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Les administrations locales

La très rapide augmentation de la population a eu pour conséquence de déborder complètement les administrations locales, installées alors que le Territoire n’était que très peu peuplé, en marge de l’activité du pays. Le doublement du nombre des administrés entre 1950 et 1960, son triplement entre 1960 et 1974, la multiplication des activités, la conquête de nouveaux espaces ont rendu obsolètes les moyens administratifs et les méthodes de gestion, souvent entachées d’une certaine nonchalance. Traditionnellement le ressort du gouvernement du Territoire ne dépassait guère Porto Velho, sauf pour d’épisodiques tournées – en bateau ou avion – de quelques fonctionnaires accablés. Guajará-Mirim était pratiquement le fief de son maire dont la mouvance s’étendait sur toute la vallée du Mamoré-Guaporé, où il avait pour seuls « concurrents » les militaires du fort Principe Beira et les religieux, souvent français, qui tentaient de remédier par leur assistance à la sous-administration de la région. L’intérieur vide était administrativement une terra nullius où chacun devait pourvoir à sa sécurité et sa santé, mais ou ne pesait aucune contrainte légale au règlementaire.

Le gouvernement du Territoire est resté largement-organisé en fonction de ces tâches restreintes : ses secretarias (ministères locaux) principales, celles de l’administration et des finances, de la sécurité publique, des travaux publics, de l’éducation, de la santé agissent principalement en ville, la secretaria à l’économie, à l’agriculture et à la colonisation (le seul fait que ces trois postes soient groupés prouve le peu d’intérêt qui leur est porté) agissant seule hors du centre à cause de l’existence des colonies du gouvernement à proximité de Porto Velho et à Iata. Plusieurs tentatives en vue de restructurer l’organigramme ont échoué devant l’inertie, le poids des habitudes, mais peut-être aussi le souci de préserver certaines bonnes places. De même, des routines de gestion, des traditions de nonchalance – les bureaux, bien que désormais climatisés, n’ouvrent l’après-midi qu’à 16 heures, pour fermer à 18 heures – un certain laisser-aller de la comptabilité ont résisté aux mises en garde répétées et aux tentatives de réformes promues par le SENAM (Service d’assistance aux municípios). Au-delà des pesanteurs dues à un passe trop calme, les spécialistes de la réforme administrative ont dû parfois constater que ces résistances masquaient dans certains cas le désir de conserver un état de fait qui favorisait les malversations et le pur et simple détournement de fonds publics, si commode dans un budget mal établi et mal surveillé, loin des centres gouvernementaux du pays. Le caractère désuet et routinier des administrations anciennes est apparu de façon éclatante avec l’essor du Territoire depuis 1970.

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L’information même sur ce développement échappe aux services du gouvernement et

a fortiori aux organismes subordonnés. Sa division de géographie et statistique, où la bonne

volonté règne plus que la compétence scientifique, ne publie que les chiffres qu’on lui apporte, presque sans élaboration statistique et graphique, toujours avec retard, laissant le gouvernement sans notion précise de la réalité chiffrée du Territoire, au point qu’il est impossible d’obtenir le nombre d’habitants probables, puisque la seule estimation disponible se fonde sur le projection de la croissance 1960-1971, alors que le flux d’immigrants avait à peine commencé.

Il est évident dans ces conditions que les mairies des deux communes et le gouvernement du Territoire n’ont que très peu de prise sur les mutations en cours, incapables même de les enregistrer, les autorités anciennes sont tout à fait hors d’état d’encadrer et de canaliser les transformations actuelles. C’est si vrai qu’elles ne parviennent le plus souvent plus à assurer leur rôle normal : dans ses glebas l’INCRA construit ses écoles, engage ses professeurs, sans attendre ceux de la secretaria à l’éducation, dont les cadres et le budget sont très insuffisants pour absorber un nombre toujours croissant d’enfants à scolariser. De même, sont créés des postes médicaux, construites les infrastructures nécessaires.

On ne saurait mettre ces insuffisances sur le compte d’une incompétence personnelle des fonctionnaires de ces administrations, ils sont souvent d’un grand dévouement et ont fait longtemps un bon travail. Mais les cadres administratifs et financiers qui suffisaient à gérer le Territoire il y a quelques années sont subitement devenus inadaptés pour continuer ce travail dans une situation très différente. Aussi les tâches normalement dévolues à ces administrations ne sont plus correctement exécutées dons les zones anciennes, qui ont changé, et pas du tout remplies dans les zones nouvelles qui sont apparues récemment. Le tableau n° 1, tiré du PAI (Plan d’action immédiate, cf. bibliographie), en fait le bilan dans la commune de Porto Velho (la situation étant la même dans l’autre, celle de Guajará-Mirim).

Tableau 2 Les compétences administratives

Services publics Territoire Municipe Autres

Travaux publics et urbanisation - + -

Santé publique + + -

Enseignement primaire + + +

Enseignement secondaire + + +

Enseignement technique et commercial - - + Culture, récréation, sports - - -

Assistance sociale - - (1)

Aide aux activités agricoles et pastorales - - (2) Aide à l’industrie et au commerce - - -

Énergie électrique (3) - - Illumination publique (3) - - Eau et égouts (3) - - Communications téléphoniques - - + Transports urbains - - + Circulation + - - Propreté publique - + -

Prévention et extinction des incendies + - -

Foires et marchés - + -

Abattoirs - + +

Police + + -

(1) Légion brésilienne d’assistance et organismes charitables (2) ACAR

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Un rapide examen de ce tableau suffit pour noter que cette liste, incomplète, montre bien des domaines où les autorités territoriales n’agissent pas, les laissant à l’initiative privée ou charitable. Mais on voit aussi apparaître, en particulier pour le domaine essentiel dans la phase actuelle, l’aide aux activités agricoles et pastorales, un organisme fédéral : c’est un cas fréquent, car le développement y repose sur une sur une série d’organismes nationaux agissant dans le Territoire, dans les zones pionnières.