans le temps imparti de répondre à toutes les questions ou de parcourir l’ensemble des œuvres des artistes dont certain·e·s chorégraphient depuis trente ans. Certain·e·s ont présenté des extraits vidéos, des photographies, des partitions ou notes préparatoires, d’autre pas.

moderne où la composition vise la combinaison de qualités ou facteurs de mouvement (selon Laban : flux, temps, espace, poids) ou éléments (selon Humphrey : forme, dynamique, rythme, motivation du geste). La composition est alors pensée comme production d’un matériau dansé (« Le but du cours de composition est de trouver du mouvement neuf, que l’on découvrira à partir de certains principes » Doris Humphrey,

Construire la danse, Paris : L’Harmattan, 1998, p. 57, trad. par Jacqueline Robinson de The Art of Making Dances, New York: Rinehart and Company, 1959.

42 Héritage Halprin, puis Judson Dance Theater.

43 Objet de débats importants dans les années 1960 à New York : Cunningham, Halprin, Paxton, Rainer. 44 Juxtaposer des éléments hétérogènes, plutôt qu’imaginer leur articulation ou combinatoire – cf.

Cunningham, le Judson Dance Theater/le montage, cf. Pina Bausch.

45 Historiquement, les débats sur la composition sont liés à la structure du récit – Noverre…

46 Par exemple, historiquement, les débats sur la composition sont liés la culture musicale : depuis la danse

classique, mais aussi dans la modernité et jusqu’à plus récemment (Jaques-Dalcroze, Robert Ellis Dunn, Fernand Schirren…de Keersmaeker…). Quel est votre rapport à la culture musicale ? Et ses effets sur vos modes de composer ?

Dans une seconde étape, en 2017, nous avons envoyé de nouvelles questions à chacun·e en amont d’un entretien, individuel cette fois, élaboré à trois mais conduit à deux et d’une durée de deux heures. À la lecture et à l’analyse de la transcription de leur exposé, il est en effet apparu que certains points devaient être précisés (manque de clarté, passage trop rapide sur un élément qui retient l’attention a posteriori) ou que d’autres aspects (présents dans le questionnaire initial) n’avaient pu être abordés, faute de temps. Ces entretiens ont été d’une très grande richesse, car nous échangions désormais sur la base d’une connaissance partagée et complice du travail. Ils ont aussi été retranscrits.

La solution la plus simple aurait été de concevoir un ouvrage en dix chapitres qui présenterait successivement les démarches compositionnelles des dix chorégraphes. Nous ne nous sommes pas engagées dans cette voie pour deux raisons. Premièrement, le protocole de cette étude ouvrait à une présentation comparative ou dialogique. Le contexte d’émergence des propos tenus est résolument collectif et nous avons souhaité que reste visible l’intérêt réciproque des uns pour les autres dans l’enquête. Rendre compte de cette parole située et de cette dynamique collective supposait donc de rester au plus proche des échanges, plutôt que de rédiger une large synthèse à partir des propos tenus. Deuxièmement, l’enjeu de cette étude n’est pas uniquement de mieux connaître le travail de ces dix artistes, bien que ce soit là l’un de ses effets heureux et évidents : elle a pour ambition de constituer plus largement un outil de réflexion, un ouvrage de référence, sur la composition à destination des chercheur·euse·s et des artistes. Autrement dit, au-delà des spécificités propres à ces dix démarches, il s’agissait de faire ressortir des notions clés autour desquelles se nouent les enjeux de la chorégraphie aujourd’hui. De ce fait, notre travail a donc d’abord consisté à extraire les passages les plus significatifs des échanges et à analyser le vocabulaire employé. L’attention au lexique, aux façons de nommer les différentes formes qu’ont pu prendre les œuvres ou les outils de composition inventés a guidé notre analyse des exposés de 2016, comme des entretiens de 2017. C’était une façon de répondre à la question : y a-t-il non seulement des procédés de composition singuliers aujourd’hui, mais aussi un vocabulaire spécifique qui se serait développé ces dernières décennies ? L’idée a donc très vite émergé d’élaborer un vocabulaire pour les pratiques compositionnelles aujourd’hui.

Ce vocabulaire a été défini à tâtons, à partir de notre analyse et compréhension des discours de chacun·e. La liste des mots clés retenus n’a cessé de se réduire entre 2016 et 2018 : elle comportait au départ 108 mots tirés des exposés et en comporte aujourd’hui 20 – avec 36 sous-entrées. De la première liste établie ont vite été éliminés des mots comme : ajustement, contre-modèle, danse-théâtre, ennui, filage, récit, tourner, etc. En octobre 2016, nous avions un glossaire de 41 mots, en octobre 2017 de 26 mots (avec la disparition de complexifier, réitération, séquence, série, solo, système, thématique, vidéo etc.) et, en octobre 2018, de 20 mots (ont disparu image, dispositif scénique, déconstruction, phrasé, traduire). Des recoupements ont donc été opérés afin de rassembler sous une entrée plus générique un certain

nombre de notions. Si nous avons tenté de rester au plus proche du vocabulaire employé, ces recoupements ont parfois exigé de privilégier un terme plutôt qu’un autre dans l’intitulé de nos chapitres. Le vocabulaire propre à chacun·e apparaît néanmoins dans le contenu du chapitre, voire dans l’intitulé des sous-entrées aux chapitres.

Le travail entre octobre 2016 et novembre 2018 a donc consisté en deux mouvements opposés : d’abord compiler tous les passages importants de la manière la plus exhaustive qui soit et les classer en fonction de ces mots clés que nous définissions à travers notre analyse. À l’inverse, au fur et à mesure que nous affinions la compréhension du travail et réduisions ou réordonnions les entrées du glossaire, il a fallu éliminer certains extraits par ailleurs présents dans de trop nombreuses entrées et se délester aussi d’une masse de témoignages qui parfois noyait ce qui nous semblait devoir être saillant.