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Si, à partir de cette étude de la dépendance en matière de commerce à longue distance et des transports, on fait le bilan de la dépendance du Rondônia par rapport au Brésil industriel, on ne peut que constater qu’elle est pratiquement totale: partielle pour l’alimentation, elle est complète pour les produits manufacturés. On ne peut préciser quel est son degré pour le commerce et les services, mais tout donne à penser qu’avec le développement du Territoire ces secteurs vont de plus en plus intéresser les capitaux du Sud, on a déjà vu s’installer des banques, des hôtels modernes, dont l’un est propriété de la compagnie d’aviation Cruzeiro do Sul , une agence de tourisme.

On peut également parler de dépendance culturelle: il n’y a aucun établissement d’enseignement supérieur dans le Territoire, ce qui oblige â aller étudier dans le Sud. La presse locale, limitée aux nouvelles de la ville, la radio aux mains du clergé, et elle aussi très « localiste », ne sont ni très lue ni très écoutée, en grande partie à cause de leur mauvaise qualité technique, les gens du Sud leur trouvent un caractère marqué « do interior », du «

bled ». En outre la télévision, installée pour la coupe du monde de football de 1974, va sans

doute leur porter un coup fatal. Or cet émetteur, qui ne porte pas au-delà des limites de la ville, est, à travers la télévision de Manaus, propriété du réseau national Globo, de Rio de Janeiro.

Par bien des aspects le Rondônia pst donc comparable a une colonie du Brésil, pour tous les échanges économiques comme pour les autres types de relations. Et si l’on interroge à ce propos les responsables administratifs, politiques, économiques, que des nécessités de carrière ou d’affaires ont amenés dans le Territoire, on perd tous ses doutes è ce propos. Du moins à Porto Velho, vieille ville « coloniale », alors qu’à Vila de Rondônia on croit au développement autonome du Territoire, on voudrait voir le Territoire émancipé, essentiellement pour régler le problème foncier, qui-passerait aux mains du gouvernement de l’État: c’est-a-dire qu’on fait de la dépendance politique la clef de tous les maux, ce qui nous parait très contestable.

Car le passage au statut d’État, s’il réglait ce problème, permettant ainsi aux capitaux importante de s’investir sur une grande échelle et – ajoutons-nous – de faire sur une grande échelle de la spéculation foncière – poserait au futur gouverneur d’insolubles problèmes, don celui des finances ne serait pas le moindre: les États brésiliens ont depuis 1964, une autonomie très restreinte, mais doivent assurer leur équilibre financier.

On en aura une idée en examinant le budget du Territoire de 1970 à 1972 (tableau n° 16) Ces chiffres – qui ne portent que sur le budget du Territoire – sont assez éloquents. Les autres budgets publics du Territoire, 5 ° BEC, INCRA, sont purement fédéraux et ne font qu'accentuer la dépendance du Rondônia.

En fait le Territoire dépend du reste du Brésil pour le financement des activités administratives et de tous les services publics, dans une proportion de 96,75 % en 1970, 82,2 % en 1971 (on s’explique mal cette subite et provisoire augmentation des ressources), et de 94,7 % en 1972.

Cette dépendance, marque la plus nette de l’état de domination dans lequel se trouve le Territoire, montre assez bien les limites de l’autonomie de nos trois régions et du Rondônia tout entier.

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Tableau 17 Finances du gouvernement du Territoire

1970 % 1971 % 1972* %

Recettes 1 105 641 3,3 8 257 920 17,8 2 644 625 5,3

Recettes du Territoire 406 923 5 677 700 1 511 571 Ressources propres 448 111 774 470 1 133 054 Impôt unique sur l'énergie électrique 250 607 1 805 750

Fond de participation des communes 15 810 514 46,4 20 230 880 43,5 21 278 191 42,6

Ressources de l'Union 17 199 170 50,4 17 924 300 38,7 26 000 000 52,1 Total 34 115 325 100,0 4 413 100 100,0 49 922 817 100,0 Dépenses 1970 % 1971 % 1972* % Total 46 413 100 49 922 100 Administration 10 570 056 44,3 21 117 600 42,3 Santé 6 600 000 14,2 9 971 627 19,9 Education 5 500 000 11,8 4 138 619 8,2 Agriculure et élevage 3 740 000 8,0 4 034 022 8,1 Energie 3 130 000 7,1 2 750 000 5,5 Transports 2 670 000 6,2 1 940 035 3,8 Défense et sécurité 1 178 000 2,5 1 685 203 Logement et urbanisme 1 000 000 2,1 Industrie 335 000 0,7

*Jusqu’en octobre. Source : Centro de informações econômico-fiscais in Anuário estatístico de Rondônia

Le Territoire fédéral de Rondônia est donc bien, dans une très large mesure, une sorte de colonie intérieure du Brésil, dont il dépend politiquement, économiquement, commercialement, culturellement. Son développement, que nous avons longuement étudié, est réel: accroissement démographique rapide, conquête et mise en valeur de vastes espaces, croissance urbaine et commerciale. Mais il ne faut pas perdre de vue à quel point ces mutations sont dépendantes de facteurs externes: son point d’origine, la décision d’ouverture et la construction de la route, est dû à une initiative de Brasília, de même l’ouverture des projets de colonisation. L’afflux démographique qui a suivi et qui alimente la conquête de l’espace est en partie dû aux conditions propres à la région, mais aussi aux conflits agraires dans le Sud qui mettent les immigrants sur les routes, et à la propagande, officielle ou non, qui les pousse au long de le BR 364. La création d’entreprises agricoles ou commerciales, la gestion et l’organisation du développement du Territoire sont largement entre les mains de ressortissants d’autres États quelle est finalement la part du Rondônia dans ces mutations? C’est en fait le Brésil qui « toma conta », « s’empare », de la région pour et par le Sud développé, comme d’un nouvel Eldorado, qu’on abandonnera s’il n’est pas assez productif, et dont le développement harmonieux n’est en rien le but recherché. Tout au plus certains organismes sont-ils charges de tenter de mettre de l’ordre dans ce développement chaotique, tire a hue et a dia par les appétits de tous.

Plus qu’une mise en valeur rationnelle, « intégrée » selon un terme cher aux Brésiliens, on e en Rondônia la mise en coupe réglée d’un nouvel espace par des initiatives parallèles, chacune visant à son propre profit dans un secteur déterminé. Qu’on ne voie là aucun jugement de valeur: ce type de conquête a été celui des États-Unis par exemple, et aussi de bien des régions du Brésil lui-même. À la longue tous les secteurs de profit possibles sont occupés et finissent par constituer une économie complète. Mais il nous faut garder en mémoire ces faits au moment de tenter de discerner les perspectives offertes aux diverses activités et d’esquisser des indications sur l’avenir probable du Territoire lui-même.

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