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Les administrations fédérales

Parmi ces organismes, certains n’ont qu’une action très spécialisée et sans conséquences directes sur l’organisation de l’espace : capitainerie des ports, perception des impôts, agence postale (bien que les décisions d’implantation d’un bureau de poste soient importantes dans la zone pionnière). Mais d’autres organismes ont un rôle plus vaste que le simple service public : on peut en examiner quelques-uns.

Sucam - (Surintendance des campagnes de santé publique)

Cet organisme, qui regroupe tous les services de lutte contre les endémies (campagne d’éradication de la malaria-CEM, Département national d’endémies rurales-DNERU, etc.) agit sur tout le territoire par des campagnes de vaccination contre la variole, la fièvre jaune, la lutte contre l’ankilostomose et les trachomes, et principalement par la lutte contre la malaria : il est fréquent de rencontrer sur le terrain les équipes de traitement préventif (DDT) et rarissime de trouver une maison, si perdue soit-elle13, qui ne soit marquée du signe de la SUCAM, et régulièrement traitée, ce qui suppose un matériel et une organisation sans commune mesure avec ce que peuvent faire les services de santé du Territoire.

Funai - (Fondation nationale de l’indien)

Cette fondation fédérale a la charge des populations indigènes, du repérage initial à l’intégration complète dans la société brésilienne. Son organisation en Rondônia comprend divers postes, parmi les tribus déjà en contact intermittent ou permanent avec les blancs, et le parc d’Aripuanã dont l’entrée est totalement interdite : la Funai est donc un des principaux « propriétaires » du territoire puisque la constitution fédérale prévoit (amendement 1/69, article IV) que les terres « occupées par les sylvicoles » font partie des « biens de l’Union » et en confie la gestion à la Funai. Dès qu’il y a présence d’indiens, et le cas est fréquent, la Funai est en principe partie prenante dans les décisions d’organisation de l’espace (autorisation d’ouverture de routes, délimitation des zones réservées).

Suframa - (Surintendance de la zone franche de Manaus)

Une agence est présente à Porto Velho à cause de l’extension au Territoire de certains privilèges de la zone franche : dispense des impôts sur les importations (pour la consommation locale), sur la commercialisation des marchandises. Pour appliquer cette réglementation et éviter les fraudes, l’agence contrôle l’entrée, le stockage (grâce à ses entrepôts) et la commercialisation des produits. Ces privilèges contribuent à renforcer l’appareil commercial de Porto Velho en lui donnant un certain nombre d’avantages qui lui permettent une certaine compétitivité.

5 ° BEC) et CFAR

Les militaires du 5ème Bataillon de génie et construction et du Commando de frontière Acre–Rondônia ont un rôle important dans la vie du Territoire. Le 5 °BEC en est le principal employeur, il dispose de son principal parc industriel, et d'un budget égal à celui du

13 Même les plus isolées, comme nous avons pu le constater dans seringais, les mines d’étain, les maisons des

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gouvernement du Territoire. Son siège à Porto Velho, ses compagnies à Vila de Rondônia, Vilhena, Abunã, ses camps disperses en font l'entité publique la mieux implantée dans toutes les zones peuplées, c'est-à-dire au long des routes qu'elle a pour mission d'entretenir. Cette fonction en fait l'un des agents principaux du développement de la région. Le CFAR, implanté en Rondônia à Porto Velho, Guajará-Mirim et au fort Principe da Beira, joue un certain rôle social (assistance médicale et dentaire, transports fluviaux ou aériens par l'intermédiaire de la FAB (Armée de l’Air) qui supplée aux autorités civiles.

DNPM (Département national de la production minérale)

Responsable du contrôle de l’exploitation minière, le DNPM e eu au moins une fois un rôle important dans les destinées du Rondônia, en appliquant l’interdiction de l’exploitation individuelle de la cassitérite, avec les conséquences que l’on sait. Son rôle actuel est d’attribuer les autorisations de recherche et d’exploitation, et de contrôler la production et l’exportation du minerai, essentiellement la cassitérite pour le moment. Le DNPM pourrait avoir une action orientant vers tel ou tel secteur l’exploitation, mais il ne semble pas que ce soit le cas. Son action par ailleurs consiste également en repérage des gisements (or, diamants) qui pourraient être des points d’installation humaine si l’exploitation en était autorisée.

INCRA - (Institut national de colonisation et de réforme agraire)

L’INCRA a en Rondônia deux rôles distincts : d’une part les Projets intégrés de colonisation, ce qui lui donne la maitrise de vastes espaces et de dizaines de milliers de colons, d’autre part le contrôle des distributions de terres publiques, qui constituent l’essentiel des surfaces, rôle très important comme nous le verrons.

Ces organismes, les plus importants des « répartitions fédérales14 », ont donc des rôles divers et inégalement décisifs dans le contrôle de l’espace et du processus de développement, mais ont en commun d’échapper complètement à l’autorité du gouvernement territorial, de le concurrencer parfois, et la somme de leurs décisions en fait un groupe de pouvoir plus important que lui dans l’essor de la région. Leur action est trop peu coordonnée pour qu’ils constituent un centre de pouvoir homogène capable de prendre le relai du gouvernement du Territoire.

Il y a à cela plusieurs raisons. D’abord le fait que leur action porte sur des domaines très divers (santé, affaires indiennes, commerce, transport, mines, réforme agraire), et qu’il est difficile de coordonner des actions organisées en fonction d’objectifs si différents, même si l’espace concerné est le même. Citons par exemple le cas de la vallée du Rio Roosevelt, où un gisement de diamants relève du DNPM, dans une zone de conflits entre grandes fazendas et petits colons, ce qui est de la compétence de l’INCRA, mais sur les terres de parcours des indiens Suruis, qui dépendent de la Funai …

Surtout, il n’existe pas de coordination entre les services de ministères différents, Santé (Sucam), Mines et Énergie (DNPM), Intérieur (Funai et Suframa), Guerre (5 ° BEC, CFAR), Agriculture (INCRA). Il existe bien des services de planification, mais les uns sont trop haut placés pour descendre à ce niveau de détail, à Brasília, et les autres n’ont pas autorité pour agir puisque ce sont ceux du gouvernement du Territoire. Au niveau convenable, celui de la « grande région », nous avons affaire à un problème plus particulier. Au nom de raisons peut-être géographiques et très défendables, le Rondônia a été inclus dans deux ensembles : amazonien, il a été confié à la SUDAM, (Surintendance du développement de l’Amazonie); débouché par la BR364 du Centre-Ouest il fait partie de la zone d’influence de la SUDECO (Surintendance du développement du Centre-Ouest). Un accord a été en principe

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conclu entre les deux organismes, la SUDECO assurant la planification et la SUDAM le choix et la mise en place des projets subventionnés. Le résultat le plus clair de ce conflit des compétences est qu’aucune des deux surintendances n’agit en Rondônia.

Nous touchons là l’exemple le plus net d’un des maux principaux qui entravent le développement harmonieux du Rondônia : les conflits de compétences. Car ce groupe d’organismes fédéraux n’a pas que des problèmes internes de délimitation des zones et secteurs d’action, mais il en a également avec les autorités municipales et gouvernementales, et celles-ci en ont entre elles. Car il n’existe pas de limite nette des pouvoirs : la zone pionnière relève territorialement du municipe de Porto Velho, mais aussi du Territoire Fédéral de Rondônia, de la « Province stannifère de Rondônia », du « Projet foncier Rondônia », de la « Bande de frontière » militaire et de diverses autres juridictions.

C’est ainsi que la santé des habitants de Porto Velho relève de la secretaria de la santé de la Mairie, mais aussi de celle du gouvernement, de la Sucam pour toutes les maladies infectieuses, étant entendu que les militaires ont leurs propres hôpitaux et que diverses organisations charitables ou religieuses ont leurs établissements et leur politique d’assistance propre. Et le bilan sanitaire de la ville – ne parlons pas de l’intérieur – est loin d’être satisfaisant.

On pourrait donner bien d’autres exemples, les conséquences étant toujours analogues : le service qui devrait être assurés ne l’est généralement pas, ou l’est au prix d’un gaspillage de temps, d’argent et d’énergie qui trouveraient facilement à s’employer ailleurs. Quand la compétence est clairement définie et la tache confiée à un organisme unique, le plus souvent mixte et recevant divers financements, le résultat est bon. C’est le cas pour les eaux et égouts (CAERD) ou l’électricité (CERON). Ces chevauchements de compétence, qui apparaissent bien sur le tableau, sont d’autant plus regrettables qu’ils aboutissent à gaspiller l’une des ressources les plus rares et les plus précieuses pour le développement – nous avons vu combien elle manquait en Rondônia – la main d’œuvre qualifiée.

Ces problèmes essentiels pour le développement de la région, ne lui sont pas totalement particuliers : manque de main d’œuvre, tout spécialement de cadres, débordement des administrations anciennes, conflits de compétences entre celles-ci et les nouvelles administrations fédérales, ces difficultés sont souvent le lot de toute l’Amazonie et de quelques autres zones pionnières du Brésil, tout comme ce fut le cas à d’autres époques et comme ce l’est encore dans d’autres pays de l’Amérique Latine et du monde tropical.