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L’ ouverture de la route Cuiabá-Porto Velho

La nécessité des liaisons directes avec le Mato Grosso et le reste du pays, sans l’énorme détour par l’Amazone, était depuis longtemps ressentie, et diverses tentatives avaient été faites, dont la première fut « l’héroïque picada » (piste ouverte dans la forêt) du Maréchal Rondon.

La picada du maréchal Rondon

Né près de Cuiabá, dans le Mato Grosso, le 5 mai 1865, Cândido Mariano da Silva Rondon, métis d’Indien, après avoir été élève de l’École militaire de Rio, y devint professeur, en 1890. Mais, très vite, l’essentiel de son activité fut la construction de lignes télégraphiques dans le Mato Grosso, dont il fut nommé chef du district télégraphique. Après avoir aidé à construire la ligne Cuiabá-Araguaia, il construisit, en payant de sa personne, les lignes Cuiabá-Corumbá (frontière bolivienne) et Cuiabá-Vila Bela (haut Guaporé). Mais le grand projet de celui qui n’était alors encore que le colonel Rondon était la ligne Cuiabá-Madeira, qui devait traverser près de 1 500 kms de forêt vierge, habitée seulement d’Indiens présumés hostiles, et en tout cas totalement inconnue. Cela permettrait de tracer un chemin qui relierait le Brésil peuplé aux zones avancées de la pénétration par l’Amazone : au lieu d’être un angle, dont un côté serait la côte et l’autre l’Amazone, le Brésil deviendrait alors un triangle, fermé sur lui-même.

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Photo 8 La ligne télégraphique du Maréchal Rondon

Photo Hervé Théry, 1974

Ce projet fur réalisé en trois expéditions successives, de 1907 à 1910, toutes trois conduites par Rondon lui-même, marchant et maniant le sabre d’abattis avec ses compagnons. La première expédition, partie le 2 septembre 1907, arriva jusqu’à la Serra dos Parecis et la limite entre les territoires des Indiens Parecis et Nambikwara, dont il subit plusieurs fois les attaques, sans se défendre, au nom de ses principes positivistes. Une deuxième expédition, partie le 29 juin 1908, atteignit la Serra do Norte, montagne fabuleuse dont parlaient tous les récits de voyages, et qui n’était en fait que la chapada des Pacaas Novas, déjà connue à partir du Guaporé. La troisième expédition partit le 4 mai 1909, atteignit le Ji-Paraná (ou Machado) et le suivit. Le 13 décembre, après avoir parcouru 1 297 kilomètres depuis Cuiabá, Rondon rencontra les premiers seringueiros venus par le Madeira, et le 25 décembre, après 237 jours et 1 314 kms, il rejoignit le Madeira. L’expédition avait exploré tous les fleuves des environs. L’un, d’entre eux, baptisé « rio da dúvida » (« fleuve du doute ») car on ne savait pas où il débouche, fut exploré en 1913 par Rondon et l’ex-président américain Théodore Roosevelt, dont le fleuve a pris le nom. Rondon a relevé tous les reliefs, pris contact avec de nombreuses tribus indigènes ou reconnu leur présence, exploré une région que les cartes d’alors laissaient en blanc, ou dotaient de montagnes et de fleuves fantastiques. En outre, au cours de cette expédition, Rondon put mettre en œuvre les principes de respect des Indiens qui l’amenèrent à entreprendre l’action dont sortit le SPI (Service de Protection des Indiens).

L’expédition laissa derrière elle un fil de fer continu, tendu sur des poteaux de bois ou de fer, dans une picada de 10 mètres de large dans les savanes et de 50 mètres dans la forêt. Un chemin muletier de 6 mètres de large courait le long de la ligne, et tous les 90 kms un poste télégraphique fut installé, avec un gardien. Ce télégraphe, qui joua un certain rôle dans la révolution de 1930, fut suivi très exactement par la route construite plus tard. Quelques postes établis par le maréchal Rondon sont devenus des bourgades ou des villes : Vilhena, Pimenta Bueno (qui servirent de point d’appui à Claude Lévi-Strauss lors de sa mission chez. les Indiens du Brésil Central), Rondônia, Ariquemes. Aujourd’hui encore des poteaux et des fils encore tendus ici et là, et de vieilles postes attestent de cet authentique exploit qui réellement « ouvrit » le Rondônia. Ce n’est donc que justice d’avoir donné au Territoire le nom du Maréchal Rondon.

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La route

Mais une ligne télégraphique, même accompagnée d’un chemin muletier, ne suffit pas à intégrer une région aussi vaste et aussi lointaine : il faut pour cela une route. Elle fut envisagée en 1943, lors de la création du Territoire, et même commencée. Mais, considérée comme l’œuvre de Getúlio Vargas, elle ne lui survécut pas et la construction fut arrêtée à peine commencée en 1945, comme « démagogique », alors qu’elle arrivait à Ariquemes.

En 1956, le présidente Kubitschek, lançant la campagne de la « marche vers l’Ouest », décidait la construction de la nouvelle capitale, Brasília, et l’ouverture des routes Brasília- Belém et. Brasília-Acre, qui devait traverser le Territoire et rejoindre Porto Velho à Cuiabá. Le 4 juillet 1960, en présence du président, est abattu solennellement le dernier arbre qui barrait la route, près de Vilhena, qui ne comprend alors, outre le poste du télégraphe, qu’une unique maison de paille. Le 28 octobre 1960 le premier convoi de camions part de Cuiabá pour Porto Velho, où il arrive le 28 décembre. La route est inaugurée le 13 janvier 1961, mais les relations sont très difficiles, les camions mettant parfois, en période des pluies, près de trois mois à parcourir les 1 500 kms de la route.

C’est pour passer de la picada et de la piste précaire a une route carrossable par tous les temps que le 5 ° BEC (5e Bataillon de Génie et Construction) est installé en 1966 à Porto Velho. Avec des machines puissantes, plusieurs centaines d’hommes, des millions de cruzeiros, le bataillon construit une route en suivant un rigoureux cahier de charges : piste empierrée de latérite broyée, ponts de bois provisoires, puis en béton précontraint. Cette nouvelle voie permettait le passage des camions de marchandises et mettait Porto Velho à deux jours de Cuiabá et à quatre de São Paulo pour les camions et les bus roulant jour et nuit. Avec cette route, numérotée BR 29, toute l’organisation de l’espace du Rondônia est donc modifiée, et ce fut la condition qui permit le développement, dont l’explosion démographique fut le premier signe.

Photo 9 Le 5 ° BEC en action

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