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En 1952 fut découverte la présence de cassitérite (minerai d’étain) en Rondônia : observant le travail de garimpeiros (chercheurs de minerai et cristaux précieux) qui prospectaient, à la recherche de diamants, le cours d’un igarapés traversant son sa propriété, Joaquim Pereira de Rocha remarqua des cailloux rejetés par eux, un minerai dense et noir. Quelques semaines plus tard, il les confiait à un géologue américain de passage, lui aussi à la recherche de diamants, qui les emporta, pour analyse, aux États-Unis. Le laboratoire établit qu’il s’agissait de cassitérite, oxyde d’étain (Sn02), contenant peu d’impuretés.

Pourtant l’exploitation ne commença que plus tard, en 1960, sur une grande échelle. Le bruit s’étant répandu de la présence de riches gisements, une ruée se déclencha, phénomène fréquent dans l’histoire du Brésil. Le nombre des garimpeiros atteignit vite 15 000, dispersés sur trois grands gisements (Massangana, Alto Candeias et Igarapé Preto). Habitant sur le gisement, creusant à la pioche de profonds fossés pour atteindre la couche d’alluvions chargées de minerai, les garimpeiros n’étaient reliés au monde que par l’avion qui apportait matériel et nourriture, et emportait le minerai. Travaillant beaucoup, ils ne gagnaient guère, une bonne partie du profit allant eaux pilotes des avions-taxis, aux commerçants, aux

seringalistas qui, bien que n’ayant aucun titre, se considéraient comme propriétaires de la

terre et faisaient payer une lourde redevance pour le droit d’exploiter le minerai et d’utiliser la piste d’atterrissage qu’ils avaient fait aménager en pleine forêt.

Outre l’extraction proprement dite, la cassitérite avait fait naître en Rondônia une foule d’activités annexes. L’aéroport de Porto Velho recevait alors plus de cent avions par jour (monomoteurs Cessna ou Piper, DC 3, Custer Commander). Ce nombre pouvait atteindre deux cents les samedis et dimanches. En ville les commerces de produits alimentaires, de matériel de garimpo avaient prospéré, de nouveaux magasins s’étaient créés. Et les bars, hôtels, établissements de jeu et de plaisir avaient surgi très vite, car les garimpeiros avaient l’habitude de dépenser fastueusement et bruyamment l’argent gagné dans la semaine. On peut estimer que la cassitérite avait amené plus de 30 000 personnes, doublant ainsi la population du Territoire. Une petite ville pionnière était apparue, Ariquemes, proche des gisements et reliée par la route à Porto Velho.

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Photo 7 Palais du gouverneur du Rondônia et Hotel Rondônia

Destiné aux hôtes de marque du gouvernement du Territoire, l’hotel Porto Velho abrite aujourd’hui l’Université fédérale du Rondônia. Photo Hervé Théry, 1974

Mais cet âge d’or ne dura pas. Les grandes compagnies minières, d’abord établies pour acheter le minerai, le faire raffiner ( à Manaus) et l’exporter vers les usines métallurgiques du Sud, surent convaincre le DNPM (Département National de la Production Minérale) que l’exploitation des gisements par le garimpo n’était pas rationnelle, et que la mécanisation améliorerait leur utilisation et augmenterait la production. De fait les garimpeiros

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n’exploitaient que les parties les plus riches des gisements, laissant derrière eux des quantités considérables de cassitérite, si peu concentrée que l’exploitation n’en était plus passible, alors que les installations mécanisées (dragues ou jets d’eau et tamis mécaniques) traitaient tous les types d’alluvions, même peu chargées, en minerai. Pour ce qui est de la production, les prévisions optimistes des compagnies ne se réalisèrent pas, la production, qui était passée de 2 500 tonnes en 1965 à 5 000 tonnes en 1970, retomba en 1971, avec l’interdiction du

garimpo (qui prit effet le 31 mars), à 3 150 tonnes et n’a jamais plus atteint le chiffre de 1970

depuis, malgré la mise en service de plusieurs nouvelles mines. Alors que le DNPM prévoyait pour 1973 une production de 7 000 tonnes, celle-ci n’a été que de 3 671

Le départ des garimpeiros eut des conséquences immédiates sur la vie régionale. Tous les commerces et services qui vivaient de leurs dépenses durent fermer. Ariquemes tomba en complète décadence et disparut presque, les garimpos retournèrent au calme de la forêt si les mines des sociétés autorisées ne les exploitaient pas : ouvrant aujourd’hui une nouvelle mine, les employés des sociétés trouvent souvent pelles, pioches et tamis rouillés, et les vestiges de camps abandonnés, parfois avec tout l’équipement que les avions ne pouvaient emporter, et que personne n’aurait racheté.

L’aventure de la cassitérite est bien un des « cycles » caractéristiques de l’histoire de l’Amazonie : découverte d’une ressource exploitable, ruée d’une foule d’aventuriers à la recherche de l’Eldorado qui les fera riches, fin brutale et catastrophique. La décision du DNPM d’interdire le garimpo joue ici le même rôle que la chute des cours dans l’histoire du caoutchouc naturel. Cette phase de l’histoire du Rondônia aura toutefois laissé quelques traces : les garimpeiros à la recherche de la cassitérite ont exploré jusqu’au dernier igarapé et on leur doit une connaissance plus poussée du Territoire. L’activité extractive continue aujourd’hui sur les gisements qu’ils ont les premiers découverts. Ils ont également fait connaître le nom du Territoire, ce qui contribuera à augmenter le nombre des immigrants quand le Rondônia sera considéré comme la terre promise, non plus des garimpeiros, mais des paysans à la recherche de terre. Car le reflux du garimpo n’amena pas de diminution de population, les départs étant masqués par l’afflux des agriculteurs, qui commença en 1970.

Mais pour que le Rondônia soit atteint parle flot des immigrants et change complètement sa physionomie, il fallait que soit ouverte la route que le relie au Sud.