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Un climat de transition aux données impératives

Il nous est connu par les observations régulières faites par la station de Porto Velho, très précieuses par leur seule existence dans une région où l’on ne s’attend guère à trouver des données scientifiques sérieuses, mais très insuffisantes pour caractériser le climat de tout le Territoire

Ces chiffres – qui ne sont pas absolument surs puisqu’on trouve, selon les sources, des variations, peu importantes il est vrai – montrent que le climat de Porto Velho est proche par plusieurs traits de celui de l’Amazonie équatoriale : forte température moyenne (26 °), faible amplitude annuelle, fort total pluviométrique (2 077 mm), forte humidité relative (82,5 %).

Climat chaud et humide donc, mais des particularités apparaissent si l’on prête attention au régime annuel des pluies et températures. Le fait le plus frappant est la présence d’une saison sèche marquée, puisque trois mois apparaissent en dessous de la ligne représentant l’équation P=2T. Dès avril les précipitations décroissent, les mois de juin, juillet et août sont relativement secs, et même très secs pour la région (35, 24 et 31 mm). Les pluies ne reviennent qu’à partir de septembre, pour atteindre un maximum de janvier à mars. Il apparaît ici une légère baisse des précipitations dont on ne sait si elle est réelle ou imputable aux déficiences des statistiques climatiques utilisées, celles de l’Anuário Estatístico de

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plus marquée est déjà une transition vers les climats du plateau central, qui commencent en Mato Grosso, que Köppen classe en Aw et G. Viers en climat soudanien. Le climat de Porto Velho réalise donc déjà une transition entre ces deux climats, et l’on voudrait pouvoir préciser comment se fait le passage. Il est probable que l’on pourrait noter une différence sensible entre Calama et Vilhena (où s’exerce en outre l’influence de l’altitude).

Tableau 1 Données climatiques de Porto Velho

Mois Température de l'air Humidité Précipi- moyennes absolues relative tations max. min. max. min. (%) mm Janvier 31,8 20,9 37,2 17,2 88,2 238,9 Février 32 21 36,2 18 88,3 305,6 Mars 32,1 21 39,6 17,6 87,8 305,4 Avril 32,2 21 37,1 18,4 87,3 243,9 Mai 32,3 21,2 36,8 12,7 84,5 124,4 Juin 32,6 20,7 36,6 11,8 79,9 35,5 Juillet 33,6 19,7 37,9 12,8 72,9 24 Août 35,6 18,7 40,9 11,3 70,4 31,6 Septembre 35,1 19,8 39,4 12,1 76,8 111,5 Octobre 34,1 20,9 39,4 17,7 81,6 159,1 Novembre 36,1 21,2 39,7 18 85,3 159,1 Décembre 32,1 21,2 40,9 18,2 87,5 189,2 Total 33,1 20,6 40,9 11,3 82,5 2077,7

Source : Service météoroogique

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Proche du climat de Manaus ou d’Iquitos par le régime des pluies et des températures, le climat de Porto Velho s’apparente à celui de Cuiabá et du plateau brésilien par la présence d’une saison sèche qui n’est qu’esquissée à Manaus, et il est probable que cette parenté s’accentue à mesure que l’on va vers le sud (ces ressemblances apparaissent sur les diagrammes n° 4 et 5). Notons encore que le Rondônia s’apparente au climat « soudanien » du Mato Grosso par la répétition chaque année à diverses reprises des friagens8, ondes d’air froid venues du sud qui remontent la Vallée du Guaporé-Mamoré, et se manifestent par quelques heures ou quelques jours beaucoup plus froids, brumeux et extrêmement désagréables à cause de la très grande humidité : ce phénomène explique les minima absolus très bas des mois de mai à septembre, voisins de 11 °.

Graphique 5 Diagrammes ombro-thermique de Manaus et Cuiabá

Cette situation de transition entraîne d’importantes conséquences. Nous avons vu que la végétation naturelle est la forêt dense, qui recouvre toute la région, la rattachant à la région amazonienne. Mais cette forêt présente quelques caractères originaux, dus à la saison sèche marquée de juin-août, au cours de laquelle elle souffre d’un déficit en eau assez net. On a pu établir un bilan hydrique selon la méthode de Thornthwaite (graphique n° 6)

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Graphique 6 Bilan hydrique à Porto Velho

Méthode de Thornthwaite, 1965

Il apparaît clairement que la saison sèche se traduit par une souffrance physiologique des plantes, croissante qui culmine en août, l’eau contenue dans les sols s’épuisant rapidement. Mais dès septembre, et jusqu’en mai un large excédent en eau est visible. I1 y a donc, dans une situation générale d’humidité forte, une période sèche, qui conditionne le rythme des travaux agricoles de façon déterminante sans doute plus que l’hiver en pays tempéré, à ceci près qu’il s’agit d’une période de suractivité et non de repos. Pendant .ces mois l’on peut plus facilement pénétrer la forêt, la débroussailler, abattre les arbres et surtout les brûler, ce qui est très difficile durant le reste de l’année à cause du nombre élevé de jours de pluie. En juin et juillet, les arbres abattus sèchent peu à peu, au milieu des vastes étendues toujours vertes apparaissent des zones quadrangulaires jaunies. Au mois d’août d’énormes feux les signalent à l’observateur qui voit les routes jalonnées de colonnes de lourde fumée grise. En quelques jours, de milliers d’hectares brûlent, on vit dans la fumée et les cendres, dans une frénésie incendiaire que justifient les pluies prochaines annoncées par des nuages de

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plus en plus bas. Le choix du moment du brûlis est délicat : quelques jours trop tôt, le bois n’est pas sec, les gros troncs ne brûlent pas, il est très difficile de planter des graines dans un sol qui n’a pas encore reçu les premières averses. Trop tard, le brûlis échoue, le feu ne prenant pas dans les feuilles détrempées, et la saison agricole est perdue. Alors les pluies commencent, qui font germer les graines, mais aussi coupent les chemins.

Toute la vie agricole, mais aussi la circulation (activités vitales pour ce territoire où l’agriculture est l’activité principale et la route le cordon ombilical), dépendent donc de ce rythme annuel des pluies, si marquant qu’il conditionne la psychologie de tous, agriculteurs ou non. Avec la fin des pluies, le retour du ciel clair, la boue commence à sécher, l’exaltation des grands travaux s’installe, on attaque la forêt, nivelle les routes, entreprend des constructions et des voyages avec une énergie que l’on ne se soupçonnait pas. Le vocabulaire même est modifié : bien que nous soyons dans l’hémisphère sud, on parle d’« été » pour les mois de juin-juillet-août et d’hiver pour décembre-mars, tant l’idée d’hiver est encore associée à celle d’inactivité forcée, donc aux pluies. Nous avons affaire, par conséquent, à un rythme qui n’est déjà plus amazonien, dans un milieu qui l’est par bien des aspects, et principalement par la végétation.

Photo 10 Brûlis récent

Photo Hervé Théry, 1974

Il y a donc une certaine originalité de notre région dans l’ensemble amazonien dont, de ce point de vue, elle est la marge. Elle tient à un phénomène majeur, la période sèche qui rythme la vie de tous d’une façon très contraignante, en même temps qu’il offre au défrichement, à la construction et à tous les travaux, des conditions exceptionnelles, même si elles sont brèves. La nature présente donc en Rondônia aux hommes qui l’abordent des possibilités un peu différentes, en leur imposant – le mot n’est pas trop fort pour qui a vu les fondrières transformer les routes en pièges gluants pour les camions, et les champs en bourbiers – un rythme annuel précis. Mais leur offre-t-elle un potentiel différent pour leurs travaux ? Comme le plus important de ces travaux est l’agriculture, la question importante est celle des sols : qu’en est-il en Rondônia ?

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