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Chapitre 5 : CAS DE COURS STNL12

5.5 Discussion et conclusion pour STNL12

5.5.1 Discussion

Les éléments qui ont particulièrement attiré notre attention sont relatifs à la construction de la proximité objective par les ressources et par la coordination, mais aussi à l’activité étudiante autour du dispositif de cours contribuant à la proximité subjective.

Ressources décoratives pour la transmission des savoirs Comme cela est bien apparu avec le type de dispositif gîte auquel correspond STNL12, les ressources d’enseignement et outils mis à disposition dans l’environnement numérique d’apprentissage le sont davantage de manière décorative. Malgré leur richesse et leur diversité, ces éléments servent plus dans l’aménagement de la plateforme que dans des occasions de construction et de co-construction des connaissances par les étudiants.

D’un côté, ce type de dispositif présente certaines caractéristiques des modèles de FAD centrés sur l’institution de formation (revoir au besoin 2.2.1) et généralement centrés sur l’enseignement. Sans renvoyer exclusivement à l’approche industrielle ou post-industrielle de la formation à distance, le dispositif STNL12 cherche la proximité avec l’étudiant en privilégiant le matériel de cours, la transmission des connaissances (Peters, 1993; Peters & Keegan, 1994) et un positionnement pour des apprentissages individuels en autoformation (Keegan, 1980, 1996) mais non individualisés.

D’un autre côté, en raison de la parfaite connaissance de l’enseignant-concepteur du modèle pédagogique global (le comodal adapté) de l’UVS, le dispositif de cours STNL12 – du moins dans l’esprit de sa conception –

s’y réfère particulièrement, malgré le décalage majeur constaté par l’absence de séances présentielles obligatoires à l’ENO (UVS, 2019a).

Par conséquent, le manque d’espaces-temps collaboratifs entre étudiants dans l’espace numérique d’apprentissage, limités aux rencontres synchrones et asynchrones, réduit sérieusement les possibilités de proximité a-spatiale voulue à partir des ressources, surtout que les grands besoins d’apprentissage collaboratif des étudiants sont bien connus de l’enseignant et de la tutrice. Enfin, malgré la restriction des possibilités de choix de méthodes d’apprentissage et d’évaluation que l’enseignant concepteur a voulu appliquer aux étudiants, ces derniers trouvent une certaine ouverture grâce à leur propre environnement d’apprentissage.

Faible proximité de coordination

En choisissant de faire porter les modalités d’accompagnement et de médiation de son dispositif de cours davantage sur les pairs apprenants que sur les tuteurs, dans des circonstances présentielles d’apprentissage, le concepteur de cours réaffirme sa conviction des potentiels de travail collababoratif chez les étudiants, la profondeur de la culture d’apprentissage en présence qui les détermine et sa croyance en la force du soutien entre pairs.

Aussi, cet accompagnement socio-affectif et méthodologique prévu par ConcSTL12 est-il davantage non formel, puisqu’il n’est pas planifié pour se dérouler dans le cadre du dispositif : ConcSTNL12 s’attend à ce qu’il émerge dans l’environnement privé d’apprentissage des étudiants. Cela fait penser à ce que Perrenoud appelle « le curriculum caché » (Houssaye, 2013, pp. 61-76), en opposition au curriculum formel. Traduisant le côté implicite, vague et non explicitement programmé d’une formation (Perrenoud, 2013)., le curriculum caché contribue d’une certaine manière à l’ouverture du dispositif STNL12 qui, grâce à une liberté tout aussi implicite, permet aux étudiants une prise en charge autonome de leur formation. Mais étant donné que cet accompagnement n’est pas formellement inscrit dans le dispositif pédagogique, nous ne le considérons pas parmi les facteurs de proximité a-spatiale de coordination.

L’accompagnement formel, le tutorat proprement dit, est, quant à lui, essentiellement porté sur la compréhension des contenus d’apprentissage : composante de l’accompagnement qui réaffirme l’orientation pédagogique centrée sur l’enseignement du dispositif de cours. L’accompagnement ou encadrement cognitif, portant sur le « traitement des informations (…) nécessaire à l’atteinte des objectifs du cours (et sur) les apprentissages liés au contenu du cours » (Gérin-Lajoie, 2019, p. 22), contribue à renforcer la proximité a- spatiale par les ressources.

par l’UVS, comme nous le confirme un participant intervenant dans le sous-système chargé de la production des activités d’apprentissage : « Il est possible d’avoir autant d’interactions entre étudiants et entre étudiants et tuteurs. Il est aussi possible d’organiser des travaux de groupes de 5 à 10 étudiants en ligne sur les plateformes. C’est bien possible » (SSG3). La taille des effectifs étudiants de l’UVS et le défaut de resources humaines qualifiées, comme en technopédagogie (SSG10), pourraient constituer d’autres sérieux obstacles, qui limitent les ambitions de l’institution concernant l’ingénierie pédagogique. Une pertinente analyse nous a été livrée par un participant sur la contribution de personnels technopédagogues qualifiés dans le dispositif de l’UVS :

Quand on rentre dans le grain de cours, un technopédagoque devrait intervenir avec l’expert de contenu, lui expliquer que pour telle partie du cours, voici le média qui est adapté. Alors que ce n’est pas ça qui est fait au niveau de l’UVS. Mais ça se comprend. Pourquoi? Parce que nous avons des effectifs énormes et nous n’avons pas assez de ressources humaines. Des technopédagoques, c’est un profil qui n’existe pas – si je peux le dire ainsi – au Sénégal. [...] Mais sinon, quand vous regardez au niveau de la DFIP, il n’y a pas de technopédagogues. Ce sont des informaticiens, qui ont été formés ici sur le tas à l’UVS pour être des technopédagogues. Mais c’est un travail pointu, c’est un profil très pointu, vraiment. On devrait peut-être créer des formations sur ça. (SSG5).

Sur un autre plan, la non prévision d’accompagnement métacognitif est à mettre en rapport avec le défaut de médiation réflexive et la non mise à disposition d’outils d’aide à l’apprentissage relevée dans les ressources mobilisées dans la plateforme. Il semble tout à fait cohérent que, n’ayant n’a pas prévu d’offrir en amont des services d’accompagnement à la réflexivité ou d’aide à l’apprentissage, le système ne s’attende pas à observer des effets subséquents de changements de comportements liés aux processus d’apprentissage des étudiants. Aussi, cette situation est-elle encore tout à fait cohérente avec l’approche transmissive et centrée sur l’enseignement, qui considère l’apprenant comme un récipient destiné à absorber les contenus proposés (Januszewski & Molenda, 2013).

Inégal rythme d’apprentissage

L’activité étudiante autour du cas de cours STNL12 nous apparait assez inégale, selon qu’elle se déroule dans le dispositif formel du cours ou en dehors.

Timide activité dans le dispositif formel …

Mis en œuvre essentiellement à distanciel, le dispositif STNL12 enregistre une participation plus assidue des apprenants dans les activités synchrones permettant les interactions en temps réel, que dans celles asynchrones. Cette participation des étudiants semble s’être sensiblement améliorée, de l’avis de la tutrice de cours, en comparaison avec les promotions antérieures et l’outil utilisé qui n’intégrait pas les fonctionnalités de communication audiovisuelle. De ce point de vue, l’introduction de Blackboard Collaborate constitue un facteur de proximité objective par les ressources entre le dispositif global de l’UVS et ses étudiants. A contrario, la faible

utilisation des forums de discussion du cours, relevée par la tutrice, notée dans nos observations et confirmée par les étudiants eux-mêmes, s’explique par un manque d’information et de formation de ces derniers, malgré les efforts consentis par l’UVS pour les aider à prendre en main la plateforme dès leur admission (SSG1 ; SSG2). Cependant, ce constat semble concerner particulièrement les étudiants primo-entrants, dont la population de notre étude, comme en atteste ce témoignage de la tutrice de STNL12 : « Les étudiants de L1 n'ont pas de facilité à intervenir sur les forums, de même que le groupe de IDA L1 de cette année. [...] Ils sont beaucoup plus nombreux à le faire en L2 et L3 car, eux, ils sont plus familiers à ces espaces ! Je crois que le fond du problème c’est qu’ils ne connaissent pas bien les forums » (TutSTNL12). Ce fait confirme légèrement l’obstacle identifié à la bonne mise en œuvre de la FAD en Afrique et que nous avons abordé en chapitre de problématique, en l’occurrence la familiarité des apprenants avec les environnements numériques d’apprentissage (Karsenti & Collin, 2010).

Intense activité dans leur dispositif non formel …

Déjà perceptible à travers les données recueillies auprès de l’enseignant-concepteur et de la tutrice de cours, l’autonomie des étudiants s’est révélée bien réelle. D’abord, même si ce n’est pas ouvertement suscité par le dispositif, les deux étudiants se sont montrés véritablement responsables et constructeurs de leurs connaissances, selon les principes socioconstructivistes de l’apprentissage, qui se traduisent par la collaboration, l’apprentissage par les pairs (Boud, 1981; Garrison, 2009; Garrison et al., 2001; Vygotski et al., 1962). Ensuite, à différentes occasions comme face à la problématique de la connectivité à internet, les deux étudiants ont individuellement fait preuve d’autodirection, en activant tantôt leur autorégulation proactive, tantôt leur autorégulation réactive afin de réaliser leurs apprentissage (Bandura, 2003; Jézégou, 2014).

Collectivement, le groupe de travail mis en place entre étudiants, mieux qu’un groupe formel, présente certaines caractéristiques d’une communauté d’apprentissage (Dillenbourg, Poirier, & Carles, 2003), à travers le but individuel et collectivement partagé de transformer leur expérience étudiante (Bandura, 2003). Les objectifs assignés par les étudiants à cette communauté sont de se soutenir aux plans cognitif et socio-affectif, autant en modes virtuel que présentiel. C’est ce cadre collaboratif que les étudiants ont conçu eux-mêmes, principalement en réponse à un besoin d’interactions, que nous interprétons comme un dispositif non formel, ou encore leur environnement collectif d’apprentissage (Jézégou, 2014) – pour ne pas utiliser l’expression environnement personnel d’apprentissage (EPA).

Dispositif non formel hybride …

Le choix de l’espace physique de l’ENO comme environnement privilégié de certaines activités non formelles des étudiants peut se comprendre simplement comme un réflexe naturel de perpétuation de leur seul mode d’apprentissage connu jusque-là : le présentiel. Mais à la lumière de nos observations, cela apparait aussi comme une culture entretenue par les promotions d’étudiants plus âgés, parfois appartenant à la même formation, au profit de leurs cadets. Cet investissement des étudiants aînés dans la formation de leurs jeunes frères, similaire au mentorat, voire au tutorat, entre étudiants, nous semble un fait africain peu documenté dans le champ de la recherche sur la FAD. Cette pratique renvoie, en différents points de vue, au mode de vie communautaire des étudiants et de la société sénégalaise, marqué par l’assistance mutuelle et attribuant aux grandes personnes la responsabilité de guider les plus jeunes. C’est en cela que l’existence de l’ENO dans le dispositif global de l’UVS, en tant que lieu physique de convergence des étudiants, constitue un facteur certain de proximité à la fois spatiale et a-spatiale contribuant fort à l’expérience de proximité des étudiants.

Quant au recours à la plateforme WhatsApp en particulier comme espace virtuel de leur communauté d’apprentissage, c’est un fait maintenant classique, parce que régulièrement démontré par la recherche actuelle portant sur l’appropriation des dispositifs de FAD en enseignement supérieur (Murugaiah & Yen, 2019). Outil de communication privé utilisé personnellement par les deux étudiants interrogés via leurs téléphones mobiles, il sert à diffuser plus largement l’information provenant de l’organisation de formation, mais aussi à apprendre en se posant des questions et en répondant à celles des pairs. Ces formes d’usages de WhatsApp en formation et plus largement de différents autres médias sociaux comme Facebook, Twitter, Instagram, YouTube, etc., sont assez documentés dans la littérature et témoignent non seulement de l’autonomie, de l’engagement et de l’autodirection des étudiants, mais contribuent considérablement à une expérience étudiante positive notamment gr)ace à leur communauté d’apprentissage en ligne (Abrahim, Mir, Suhara, Mohamed, & Sato, 2019; Deschryver, 2008; Goodyear, Parker, & Casey, 2019; Jézégou, 2014). L’usage de WhatsApp par les étudiants de STNL12, comme le montre le Tableau 15 suivant, moins que le dispositif de cours formel, impacte considérablement l’expérience de proximité des étudiants. Les différents facteurs de proximité subjective relevés chez ces étudiants de STNL12 attestent enfin que ces jeunes Sénégalais savent apprendre à distance, contrairement aux préjugés répandus parmi la population sénégalaise.