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Un manga conventionnel à l’esthétique originale

Première partie

1. JoJo, un shōnen manga célèbre pour ses impressifs graphiques

1.3 Un manga conventionnel à l’esthétique originale

Cependant, JoJo se distingue des autres mangas publiés dans Jump par plusieurs aspects. Tout d’abord, l’histoire de JoJo débute en Angleterre dans les années 1880 et ses premiers personnages sont Britanniques et non Japonais. Cela permet à Araki de développer une ambiance de roman néogothique, en particulier

dans la version française des mangas.

96VoirSONTAG Susan, « Notes on “camp” », in Against Interpretation, Farrar, Straus and Giroux,

1964. [En ligne : http://faculty.georgetown.edu/irvinem/theory/Sontag-NotesOnCamp-1964.html]. Consulté le 25 juin 2017.

dans les décors. Cette tonalité particulièrement sombre est renforcée par la présence de nombreuses scènes relevant du genre de l’horreur, Araki prenant un plaisir manifeste à dessiner avec force détails les nombreuses manières dont un corps peut être abîmé ou détruit, n’épargnant au lecteur aucun démembrement ou crâne défoncé. Si des mangas d’horreur comme ceux de Mizuki Shigeru 水木しげる

(1922-2015) ou ceux d’Umezu Kazuo 楳図かずお (né en 1936) ont été publiés dans des magazines de shōnen manga depuis les années 1960, ils restent minoritaires dans la plupart de ces magazines, y compris Jump.

Certains des traits les plus originaux de JoJo sont apparus au fil du temps. Tout d’abord, la série est formée à ce jour de huit parties mettant en scène des personnages différents, à des époques et dans des cadres variés. On a vu que la première partie de JoJo (Fantomu Buraddoファントムブラッド, Phantom Blood97,

1987),qui correspond aux 44 premiers chapitres, met en scène Jonathan Joestar dans l’Angleterre de la fin du XIXe siècle (fig. 22 à 34). La deuxième partie, qui

correspond aux 69 chapitres suivants (Sentō chōryū 戦闘潮流, Battle Tendency,

1987-89) a pour héros le petit fils de celui-ci, Joseph Joestar ジョセフ・ジョースタ ー (Josefu Jōsuta), et se déroule en 1938 en Italie (fig. 35 à 42). La troisième partie (Sutādasuto kuruseidāsu スターダストクルセイダース, Stardust Crusaders, 1989-92)

compte 152 chapitres et se déroule en 1989, c’est-à-dire à l’époque de la publication (fig. 43 à 55). Son héros, Kujō Jōtarō 九条承太郎, le petit-fils tokyoïte de Joseph,

part en Egypte avec ce dernier pour éliminer Dio, qui s’est réveillé. La quatrième partie (Daiyamondo wa kudakenai ダイヤモンドは砕けない, Diamond is unbreakable,

1992-95) comporte 174 chapitres et se déroule pour la première fois au Japon, dans la quartier imaginaire de Moriōchō (杜王町, orthographié Morioh dans la version française), en 1999 (fig. 56 à 75). C’est l’oncle de Jōtarō, le lycéen Higashikata Jōsuke 東方丈助, qui est cette fois le héros. La cinquième partie (Ōgon no kaze黄 金の風, Golden Wind, 1995-99) compte 155 chapitres et suit l’histoire de Giorno

Giovanna ジョルノ・ジョバァーナ― (Joruno Jōbāna), le fils du maléfique Dio, en

97 Les six premières parties ont été renommées lors de leur parution en volumes, puis parfois à

nouveau lors de leur parution en format de poche. Nous avons donné dans le texte les titres sous lesquels les cinq premières parties sont connues aujourd’hui. Pour référence, voici leur titre au moments de leur parution en magazine : 1 - Jonasan Jōsutā – sono seishun ジョナサン・ジョース ター ―その青春, La jeunesse de Jonathan Joestar. 2 - Josefu Jōsutā – Sono Hokoritakaki Kettō ジ ョセフ・ジョースター ―その誇り高き血統, La glorieuse ascendance de Joseph Joestar. 3 -空条承 太郎 ―未 来への遺産, Kūjō Jōtarō – Mirai e no Isan, Kujō Jōtarō – Un héritage pour le futur. 4 -

東方丈助, Higashikata Jōsuke. 5 - ジョルノ・ジョバァーナ―黄金なる遺産

,

Joruno Jobāna – Ōgon

2001, en Italie (fig. 76 et 77)98.

Cette division présente plusieurs caractères originaux. En effet, non seulement chaque partie a un héros différent, mais encore le héros de la première partie est déjà mort quand commence la deuxième. La mort du héros dans une série en cours n’étant évidemment pas une chose courante, Araki a donné au héros de la deuxième partie, Joseph, une apparence très similaire à celui de la première partie, Jonathan, pour ne pas trop décontenancer ses lecteurs, tout en dotant Joseph d’une personnalité très différente de celle de son grand-père Jonathan. L’utilisation de cadres géographiques et historiques différents a également donné à Araki la possibilité d’explorer des univers qui l’intéressaient depuis longtemps et qui n’étaient pas habituels dans les shōnen manga. Les déserts dessinés dans la troisième partie sont par exemple une réminiscence des films de western mettant en scène Clint Eastwood, qu’adore Araki. Par ailleurs, chaque partie suit un développement narratif différent. Ainsi, par exemple, la troisième partie prend la forme d’un voyage exotique, tandis que la quatrième partie se déroule entièrement dans le quartier de Moriōchō et s’attache à la vie quotidienne des héros lycéens.

Araki a expliqué que ses influences ne se limitent pas aux mangas, mais qu’elles incluent également le cinéma. Il cite souvent Clint Eastwood, mais de façon plus profonde peut-être, l’une des clés de sa conception de la mise en scène est semble-t-il à chercher dans sa lecture des entretiens de Truffaut avec Hitchcock. Il la crédite en effet pour sa prise de conscience de nombreux effets de cadrage ou d’enchaînement99. Les références de manga qu’il cite sont quant à elles très

classiques, puisqu’il évoque avant tout des auteurs des générations précédant la sienne, tels que Yokoyama Mitsuteru 横山光輝 (1934-2004). Celui-ci a créé de nombreux mangas à succès, comme Tetsujin nijūhachi-gō (鉄人28号, L’homme de fer numéro 28), qui a marqué le début de l’immense popularité au Japon des mangas de robots. Cependant, c’est en particulier Babiru nisei (バビル二世, Babel II) publié

entre 1971 et 1973 dans Shūkan Shōnen Chanpion, qui a marqué Araki100. C’est en

effet l’un des premiers mangas de science-fiction à mettre en scène un héros

98 Les sixième, septième et huitième parties ont été publiées hors des bornes chronologiques que

nous avons fixées à notre étude, c’est pourquoi nous ne les évoquons pas en détail. Notons toutefois qu’à partir de la septième partie, la continuité chronologique est interrompue. Les événements racontés se déroulent à la fin du XIXe siècle en Amérique, et entrent en contradiction avec les

événements des parties précédentes. Néanmoins, les caractéristiques de l’univers fictionnel de la série telles que les types de super-pouvoirs existant sont conservées.

99 Voir ARAKI Hirohiko, Araki Hirohiko no mangajutsu, op. cit., p 7. 100 Voir ARAKI Hirohiko, Araki Hirohiko no mangajutsu, op. cit., p 36-37.

ordinaire se découvrant des super-pouvoirs et s’en servant pour lutter contre des forces du mal, sur le modèle des comics américains de super-héros. Or la question des pouvoirs surhumains joue un rôle narratif essentiel dans JoJo.

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