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Le moins que l’on puisse dire est que leur nature est mal connue. L’état des connaissances actuelles se borne à des travaux de l’ancienne station de l’IPEAN (Institut de recherches agro-pastorales du Nord) à Porto Velho. Les résultats sont donnés dans un petit ouvrage de la série Solos da Amazônia (cf. bibliographie) qui décrit bien quelques sols situés à proximité de la BR 29, près de Porto Velho. Hormis ce travail, on ne peut trouver que quelques cartes – qui présentent de notables différences – obtenues par survol aérien combiné avec de trop rares prélèvements. L’Université du Rio Grande do Sul, qui entretient à Porto Velho un « campus avancé » a entrepris un programme d’études qui portera uniquement sur les zones peuplées. L’étude complète ne pourra être faite qu’avec la parution – plusieurs fois différée – des cartes du Radam9, pour la moitié nord du Territoire du moins, et à petite échelle seulement. En attendant il faut se contenter d’informations très vagues et d’une carte, la moins mauvaise, publiée par la Sudeco à partir de missions de l’IPEAN et de l’INCRA. On ne doit pas donner aux contours une valeur très grande, et les sols distingués sont bien évidemment de larges familles, au sein desquelles on pourra découvrir de grandes variations, surtout en fonction de la topographie.

Carte 6 Types de sols

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Malgré tout quelques remarques s’imposent à la vue de cette carte. La première est que la quasi totalité de ces sols est pauvres ou très pauvres, lessivés au point de n’être plus que dés squelettes de sables ou d’argiles, souvent latéritisés en épaisses cuirasses dont le meilleur usage qu’on puisse faite est celui de gravillons sur les routes. Latosols de teintes diverses, au mieux podzols, ici considérés comme de bons sols, par contraste, ces sols ne peuvent devenir des sols agricoles que sous la pression de la nécessité. Les agronomes n’ont pu les classer comme « moyens » qu’en baissant beaucoup le seuil-critère (carte n° 6). Nous retrouvons ici le cas général dans les terras firmes d’Amazonie, dont un rapport de l’IPEAN disait en 1974 qu’elles étaient â 88 % impropres à l’agriculture de type traditionnel.

Ces handicaps, pour lourds qu’ils soient, sont donc ceux qui sont imposés à toute mise en valeur agricole en Amazonie. Mais le Rondônia a la réputation précisément d’être une terre riche, d’avoir d’excellents sols, Et même si la rumeur publique, entretenue par des articles dithyrambiques des revues à gros tirage, a beaucoup exagéré , au point que la revue 0

Cruzeiro titrait un reportage a sensation « Rondônia, l’Eldorado vert », on trouve a la base de

la fabulation quelques éléments de vérité : le Rondônia possède en effet quelques bons sols. Les plus fameux d’entre eux sont les fameuses taches de terra roxa où s’est installé le projet de colonisation Ouro Preto. On les estime à 400 km2 alors que l’Amazonie brésilienne tout entière en compte à peine 10 60010 (Falesi 1970).

Ces sols sont effectivement de bonne qualité et permettent aux agronomes du Projet Ouro Preto – qui les occupe en quasi-totalité11 – d’envisager des productions à long terme, essentiellement du cacao. Mais leur extension limitée, et surtout le fait qu’ils sont entièrement occupés, ne permettent pas de leur faire jouer un rôle majeur dans l’attraction qu’exerce le Rondônia sur les migrants du Sudeste brésilien. D’autres sols, dans la situation générale de médiocrité, sont objectivement attractifs : les podzols de que1ques zones

(essentiellement la vallée du rio Comemoração, la vallée du Machado ou Ji-Paraná sur son cours supérieur et moyen, les vallées des rios Rolim de Moura et Pimenta Bueno). Ces « bons » sols, vite reconnus, sont l’aire préférentielle des occupations illicites.

De ce tableau peu encourageant on peut tirer une deuxième remarque : la coïncidence parfaite des sols meilleurs avec le seul axe routier et le seul axe fluvial qui lui soit grossièrement parallèle (le rio Machado et affluents). Est-elle un miraculeux hasard, alors que la région est encore quasiment inconnue ? Les agronomes locaux conviennent qu’ils ne connaissent que les sols visibles à proximité des routes, simplement parce que partout ailleurs l’accès est impossible. Et les ingénieurs du DNER (Département National des Routes) ont choisi le tracé de la route en fonction des facilités topographiques offertes par les vallées du Ji-Paraná et du Jamari, et nullement pour des considérations pédologiques. C’est donc par hasard que la BR364 est venue couper ces taches de terra roxa au nord de Vila de Rondônia, et il n’est pas absolument interdit de penser qu’il en existe d’autres dans le Territoire, où les affleurements de basalte abondent. De même, peut-être les podzols présents au long de la route et de quelques-uns des rios ne sont-ils pas les seuls. Car si les ressources en hévéa du Rondônia ont été inventoriées empiriquement, mais a peu près complètement, et plus récemment les gisements de cassitérite repérés par les garimpeiros (une carte géologique a même été établie par le DNPM), c’est à une date bien plus récente que l’on a commencé à se préoccuper des possibilités agricoles de la région. La reconnaissance empirique a été bien plus difficile puisqu’il faut dans ce cas défricher, planter, cultiver, récolter, au lieu de constater simplement la présence d’un arbre ou d’un gisement. Elle n’est donc que très peu avancée, et la reconnaissance scientifique, faute de moyens de parcourir cet immense espace à la lithologie et à la topographie compliquées, est à l’état embryonnaire.

10 Italo Cláudio Falesi, USP, Caderno de Ciências da Terra 6, 1970.

11 La presence du cacaoyer sauvage a été le meilleur indicateur de l’extension de ces sols, le « padrão de terra boa » (critère de défintion de bonnes terres).

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Dans l’ensemble les sols sont donc globalement assez pauvres et relativement fragiles. Peut-être le Rondônia bénéficie-t-il, du moins dans la région de Vila de Rondônia, de conditions un peu meilleures. C’est en tout cas ce qu’a pensé l’INCRA, qui a fait de cette région un de ses pôles de colonisation principaux avec le polygone de la Transamazonienne. Mais la qualité des sols n’est pas le seul élément de la décision : il fallait aussi répondre à l’afflux spontané. Cette décision, en tout cas, a eu pour conséquence d’y fixer de gros contingents de population, ce qui a contribué à renforcer l’afflux des immigrants. Mais si la qualité des sols a été l’élément décisif, on ne sait si c’est à elle ou à l’idée que s’en sont faite les responsables – et à la décision qui en a résulté – que l’on doit attribuer l’originalité du développement de la région. Ce ne serait pas la première fois que les « contraintes » du milieu seraient moins importantes que la représentation que s’en font ou veulent en donner les hommes, qui agissent la plupart du temps sur un milieu inconnu dans lequel ils transplantent simplement des techniques ayant réussi ailleurs. En l’occurrence c’est bien ce qui se produit : les posseiros ne peuvent guère s’installer qu’au hasard des terres libres, sans pouvoir choisir de sols meilleurs en utilisant les connaissances empiriques qu’ils ont de leurs terroirs, trop différents, et les agronomes, même brésiliens, n’ont que des critères inopérants à utiliser, dans des conditions totalement nouvelles, sans avoir eu le temps de les ré-étalonner. Les uns comme les autres décident donc en fonction des conditions de circulation, des facilités d’accès et d’écoulement, des facteurs humains donc bien plus que des données du milieu

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