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5 Les problèmes de circulation

Les problèmes de circulation se posent donc différemment selon les régions, essentiellement fluviale dans la plaine tertiaire et la vallée du Mamoré-Guaporé, elle est inexistante dans les chapadas et les problèmes se posent donc principalement dans la zone de bas plateaux ondulés qui constitue, en étendue, la part la plus importante du Territoire et regroupent l’essentiel de sa population.

L’obstacle principal à la circulation y est la forêt, où les problèmes sont différents selon le moyen de transport utilisé. Les piétons et les animaux s’ouvrent sans trop de mal une sente, et doivent seulement traverser – le plus souvent au moyen de quelques troncs jetés en travers – les innombrables igarapés qu’enflent souvent les pluies. Mais quand il s’agit d’ouvrir une route carrossable, les difficultés sont bien plus graves. Les innombrables ondulations de la topographie obligent à de très nombreux travaux de déblai et remblai : ils sont facilités par l’épaisseur du manteau de roche décomposée, qui permet le travail des

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bouteurs, mais a l’inconvénient d’être très sensible au ravinement, si bien qu’on ne compte plus les effondrements de paquets de boue des flancs des tranchées en déblai, ni les portions de routes en remblai emportés par l’igarapé qu’on avait voulu barrer. De plus ces épaisseurs de sables et d’argiles voient les camions s’ensabler ou s’embourber, selon qu’on est en saison sèche ou humide, et une des taches principales du BEC est d’utiliser ses engins de terrassement à tirer les véhicules des ornières.

Parfois aussi la route doit traverser un affleurement de roche saine, granite ou gneiss, et il faut avoir recours aux explosifs, ce qui augmente coûts et délais. Du moins alors trouve-t- on pour quelques kilomètres ce qui fait défaut ailleurs, le gravier pour empierrer la route. Les impératifs du transport sont tels que le plus souvent on a recours a la latérite, heureusement abondante, en cuirasse épaisse : on la broie et on la répand sur la route, mais elle friable, d’où les épais nuages de poussière rouge qui s’élèvent au passage des véhicules, pour se déposer ensuite sur la végétation avoisinante, ou sur les voyageurs résignés.

Évitant les serras les plus importantes et les morros les plus hauts au prix d’innombrables virages, la route ne peut échapper à la traversée des igarapés, en remblai, ni surtout à celle des nombreux rios de l’abondante hydrographie du Rondônia. Le passage des plus importants, le Machado et le Jarú, longtemps fait sur des bacs, a donné naissance aux agglomérations principales de la zone pionnière, que la construction de ponts en béton n’a pas remises en question. Mais dans la plupart des cas le BEC e construit des ponts en bois, qu’il remplace progressivement par d’autres en béton, et dont la chute épisodique rythme les approvisionnements de Porto Velho et des autres villes. Leur très grand nombre, la décomposition rapide du bois sous ce climat mettent souvent en défaut la technique et la rapidité des militaires du Génie.

Malgré tous ces handicaps la route a été ouverte au trafic lourd à travers cette région peu favorable à l’installation et à la conservation d’une chaussée non asphaltée. La volonté d’« ouvrir » le Rondônia et l’Acre, de rejoindre Manaus et la Transamazonienne par l’ouest a été concrétisée par l’installation et le travail du 5 ° BEC. Dès lors qu’il s’agissait d’une volonté de rejoindre au plus court Cuiabá à Porto Velho, on a adopté le tracé le plus direct, qui suit en Rondônia les vallées du Ji-Paraná, depuis la retombée de la Chapada des Parecis jusqu’à Vila de Rondônia et celle du Jamari jusqu’à proximité de Porto Velho, ce qui explique qu’il faille franchir, outre ces deux fleuves, la foule de leurs affluents.

C’est exactement le tracé de la ligne télégraphique du Maréchal Rondon, mais entre les deux vallées une lacune de plus de cent kilomètres dans une topographie confuse, et surtout, avant d’y parvenir, la Chapada des Parecis ont été les obstacles principaux. L’autre axe important, la BR 319 qui relie Porto Velho à Guajará-Mirim, bénéficie de conditions plus favorables : souvent située dans la plaine tertiaire ou la vallée du Madeira-Mamoré, elle a repris le tracé de l’ancienne voie ferrée, qu’elle longe à quelques mètres ou kilomètres et dont elle utilise même les ponts. De même la BR 236 poursuit vers l’Acre sans grands obstacles. Il n’en serait pas de même de la BR 421, dite « route de la cassitérite », qui n’est encore qu’un projet, et qui ouvrirait les principaux gisements de ce minerai et raccourcirait de plusieurs centaines de kilomètres le voyage vers Guajará-Mirim en évitant le détour de Porto Velho et d’Abunã. Mais il faudra pour cela vaincre le passage de la chapada centrale et la construction de cette route est sans cesse remise en question.

57 Carte 11 Routes et villes

Ainsi donc, si le relief, le type d’érosion, la végétation opposent à la circulation des obstacles importants, la volonté d’ouverture, la technique et les crédits qui lui donnent les moyens de se réaliser en sont venus a bout. Mais c’est au prix d’efforts démesurés, d’une lutte de tous les instants de tout un bataillon du Génie, débordé par sa tâche d’entretenir, dans des conditions très difficiles, avec des crédits et des effectifs insuffisants, plus de trois mille kilomètres de routes en Mato Grosso, Rondônia et Acre. Et surtout, si techniquement les obstacles à la circulation peuvent être vaincus, il reste des données du milieu naturel qui ne seront jamais surmontées : l’immensité, les énormes distances que l’on doit parcourir sans cesse en Rondônia comme dans toute l’Amazonie.

Remarquons que le progrès technique dans le domaine des communications et des transports a toujours joué un grand drôle en Amazonie. Le bateau à vapeur y a permis la remontée du fleuve malgré le courant et les crues, le chemin de fer de contourner les rapides du Madeira. Le télégraphe a relié la région au reste du pays, en y faisant parvenir en quelques secondes les décisions et les nouvelles. De nos jours la route, les avions à réaction et les télécommunications par réflexion troposphérique intègrent réellement l’Amazonie au Brésil, en faisant circuler rapidement les marchandises, les hommes et l’information.

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