• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : ÉTAT DE LA QUESTION

2.1 Les modèles organisationnels de FAD

2.1.1 Types d’organisations de FAD

Trois types d’organisations de FAD existent dans l’enseignement supérieur : les organisations autonomes, les organisations bimodales ou mixtes et les organisations en réseau ou consortiums que nous verrons en même temps que le second type.

2.1.1.1 Les universités autonomes ou unimodales

Les organisations autonomes et unimodales désignent les institutions offrant exclusivement des enseignements à distance. On les appelle aussi universités à distance ou encore universités virtuelles (Power, 2002), parfois pour des raisons commerciales ou pour mettre en relief la haute technologie de la communication basée sur Internet, qui est utilisée dans ces institutions (Moore & Kearsley, 2005). L’Open University de Grande-Bretagne est l’une des plus célèbres universités de ce modèle. Mais selon Peters (1965), cité dans Kaye (1985), les premières institutions du genre sont des universités ou institutions de formation polytechnique érigées en URSS et en Afrique du Sud. Beaucoup d’institutions universitaires autonomes sont également des universités ouvertes (Moore & Kearsley, 2005) : ce qui se traduit par une relative facilité d’accès aux formations et par une grande flexibilité des conditions et circonstances d’apprentissage (Glikman, 2002). Au Canada, ce type d’organisation est dignement représenté par l’Université d’Athabasca (Moore & Kearsley, 2005). Cette université, qui affiche actuellement des slogans tel que « open, online, everywhere » ou encore « time for work, time for my degree » offre plus de 850 cours à plus de 40 000 étudiants, dont 7 800 à temps plein (Athabasca University, 2017). Les modes de transmission privilégiés dans ces universités sont les séminaires, les cours en ligne et souvent les MOOC (Moore & Kearsley, 2012; Siemens, 2013).

Par ailleurs, au sein même des institutions unimodales, il peut y avoir encore des différences notables selon les fonctions organisationnelles et le modèle éducationnel adoptés (Rumble, 1993). De manière générale, ces établissements accordent une importance particulière aux fonctions de production, d’encadrement et de gestion logistique avec un contrôle hautement centralisé (Kaye, 1985). Ce mode de gestion de l’éducation, emprunté aux procédés industriels19, a été largement utilisé durant les années 1970, avec une grande division des tâches

et pour réaliser des économies d’échelle (Kaye & Rumble, 1981; Rumble, 1993). L’une des conséquences de cette gestion, c’est que le processus éducatif, assimilable au modèle pédagogique traditionnel de transmission de la connaissance, s’en trouve souvent réduit à un simple bien de consommation, à cause du modèle industriel de production des cours (Henri & Kaye, 1985b; Power, 2002). C’est également l’analyse que font Peraya et

Poellhuber (2016), en ce qu’ils trouvent que, souvent, le processus de médiatisation des MOOC semble davantage centré sur l’enseignement que sur l’apprentissage.

De plus en plus, cette tendance pourrait être renversée par les logiciels auteurs, les procédés de design et de développement des systèmes de formation qui permettent aux enseignants de produire eux-mêmes leurs cours et de se passer des autres professionnels en informatique, en graphisme, édition, audiovisuel, etc. C’est la conviction de Arinto (2013) dont l’étude a montré que dans son université unimodale des Philippines, la diffusion en ligne exige que les enseignants soient dotés de compétences en enseignement ouvert et en ligne, comme celles de conception de cours. Ce qui contribuerait pour beaucoup à l’efficacité de l’enseignement avec la technologie (Arinto, 2013).

Ainsi donc, l’unimodalité pet s’avérer globalement positive, en ce qu’elle permet aux institutions de se construire une réglementation propre et de cultiver leur autonomie et l’expertise de leurs personnels ; ce qui s’avère plus difficile pour les universités mixtes ou en réseau (Perry, 1977).

2.1.1.2 Les universités mixtes et les universités en consortium

Les organisations mixtes dites aussi bimodales désignent les universités qui offrent, à des degrés variables, des activités d’enseignement à la fois sur campus et à distance (Moore & Kearsley, 2005; Power, 2002; Rumble, 1993). C’est le modèle d’organisation de FAD le plus répandu, surtout aux États-Unis où, vers 1998, plus du tiers des 5 010 institutions d’enseignement supérieur se sont mises à offrir des cours en ligne (Moore & Kearsley, 2005). En 2002, Power parlait d’un processus déjà enclenché de bi-modalisation de l’enseignement supérieur20.

Au Canada, l’Université Laval et l’Université de Montréal se classent dans cette catégorie avec 66 565 inscriptions à des cours à distance pour la première institution et 10 620 pour la seconde, au courant de l’année 2015-2016 (Parr, 2016).

Les consortiums renvoient à des regroupements d’universités bimodales, formant du coup un réseau (Kaye, 1985). Ce modèle d’organisation présente au moins deux avantages : permettre aux universités du réseau de partager les frais associés aux enseignements basés sur les nouvelles technologies et améliorer leur compétitivité (Moore & Kearsley, 2012). L’une des principales contraintes de ces institutions est liée au fait que le champ d’action de chaque unité et son autonomie peuvent être restreints par ceux des autres partenaires du réseau (Kaye, 1985; Perry, 1977). Au Québec, la Télé-université (Téluq), qui était la dixième composante de l’Université du Québec dans les années 1970, pourrait être considérée comme un exemple de consortium de FAD, bien que cela n’ait pas prospéré : « À sa création en 1972, la TELUQ devait soutenir une offre de formation

à distance au sein du réseau de l’Université du Québec (Guillemet, 2012). Force est toutefois de constater que cet objectif n’a pas été atteint, car chaque composante a mis en place ses propres activités de formation à distance » (Julien & Gosselin, 2016, p. 5). Les universités en réseau présentent généralement les mêmes caractéristiques que les universités unimodales comme l'Open University britannique. La Army Access Online (e-ArmyU) est un autre exemple de consortium de FAD cité dans la littérature (Moore & Kearsley, 2005; Rumble, 1993). Fondée en 2001 avec 20 collèges ou universités, la e-ArmyU dispense des cours à près de 31 000 soldats de plus de 20 bases d’armée à travers le monde (Moore & Kearsley, 2005). Toujours aux Etats-Unis, on peut compter aussi la National Technological University (NTU) qui coordonne et homologue les versions vidéos des cours des écoles d’ingénieurs d’une trentaine d’universités classiques (Rumble, 1993). En dehors des États- Unis, il y a la British Aerospace Virtual University et l’University for Industry au Royaume-Uni et la Global Virtual University en Nouvelle-Zélande.

Dans les institutions bimodales, l’administration des activités d’enseignement à distance se déroule généralement selon l’un des deux scénarios suivants. Le département offrant des cours à distance peut s’occuper, à l’interne, des activités spéciales de conception et production des matériels didactiques. C’est ainsi que fonctionnait Wye College de l’Université de Londres, dont le département d’économie rurale avait élaboré un programme menant à une licence et maitrise en développement agricole (Rumble, 1993). Le second scénario consiste à mettre sur place une unité spéciale dont les seules responsabilités sont l’enseignement à distance (Moore & Kearsley, 2012; Power, 2002; Rumble, 1993). L’idéal serait que cette unité de la FAD fonctionne avec son propre personnel administratif, ses concepteurs pédagogiques et techniciens spécialistes, mais s’appuie sur l’expertise du personnel enseignant de l’institution mère (Moore & Kearsley, 2012). L’université de l’État de Pennsylvanie peut servir d’exemple avec son unité spéciale appelée World Campus, qui délivre des diplômes de formation professionnelle continue « Anytime, anywhere » (Moore & Kearsley, 2005). Selon les mêmes auteurs, les enseignements sont délivrés par le personnel enseignant régulier de l’université ; et l’unité World campus fournit des services de support d’apprentissage avec l’accès à une bibliothèque, facilite les enregistrements, fournit des conseils, un support technique pour l’évaluation, …

Les tâches d’encadrement et de diffusion du matériel liées au sous-système des activités d’apprentissage sont plutôt décentralisées dans ces types d’universités à distance. C’est le cas à l’Universidad Nacional d’Educacion a Distancia d’Espagne et à l’Université centrale d’enseignement télévisuel de Chine (Kaye, 1985). En réalité, ces tâches et leur gestion varient fortement d’une institution bimodale à l’autre, en raison du manque de préparation de beaucoup d’universités traditionnelles, davantage préoccupées par la satisfaction de la demande en éducation à distance (Weber, 2015). En outre, le modèle industriel de médiatisation et de diffusion des matériels de cours a de plus en plus tendance à disparaître avec les universités bimodales, principalement à cause de difficultés de financement, au profit de pratiques souvent calquées sur l’enseignement traditionnel sur

campus, notamment avec la mise en ligne de cours existants (Peraya, 2016). L’ex-professeur-soleil devient la vedette de l’écran en enseignement à distance, mais dans une nouvelle forme d’approche magistrale assistée par vidéoconférence (Power, 2002). Il existe une réelle diversité des pratiques pédagogiques dans les institutions bimodales, si bien que l’Université Laval a progressivement développé une politique de coordination et d’accompagnement des initiatives individuelles des enseignants; ce qui a permis la mise en cohérence des diverses initiatives facultaires (Peraya, 2016). En tous les cas, la bimodalité semble plus apte à promouvoir des pratiques pédagogiques permettant de produire des apprentissages autonomes et responsables, comparé aux universités entièrement à distance et hautement centralisées (Kaye, 1985).

2.1.2 Analyse systémique et dispositive des organisations