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Des impressifs graphiques en volume

Première partie

4. Une matérialisation des impressifs graphiques dans l'univers diégétique de JoJo

4.2 La représentation de la matérialisation de l’impressif graphique

4.2.1 Des impressifs graphiques en volume

La représentation du mode de production ces pouvoirs est varié en fonction des scènes. Dans les premières scènes montrant Echoes, celui-ci frappe directement

175 Mentionnons qu’une seconde métamorphose d’Echoes a lieu plus loin dans la série, pour donner

naissance à Echoes ACT 3, qui présente une forme humanoïde douée de la parole. Cependant, le pouvoir de celui-ci n’a rien à voir avec le son ou les impressifs. En effet, ce pouvoir, appelé « Freeze », est celui de conférer sur le champ à n’importe quel objet un poids immense, ce qui permet notamment de figer son mouvement (fig. 74).

Tamami, et c’est le coup qui produit les caractères inscrits sur la peau et les vêtements de celui-ci. Le choc produit donc des impressifs graphiques qui sont, au premier abord, impossibles à distinguer des impressifs graphiques habituels. Par la suite, on voit Echoes saisir et projeter contre ses adversaires les caractères d’écriture formant les paroles ou les impressifs, qui apparaissent matérialisés en volume dans une matière qui semble minérale. Lorsqu’ils touchent la peau ou les habits des adversaires, les caractères semblent adhérer à leur surface en perdant leur volume, comme des décalcomanies. La représentation du pouvoir d’Echoes ACT 2 est légèrement différente. En effet, pour matérialiser les caractères, Echoes ACT 2 utilise la matière de la pointe de sa queue, qu’il modèle à sa guise. Une fois atteint l’effet recherché, il doit récupérer les caractères, qu’il pétrit dans ses mains pour reconstituer la pointe de sa queue (fig. 66). Le double état des caractères, en volume ou en « décalcomanies », est cependant le même avec Echoes ACT 2 et avec Echoes ACT 1.

Or la « mise en volume » plus ou moins réaliste des impressifs graphiques est un effet qui a été utilisé par de nombreux auteurs. Ces impressifs graphiques ne diffèrent pas des impressifs graphiques habituels quant à leur usage : bien que présentés en relief, ils n’appartiennent pas à l’espace représenté dans l’histoire et existent dans une autre dimension que le dessin des personnages. La représentation des impressifs graphiques comme des sculptures de pierres est un effet iconique dont l’usage s’est développé d’abord dans les années 1970 dans les shōnen manga, tels que Ringu no kakero (リングにかけろ , Mise tout sur le ring, 1977-81), de Kurumada Masami176. Il s’agissait de conférer un certain impact à des impressifs

graphiques liés surtout aux combats. Par la suite, la manière dont la représentation des impressifs graphiques sous forme de sculptures de pierre en est venue à être vue comme une dramatisation outrée, et cet effet a souvent été employé de façon référentielle, pour connoter une certaine exagération. On en trouve un exemple dans

Boku Tama, où l’on peut voir le choc du personnage exprimé par l’impressif

graphique « gabbīn », dont les caractères apparaissent comme sculptés dans du granite (fig. 143). La graphie utilisée rend compte de l’intensité de l’étonnement de l’enfant qui vient d’assister à une démonstration du pouvoir surnaturel du personnage de Rin, tout en suggérant qu’il fait preuve d’un enthousiasme naïf et

176 Reproduit dans COLLECTIF, Manga no jidai : Tezuka Osamu kara Evangerion made (L'époque

des mangas : de Tezuka Osamu à Evangelion), Tōkyō et Hiroshima, Tōkyō-to gendai bujitsukan (Musée d'art contemporain de Tōkyō) et Hiroshima- shi gendai bijutsukan (Musée d'art contemporain de Hiroshima), 1998, p. 110-11.

d’une réaction légèrement exagérée. Dans Boku Tama à nouveau, on peut même voir un exemple de points d’exclamations matérialisés dans une matière minérale et posés sur la tête du personnage de Rin, qui est vu de dos, pour exprimer sa surprise (fig. 121). L’aspect minéral des caractères formés par Echoes dans JoJo ne peut manquer de rappeler cet effet graphique.

Par ailleurs, il existe aussi plusieurs exemples de matérialisations d'impressifs graphiques (ou de paroles traitées graphiquement comme des impressifs graphiques) qui entrent en quelque sorte dans l’espace diégétique, toujours de façon ponctuelle et en tant que gag. Par exemple, dans le manga humoristique en quatre cases Gyātoruzu (1965-72), de Sonoyama Shunji 園山俊二 (1935-1993) reproduit

dans Manga no yomikata177, l’impressif graphique « uo- » apparaît dans le ciel

comme une matière minérale provenant d’un point à l’horizon, telle une sculpture monumentale. Dans la case suivante, l’impressif graphique commence à s’effondrer, menaçant les personnages. Dans Dokutā Suranpu (Dr.スランプ, Dr. Slump, 1980- 84) d’Akira Toriyama, c’est un cri poussé par le personnage de Kimidori Akane 木 緑あかね qui est écrit à la façon d’un impressif graphique (fig. 15). Pour se venger

de la moquerie proférée à son encontre par un corbeau, elle lui crie « Abrutiiii » (ahō, あほー). La matérialisation des caractères n’est d’abord pas évidente et le

volume des caractères est suggéré de façon discrète. Cependant, dans la case suivante, Akane se saisit de la barre d’allongement vocalique et, dans une troisième case, s’en sert pour frapper le caractère « ho » et l’envoyer sur le corbeau. Dans ces exemples, le fait que les personnages se mettent à voir et à interagir avec des impressifs graphiques constitue le ressort humoristique du gag. De tels gags qui jouent sur la rupture de conventions narratives du manga ne sont d’ailleurs pas limités aux impressifs graphiques, puisque l’on trouve des personnages interagissant par exemple avec les cadres des cases dans des mangas de Tezuka écrits dans les années 1960178.

Dans le cas d’Echoes, on retrouve la matérialisation des caractères avec lesquels les personnages peuvent interagir. Cependant, on constate une différence avec les exemples précédents en ce qu’Araki ne traite pas cette matérialisation

177 Cité par NATSUME Fusanosuke dans OGATA Katsuhiro et NATSUME Fusanosuke (dir.), Manga no

yomikata, op.cit., p. 131.

178 Voir par exemple NATSUME Fusanosuke, Tezuka Osamu wa doko ni iru, Tokyo, Chikuma Shobō,

1995, p. 71-73. Ce type de procédé n’est pas réservé au manga, puisqu’on trouve de nombreux exemples du même genre dans les bandes dessinées aussi bien américaines qu’européennes. En France, la Rubrique-à-brac (publiée de 1968 à 1973 dans le magazine Pilote édité par Dargaud, et publié en cinq albums entre 1970 et 1974) de GOTLIB (1934-2016) en fournit de nombreux exemples.

comme un gag. De plus, même s’il s’agit d’un pouvoir surnaturel, les caractères créés par Echoes sous soumis à certaines lois physiques. En particulier, lorsqu’il existe une permanence des caractères d’une case à l’autre, les impressifs graphiques ne sont pas comme fixés dans l’air et répétés à la même place comme un élément du décor, mais sont manifestement mis en mouvement par Echoes. Dans certains cas, les différents traits composant les caractères sont mis en désordre comme des quilles renversées, soulignant par là leur volume (fig. 61).

4.2.2 Différents niveaux d’impressifs graphiques utilisés sur la même

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