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La dimension partitionnelle de la chorégraphie située

Si l’analyse de la place occupée par la ville et celle des formes de sociabilité produites informent quant aux composantes de l’œuvre ou quant à la nature des situations produites, il s’agit de réfléchir aussi à la dimension partitionnelle de ces chorégraphies situées. C’est d’un degré subtil de la composition que j’aimerais parvenir à rendre compte. Mes analyses se sont attachées par exemple à décrire la structure de ces œuvres en forme de marche ou balade en mettant en évidence les différentes parties qui les sous-tendent : cette composition constitue la part constante de la définition de l’œuvre – sa trame ou son ossature, quel que soit le lieu de sa réalisation. C’est pourquoi la mettre en évidence est nécessaire, afin de parvenir à définir, dans leurs grands traits, les formes chorégraphiques de ces œuvres : leur durée globale, l’organisation en parties successives, le rapport des parties entre elles, l’émergence de temps forts ou pas, leur mouvement général (ascendant, en boucle, répétitif, etc.). Mais ce qui caractérise ces œuvres, c’est bien tout autant une « composition avec les circonstances », c’est-à-dire des réajustements permanents de la trame au présent. Aussi, à côté de la composition macro-structurelle, il faudrait pouvoir parvenir à décrire ce qui relève d’un mode micro-structurel : celui qui permet d’interagir d’une façon singulière – c’est-à-dire sur la base d’un savoir cognitif et expérientiel plus ou moins conscient – avec les événements du présent. On est là face à un degré du partitionnel beaucoup plus fin qui concerne moins les grandes structures d’ensemble que les mécanismes de décisions qui orientent l’attitude de l’interprète. Ces mécanismes constituent les manières de faire propres à un·e artiste. Ils ont à voir, à ce titre, avec les pratiques qui sous- tendent ces œuvres : pratiques somatiques, dansées, graphiques, littéraires, méditatives, etc. Or ces pratiques relèvent elles-mêmes, bien souvent, d’une structure compositionnelle dite partitionnelle.

Par exemple, comme le rappelle Laurence Louppe, on peut rapprocher la dimension partitionnelle (aussi bien macro-structurelle que micro-structurelle) contenue dans les scores d’Anna Halprin de celle contenue dans les consignes données à voix haute dans une leçon Feldenkrais8. On est dans les deux cas face à une succession d’instructions qui guident l’interprète (qu’elles soient transmises oralement ou par écrit). On peut par ailleurs penser à toutes les pratiques dansées reposant sur des contraintes (comme cela existe aussi dans la littérature, la musique ou les arts visuels), parmi lesquelles on trouve les tâches (ou tasks)9. Il y

8 Cf. note 1 du chapitre 4 : « Composition : la fabrique des œuvres ».

9 « Tâches et contraintes orientent les façons de travailler le geste : inventer des matériaux gestuels (de

nouvelles coordinations, de nouvelles mobilités de certaines parties du corps, etc.) ou bien trouver de nouveaux chemins pour interpréter le mouvement. On aurait pourtant tendance à dire que la tâche diffère de la contrainte ou qu’elle apporte une forme de nuance : d’abord, la contrainte semble souvent (mais il y a des exceptions) se rapporter à l’effectuation du mouvement par une indication kinesthésique (de force, de poids, de temps, d’espace), alors que la tâche pourra orienter l’effectuation du geste en définissant plutôt sa finalité, sa visée. Ensuite, malgré la polysémie du terme, la tâche continue de charrier avec elle l’idée d’un geste fonctionnel ou quotidien, ou encore d’un mouvement qui s’effectue en lien avec un objet, alors que la contrainte peut concerner tout type de mouvement. On aura à ce titre tendance à privilégier une définition du terme “tâche” en référence précisément à l’héritage d’une culture chorégraphique qui date de la fin des années 1950 aux États-Unis. La “tâche” pourrait certes qualifier

a là bel et bien une forme d’articulation entre la composition et les pratiques (voire dans certains cas d’indistinction10), dès lors que nombre de ces pratiques sont basées elles-mêmes, non plus sur des exercices ou des échauffements ni sur une technique répertoriée, mais sur des instructions ou des structures d’activité : elles consistent déjà en un programme d’actions. Par action, il faut ici entendre aussi bien des activités à accomplir que des compétences sensorielles ou une conscience imaginante à déployer et mettre en jeu en vue d’une activité. Bien souvent, ce sont ces mêmes pratiques qui seront enclenchées lors de l’activation de l’œuvre, que ce soit par les artistes ou par les spectateurs-participants. C’est donc bien le statut des pratiques au sein de l’acte créateur qui est ici mis en question : il ne faut plus entendre « pratique » au sens d’un exercice préparatoire, quotidien, habituel, mais saisir la façon dont la pratique peut aussi s’inventer à l’occasion de projets précis auxquels elle donne forme. Les chorégraphes contemporains auxquels je m’intéresse n’emploient d’ailleurs plus le mot d’« atelier11 » : le travail semble donc moins rapporté à un lieu ou un groupe qu’à l’activité même, qui se trouve de ce fait moins circonscrite dans un espace-temps défini. Le terme même de « pratique » semble alors signaler à la fois la possibilité de pratiquer la danse en toutes circonstances (et non dans un lieu clos et réservé) et l’abandon d’une séparation trop marquée entre un temps préparatoire et l’activation de l’œuvre. La démarche exploratoire est en effet déjà structurée et pensée en fonction d’une adresse à autrui, d’une micro-dramaturgie. La pratique est donc le nom à la fois d’une activité qui sous-tend l’œuvre et de la matière qui la constitue : elle contient déjà une logique compositionnelle propre12. Et si elle circule dans différents lieux et temps de

aussi les actions au théâtre (Living Theatre) ou dans les happenings (Allan Kaprow, fluxus), ou les performances de plasticiens (Robert Rauschenberg, Bruce Nauman, Richard Serra, Gordon Matta-Clark ou Robert Morris, etc.). Ce sont en fait des artistes qui ont côtoyé de près les interprètes et chorégraphes new-yorkais·es des avant-gardes des années 1960. Ils ont pour certains participé aux ateliers d’Anna Halprin ou Robert Ellis Dunn où la pratique de la “tâche” s’est développée. C’est en tout cas à ces avant- gardes américaines que le terme “tâche” semble d’abord renvoyer. En revanche, on pourrait dire que le terme “contrainte” puise à une culture plus vaste : une culture littéraire, lorsque Laurent Pichaud mentionne la contrainte chez Georges Perec ; une culture musicale, lorsque Myriam Gourfink ou Rémy Héritier emploient le mot “filtre”, autrement dit une façon de passer au tamis les composantes d’une danse ou d’une chorégraphie et d’en sélectionner certaines plutôt que d’autres. Enfin, contrairement à la “tâche”, le terme “contrainte” ne s’applique pas uniquement au mouvement. La musique est par exemple parfois qualifiée de contrainte de départ pour composer (DD Dorvillier, Thomas Hauert, Loïc Touzé) », Julie Perrin, introduction au chapitre « Contrainte », in Yvane Chapuis, Myriam Gourfink, Julie Perrin,

Composer en danse. Un vocabulaire des opérations et des pratiques, I.4.

10 On a vu au chapitre 1 que Myriam Lefkowitz considère Walk, Hands, Eyes (a city) et Et sait-on jamais

dans une obscurité pareille ? autant comme des pratiques que comme des œuvres.

11 Le terme apparaît dans la danse moderne pour nommer cet espace de travail où s’expérimente le

mouvement. Laban ouvre son premier « Atelier pour la danse et les arts de la scène » en 1912 (Atelier für

Tanz und Bühnenkunst), cf. Isabelle Launay, À la recherche d’une danse moderne, op. cit., p. 14.

Notons que le terme « atelier » renvoie couramment autant au lieu où s’exécutent des travaux ou activités que par métonymie à l’ensemble des personnes qui y travaillent.

12 Sur ce déplacement des pratiques en danse, on trouvera par exemple des témoignages instructifs

d’artistes chorégraphiques dans la revue Watt. Dance & Performance, Paris : association White Spirit, n° 2, mars 2018. Et en particulier : « Moriah Evans : Qu’est-ce qu’une pratique ? Qu’elle est la différence entre un exercice, une pratique, l’expérimentation d’une idée, une partition… ? […] Alice Chauchat : On a tendance à utiliser [pour qualifier l’activité organisée dans le cadre de la plate-forme Nobody’s Business,

ce qui constitue le travail de l’art, c’est parce que sa dimension partitionnelle lui permet le plus souvent d’être activée à différents moments et pour différents lieux.

Aussi, le récit à la première personne que les chercheur·euse·s peuvent constituer à partir de leur traversée des œuvres chorégraphiques situées en forme de marche est-il sans doute plus proche de la description d’une pratique dansée ou somatique que ce qu’a pu connaître la critique d’art plus traditionnelle : si l’analyse requiert toujours de rendre compte de l’expérience en tant qu’art, dégager les seuls enjeux artistiques d’une activité reviendrait à passer à côté de l’essentiel de l’expérience. Il me semble que l’analyse est tenue d’articuler aux enjeux artistiques au moins deux autres aspects de l’expérience qui tiennent davantage d’une analyse des pratiques que d’une analyse artistique ou esthétique. Il s’agit premièrement de rendre compte de l’expérience du sujet, et ceci à trois niveaux : au niveau sensori-moteur (une expérience motrice, sensorielle et kinesthésique, perceptive et proprioceptive) ; au niveau imaginaire (les effets de cette expérience sur l’imagination) ; au niveau du sens (la signification que le sujet peut tirer d’une telle expérience et l’expressivité qui la sous-tend). Deuxièmement, il s’agit aussi d’analyser les soubassements de cette expérience, selon deux axes. Le premier concerne l’examen de la structuration de l’expérience : les étapes par lesquelles elle fait passer, la progression qui la caractérise (de même qu’un cours de danse ou qu’une séance de pratique somatique suit un cheminement caractérisé). Le second axe concerne la façon dont l’expérience est conduite : on examinera ici l’inventivité dans la transmission d’un savoir pratique (quels sont les moyens mis en œuvre ?) mais aussi, du point de vue éthique et politique, on s’interrogera sur la relation instaurée avec le sujet par l’artiste. Comme dans la situation pédagogique, dans ces œuvres relationnelles, la latitude laissée au sujet pour traverser son expérience esthétique varie : la place accordée à son expérience singulière prend forme selon des protocoles plus ou moins coercitifs, ouvrant des marges plus ou moins grandes d’incontrôlé. Cette description à la première personne requiert certainement les compétences d’une analyse des pratiques depuis leur expérience-même.

Il se trouve que ces pratiques micro-structurelles sont rivées aux circonstances et construisent la relation qui va s’instaurer avec une situation. Quand bien même elles s’adresseraient en apparence d’abord à la corporéité, à la sensation, ou à la proprioception (à la pondéralité, à la posture, etc.), c’est pour construire un corps relationnel ou un sujet qui aiguise sa compétence à percevoir alentour, à agir en réaction avec l’environnement ou à modifier son tonus, son attention, la vitesse de son mouvement, sa réceptivité aux choses, etc. en fonction de l’appréciation de la situation. Si « le but du cours de composition est, pour Doris Humphrey,

plate-forme de partage de pratiques artistiques conçu en 2015] quatre mots d’affilée, par exemple “des danses, des partitions, des pratiques ou des choses que l’on fait”. La terminologie n’est délibérément pas très précise pour éviter les discussions sémantiques. […] Moriah Evans : Nous partageons diverses technologies/pratiques qui sont devenues des formes, presque comme des pas de danse. [… Authentic

movement] est une technologie, semblable à celle des grands pliés. », in Moriah Evans, Alice Chauchat,

« Partage horizontal. The Bureau for the Futur of choreography > Nobody’s Business », p. 9-10 puis p. 37- 38.

de trouver du mouvement neuf, que l’on découvrira à partir de certains principes », de son côté la « pratique » vise moins la fabrication d’un mouvement comme figure à exposer, que la constitution d’une attitude adaptée à la circonstance : une coordination perceptive et motrice capable de se réinventer dans le présent de la situation. Ces pratiques déterminent donc la nature de ces « compositions avec les circonstances » donnant sa couleur propre à la situation composée par l’acte chorégraphique. Elles instaurent sur la durée des manières de faire propres à une (ou plusieurs) pièce(s). Ces pratiques qui fondent la relation à l’environnement (aussi bien au lieu qu’à autrui) sont à même d’éclairer comment l’environnement lui-même est considéré comme une partition à interpréter. Mon article « Une lecture kinésique du paysage dans les écrits de Simone Forti » (V.30) annonçait cette perspective d’analyse. Celui intitulé « Anna Halprin : expérimenter avec l’environnement sur la côte Ouest en 1968 » envisage plus directement comment l’environnement peut être pris pour partition lors des expérimentations urbaines, océaniques et sylvestres de Lawrence et Anna Halprin (III.11, p. 119).

Cette idée me semble devoir être explorée plus largement pour saisir véritablement les ressorts de la chorégraphie située. Il s’agit de comprendre comment (ou à quel degré) l’environnement intervient dans la dimension partitionnelle de la chorégraphie. L’environnement comme partition est une autre façon de formuler, au fond, cette relation de la chorégraphie à la situation qui hante la plupart de mes travaux sur la chorégraphie située. La formulation hérite évidemment des courants compositionnels qui se sont développés à partir des années 1950 aux États-Unis – aussi bien dans le champ musical, chorégraphique, théâtral ou de la performance. Le rôle joué par John Cage et en particulier les cours de composition musicale expérimentale qu’il propose à la New School for Social Research à New York de 1956 à 1958 et en 1959-60 sont déterminants, en particulier quant à l’idée que l’on peut tirer une structure chorégraphique de nombre d’éléments qui nous entourent. C’est ce que développera Robert Ellis Dunn auprès des artistes chorégraphiques, sur la suggestion de Cage, lors d’ateliers de compositions qui seront le point de départ du Judson Dance Theater (1962-1964). À cette période, Trisha Brown imaginera, par exemple, la structure d’une improvisation avec Simone Forti à partir de l’architecture d’un four à bois13. Il s’agit dans l’atelier de Dunn de traduire en notation graphique – qui deviendra la partition chorégraphique – la source (que ce soit une partition musicale de Satie ou Cage, un texte, un poème, un tableau, des photographies, une liste de courses sur laquelle on s’appuie, etc.). Cette traduction toute personnelle passe par trois opérations : compter, mesurer et comparer14. Il s’agit toujours de rendre les structures objectives… et humaines à la fois.

13 Klaus Kertess, « Story about no Story », in Hendel Teicher (dir.), op. cit., p. 72.

14 Sur les pratiques compositionnelles mises en place par Dunn, en particulier autour de trois gestes :

compter, mesurer et comparer, quand il s’agit de créer des danses à partir d’une source visuelle (dessin, partition musical, photographie…), cf. Danielle Marilyn Bélec, « Robert Ellis Dunn: Personal Stories in Motion », Dance Research Journal, 30/2, fall 1998, p. 18-38.

Julie Sermon range cet usage de la partition sous la dénomination « faire partition de tout » :

« Si tout peut faire partition et si, à partir de ce tout, les artistes peuvent engendrer toutes sortes de partitions ou d’œuvres nouvelles, c’est à une double condition. La première est que le matériau – écrit, sonore, visuel – qu’ils qualifient de la sorte soit conçu par eux non pas seulement comme une source d’inspiration, mais comme un terrain d’observation, un objet à la conformation particulière dont ils s’appliquent à repérer les éléments et les traits caractéristiques. La seconde est que l’étude de cet objet les conduise à extraire un ensemble de règles – de composition ou d’exécution – auxquelles ils se plient méthodiquement : quelle que soit la nature des relations (logiques, analogiques, mais tout aussi bien, complètement ludiques et arbitraires) que ces règles entretiennent avec la matrice originelle, c’est cette dernière qui plus ou moins directement leur permet de définir les modalités de production, de fonctionnement et de mise en jeu de leurs œuvres. [Autrement dit] “faire partition de tout”, c’est-à-dire : considérer comme des partitions, non plus seulement des objets dûment conçus comme tels, mais tout objet à partir duquel et en fonction duquel ils vont déterminer un programme d’actions, une série d’instructions et de règles de jeu destinées à structurer leur travail15. »

Ce sont bien ces deux aspects qui m’intéressent : d’une part, comment l’environnement fait l’objet d’une observation, d’une analyse singulière (comment les artistes envisagent-ils leur environnement ?). En effet, il ne s’agit plus aujourd’hui comme dans l’atelier de Dunn de mesurer, compter et comparer pour en tirer la structure d’une chorégraphie. Les modes d’observation se sont largement déployés et diversifiés. Leur inventaire reste à faire. D’autre part, comment cette observation s’articule-t-elle avec un programme d’actions, d’attitudes ou de dispositions particulières ? On retrouve là les opérations de traduction mentionnées au précédent chapitre – celles qui permettent de signaler la nature des interactions entre des sujets et leur environnement humain ou non-humain. Contrairement à l’atelier de Dunn, il ne s’agit plus forcément de donner lieu à une notation graphique à partir de l’observation. Ce qu’on appelle « partition » n’a donc pas forcément d’existence graphique, mais relève plutôt de consignes orales, mais parfois aussi de mécanismes moins conscients qui consistent à répondre d’une façon plutôt que d’une autre à une situation. Pour autant, il n’est pas forcément évident de distinguer ces deux aspects – l’observation puis sa traduction en règles d’exécution ou de composition – dès lors que l’observation de l’environnement peut d’emblée être effectuée à partir de protocoles, d’exercices, de pratiques qui induisent une découverte comme une construction de la situation. Autrement dit, la partition (ou la pratique selon la logique partitionnelle) ne répond pas toujours au processus proposé par Julie Sermon : l’observation peut elle-même faire l’objet d’un protocole partitionnel – elle est en tous cas forcément médiée, et il importe de savoir comment. Aussi, l’expression « composer la ville », pour reprendre le titre d’un des textes que j’ai rédigé concernant Mathias Poisson et Alain Michard, ne renvoie pas

15 Julie Sermon, op. cit., p. 186.

Voir également l’entretien Antonia Baehr, Yvane Chapuis, « Tout peut être regardé comme partition », in Julie Sermon et Yvane Chapuis (dir.), op. cit., 2016, p. 351-358.

seulement aux constructions en interaction avec la situation urbaine que l’œuvre propose aux participants, mais bien aussi à la façon dont l’œuvre, plus largement, est sous-tendue par des pratiques (artistiques) d’observation donnant forme à la ville (ramper selon des règles particulières, explorer les yeux fermés, récolter des éléments du lieu, dessiner de mémoire, chanter la ligne d’horizon16…). Ces pratiques sont déjà, dans la plupart des cas, partitionnelles. Elles pourront donner naissance ultérieurement à d’autres règles qui pourront fonder la structure de l’œuvre et son exécution.

Pour avancer plus finement dans la compréhension des interactions avec l’environnement et de la construction de situations, il conviendrait donc de pouvoir rendre compte des processus où se tissent pratiques et structurations de l’œuvre (praxis et poièsis) : de prendre la mesure de la portée compositionnelle des pratiques mêmes. C’est sans doute la condition pour saisir comment des situations sont composées à partir d’un acte chorégraphique. Et pour mettre en lumière le sens d’une activité, dont la nature compositionnelle est porteuse.

2. Quatre méthodes d’analyse des logiques compositionnelles

Cet intérêt pour les modes de composition et plus largement les processus de création qui sous-tendent les œuvres est plus ancien dans ma démarche. Il s’est formulé ainsi : « Comment articuler l’analyse esthétique à l’étude des processus de création ? » Cette question a conduit à envisager les liens entre l’analyse esthétique et l’analyse des pratiques. Je présenterai brièvement comment cet axe de travail s’est développé, en mettant en évidence quatre méthodes d’analyse possibles. Il y a en effet différentes façons de rendre compte de la fabrique des œuvres, qui sont non exclusives les unes des autres.